mardi 15 avril 2008

chronique d'un calcul


Hier, suite à une opération d'un calcul rénal deux jours avant, je ressens une douleur aux lombaires, typique de la colique néphrétique. La veille je n'ai pas diné, un ballonnement me fait mal dans tous les intestins. J'appelle mon généraliste qui me conseille les urgences.
Après avoir tourné autour des urgences de l'hopital d'Antony, culpabilisé car je ressens que ma vie n'est pas en danger, je m'y resouds car j'ai trop mal et me présente.
Je me trompe de guichet et attend aux "sorties" personne ne m'en avise.
Finalement je vais aux "entrées", la fille me parle sans me regarder. Après 10 mn d'attente une infirmière me prend en charge.
-"j'ai mal j'ai été opéré Vendredi...". On m'installe sur un brancard dans une autre pièce.
-Une autre infirmière : "Qu'est ce qui se passe Monsieur ?".
-Moi : "J'ai mal j'ai été opéré Vendredi, hier soir mes intestins étaient gonflés..."
Elle est jeune et gentille.
10 mn plus tard le Médecin des urgences : "Tiens je vous reconnais vous!"
-Moi: "Oui moi aussi je vous reconnais".
Le calcul avait été diagnostiqué une nuit , quinze jours plus tôt, aux mêmes urgences , par le même médecin.
-Le médecin: "Qu'est ce qui se passe , Monsieur ?"
Moi: "J'ai mal j'ai été opéré Vendredi, et hier soir j'ai été balonné..."
-Le medecin: " Stop , Arrêtez sinon elle va..."
La phrase est déstinée à la jeune infirmière, je n'en comprends pas le sens, mais ressens une impression de malaise, comme si je me répandais trop en explications.
-Le médecin: "Bon il est possible que ce soit une sidération du bol alimentaire, cela arrive après des opérations. Mais nous allons vérifier qu'il n'y a pas de fragment de calcul restant, par échographie, mettez le sous perf de Profenid."
La douleur me contracte les intestins comme une violente colite, plus le rein et l'uretère gauche.
Le temps que l'infirmière me branche la perf, je chiale de douleur. On me descend à la radio.
Là j'attendrai 2h30 sans nouvelle. Une femme arrivée après moi en fauteuil roulant est appelée à la radio. Elle revient. J'aperçois le medecin des urgences qui dit en parlant d'elle :
-"il faut lui faire une echo aussi"
Elle part faire son echographie.
Au bout d'une heure trente je tente un
-"Vous êtes sur qu'on ne m'a pas oublié ?" à destination d'une secrétaire située à 10m que j'aperçois depuis mon brancard.
-"Non non monsieur mais il vous ont descendu trop tôt, l'écho ça commence à 14h".
A la limite, comme la douleur est passée, je suis prêt à tout encaisser.
L'echographie est normale, juste un rein un peu dilaté et un peut de caillotage dans la vessie, normal après l'opération. Je tente de reparler de mes intestins sans succès.
Je suis replacé dans le couloir.
-"On va venir vous chercher pour vous ramener aux urgences"
Vingt minutes plus tard un brancardier me remonte. On me replace dans une salle, derrière un paravant. Je reste là 40 mn. Une femme agée à coté doit se faire poser une sonde urinaire.
Le médecin des urgences surgit .
-"Tout est normal, vous pouvez sortir, Vous revoyez l'urologue Jeudi."
-"Mais je pars en vacances Mercredi !"
-"Bah vous retardez de 24h, on le déperf, il sort".
Il repart. Je ne comprends pas pourquoi je dois revoir l'urologue, ce n'était pas prévu et il vient de me dire que tout est normal.
A la sortie j'attends au guichet "sortie", ce coup ci c'est le bon guichet. Le jeune guichetier téléphone. J'entends la conversation, il s'agit d'un rendez vous pour son fils. Il raccroche. Je vais pour me lever, mais il rappelle sa femme, pour dire à quelle heure son fils a rendez vous. Je me lève et marche devant lui, il ne me regarde pas, pianote sur l'ordinateur et ne se départit pas de son combiné coincé dans son cou.
Finalement il me tend un papier à signer, un bon de situation.
- Vous m'en donnez un exemplaire ?
- Non ce n'est pas pour vous.
- Mais pour mon travail aujourd'hui ?
- Sans répondre il prend un autre formulaire qu'il signe et tamponne
- Il faut que je prenne rendez vous avec l'urologue.
Il s'exécute et me donne mon rendez vous
Moi : "c'est tout"
-"oui"
Je n'ai pas d'ordonnance.
Deux heures plus tard j'ai mal comme un chien. J'appelle le généraliste qui me conseille de prendre les anti-inflammatoires qu'on m'avait prescris pour 48h en post-opératoire. Je prends aussi du carbosymag pour dégonfler mon intestin. La douleur diminue.
Je me sens humilié. Humilié d'être invisible à l'entrée aux urgence. Humilié d'avoir ma parole réduite au minimum pour le diagnostic vital. Humilié d'être stocké comme un paquet dans un couloir pendant des heures. Humilié d'être considéré comme un portefeuille pour des consultations inutiles. Humilié par un réceptionniste qui traite ses affaires privées avant de considérer les patients. Humilié par un système que je reconnais malgré tout efficace et compétent.
Mais réellement, il manque un maillon entre les urgences et le retour "à la maison".
D'un coté le médecin généraliste qui renvoie aux urgences, de l'autre les urgences qui font mécaniquement leur boulot, où l'on se sent coupable si on est pas en danger de mort, et personne qui ne traite mon problème en sortie : de terribles douleurs générées par du gaz qui comprime mes organes inflammés par l'opération.