lundi 18 décembre 2017

musique et répétition

La musique met en évidence un quadruple usage de la répétition.
L’usage des sept notes de la gamme en constitue le premier. Tel un alphabet, la suite des notes interprétées puise nécessairement plusieurs fois dans cet ensemble réduit.
Le second se trouve à l’intérieur même du morceau où se répètent des motifs, causes de jouissance renouvelées. Refrain dans la musique populaire, ou thème dans la musique classique ou le jazz, les séquences identiques ou ressemblantes structurent toute partition. Répétition qui identifient le morceau, le refrain ou le thème sont attendus par l’auditeur, comme un moment de vie radoté, et se répète sans surprise lui renouvelant la jouissance d’une habitude dont la monotonie même constitue la recette du plaisir.
Puis vient le le rythme, le tempo, à chaque fois particulier, reproduction perpétuelle d’une séquence courte identifiable, qui est donné comme l’essence même de la répétition . Toute répétition possède un rythme, et tout rythme est fondé par la répétition. Nous aimons tel ou tel style musical simplement sur la base du rythme. Valse, rock, salsa, tango etc. s’identifient immédiatement par leur tempo spécifique.
Le quatrième prend forme à l’occasion des rencontres successives avec le même morceau de musique. Nous prenons plus de plaisir à répéter son écoute, la seconde puis les fois suivantes, qu’à l’entendre pour la première fois. Malgré tout, dès la première rencontre, lorsqu’un air capte notre attention, quelque chose se passe, qui se réitère avec plus de puissance et plus d’émotion lors des occurrences suivantes. Lors de la répétition de chaque écoute, Il y a le plaisir des notes et du rythme qui font vibrer le corps, et donnent du plaisir, mais aussi la joie de retrouver avec certitude une séquence connue, et de mieux en mieux connue au fur et à mesure des répétitions. La séquence musicale, prévisible, se double d’une séquence de réactions internes, prévisible également, appariée aux variations acoustiques, un peu comme si nous prenions le rôle du violon sous l’archet de l’interprétation. Comme la madeleine de Proust, les notes rejouées, comme une éponge qui aspire l’eau que l’on presse plus tard, nous restituent l’indicible état interne qui fut le nôtre lors des premières écoutes.
Ces quatre « pattern » de répétition forment un rituel indéfectible dans tout morceau de musique, uniquement pris en défaut lors d’une improvisation, qui casse le flux des notes attendues. Mais même les plus grands improvisateurs sont incapables d’aligner des suites de notes sans qu’on y découvre des schémas, des modèles répétés, et leurs créations s’insèrent toujours dans un rythme et un thème donnés. Il est d’ailleurs fréquent, lors d’une improvisation, de jouer un court rappel d’un standard très connu. Cette référence à une œuvre fameuse à l’intérieur même de l’inspiration improvisatrice n’a rien à voir avec du plagiat, elle prend la valeur d’ un salut, d’une révérence admirative, et témoigne, elle aussi, d’ un amour de la répétition. L’enregistrement, qui a permis de rendre asynchrone le jeu musical initial et son écoute, ôte à l’improvisation son caractère unique. Par sa reproductibilité technique, le morceau improvisé est recyclé comme une séquence à écouter maintes fois, donc prédictible, qui possédera toutes les caractéristiques décrites plus haut.
Il faut rappeler enfin que lorsque des musiciens s’apprêtent à se produire en concert, ils se réunissent auparavant pour le préparer, ce qu’ils nomment « une répétition ».



vendredi 17 novembre 2017

Les présidents virtuel et le président réel

Dans la série télévisée "House of cards", un homme politique sûr de lui et dévoré d'ambition manoeuvre pour devenir président des Etats-Unis. Les barrières morales s'effrondrent une à une et il va jusqu'au meurtre pour arriver à ses fins. Son épouse n'est pas en reste dans l'incarnation du mal et le stimule pour qu'elle puisse partager la jouissance du pouvoir à tout prix. Le poste présidentiel n'a pour fonction que flatter l'égo partagé du couple, image du Mal absolu.
"Designated Survivor", autre série sur le thème de la présidence US, nous présente un traitement exactement opposé. Le président arrive au pouvoir non par calcul mais par hasard. Son égo est inexistant et il ne pense qu'à son bon peuple. Il doute en permanence de ses capacités. Sa bonté et son honnêté laissent pantois ses collaborateurs et il refuse systématiquement toute compromission : plutôt la chute qu'utiliser pour gouverner des moyens malhonnêtes. Ce président christique inonde le monde de ses décisions providentielles.
Deux présidents virtuels, le Mal d'un côté, le Bien de l'autre. Dans la réalité, le président actuel incarne plutôt la Stupidité.

mercredi 28 juin 2017

réflexions sur la PMA

Depuis la naissance par fécondation in vitro de Louise Brown en 1978 , la science permet de féconder un ovule par un spermatozoïde hors rapport sexuel et d'engendrer un humain sans rapprochement d'un homme et d'une femme. Qu'est ce qu'un humain ? André Comte-Sponville, dans son "Dictionnaire de la philosophie" en donne la définition récursive suivante: "un humain c'est la progéniture de deux parents humains".
La procréation médicale assistée ( La PMA) dans le cas de la FIV ne change pas cette définition, mais introduit trois grande nouveautés dans la génération des humains :
1) elle dissocie la procréation de l'acte sexuel
2) elle dissocie la parenté de la généalogie lorsque le sperme ne provient pas  du conjoint
3) elle introduit également la possibilité technique de choisir les gamètes en fonction des qualités du donneurs, physiques ou autres.
Elle conduit aussi à une autre définition de la médecine : une médecine qui ne se contente pas de soigner les corps, d'aider les malades, mais qui intervient pour combler les souhaits des patients dans leurs projets de vie.
L'acte sexuel provient d'un désir naturel, entre deux partenaires amoureux ou non. Cet acte entre partenaires hétérosexuels ne conduit pas automatiquement à la procréation, puisque la femme n'est fertile que 5 à 8 jours par mois, et que la fécondation peut être bloquée par la contraception mais entre partenaire homosexuels aucune fertilité n'est naturellement possible. L'enfant n'est donc pas  le fruit de l'amour mais il est celui de la nature.
La contraception a fourni un premier moyen de s'éloigner du processus naturel de génération. Les couples hétérosexuels ont trouvé une solution pour laisser libre cours à leur désir tout en gardant leur corps d'engendrer. La contraception a été massivement adoptée car la naissance d'un enfant implique une responsabilité morale et juridique lourde qui transforme massivement la vie, surtout si le couple ne subsiste pas et un seul garde l'enfant. Pour les couples homosexuels la contraception n'a pas eu le même effet de détachement du processus naturel, l'homosexualité reste purement naturelle non attachée à un quelconque dispositif technique.

Le naturel, qu'est ce que c'est ?


Mais qu'entend on par l'adjectif "naturel" ? Pour Aristote, dans la Physique, Livre 2, chapitre premier : "Les êtres naturels portent tous en eux mêmes un principe de mouvement et de repos". L'homme, selon cette définition, est un être naturel, ainsi qu'un arbre. Mais non une chaise ou une table, tirés de l'arbre. Il faut aussi , lorsque Aristote parle de "mouvement" entendre "changement". Ainsi la chaise ou la table n'ont aucune vocation à changer par eux mêmes, "l'art" c'est à dire l'intervention humaine peut seule leur donner une nouvelle nature, hormis leur corruption naturelle, leur pourrissement. Un ovule ou un spermatozoïde posés dans la nature, seuls ou rassemblés, ne pourront donner lieu à un embryon. Un embryon formé hors du corps féminin requiert donc "l'art" humain, en l’occurrence l'art médical, et si l'embryon résultant peut être dit"naturel" puisqu'il évolue de par ses propres lois, il est le résultat d'un processus artificiel humain. La PMA ne peut donc être assimilée à un processus naturel mais plutôt à un processus de génération artificielle d'un être humain.


La nature est-elle le Bien ?


Pour autant l'homme passe son temps à modifier, transformer, utiliser la nature pour sa convenance. Ce qui est "par nature" ne peut être assimilé automatiquement au Bien et ce qui est artificiel au Mal. La morsure d'une vipère est naturelle, de même que l'attaque d'un grizzly ou l'éruption d'un volcan, inventer des antidotes aux animaux venimeux ou prévenir les éruption fait partie des parades nécessaires que la science doit apporter. Comment alors reconnaître ce que l'on doit conserver de la nature d'une part, et ce que l'on doit changer d'autre part ? Ce qu'on doit garder de la technique et ce que l'on doit rejeter ? Nous pourrions naturellement manger de la chair humaine, sans risquer de maladie, ou de disparition de l'espèce. Pourtant nous ne le faisons pas, et cela n'a aucun rapport avec l'affrontement nature/artifice. Certaines pratiques naturelles, c'est à dire sans l'intervention d'artifice,comme la nécrophagie ou la pédophilie sont prohibées dans certaines sociétés. Certaines pratiques artificielles sont tout aussi interdites, comme l'exercice de la médecine sans diplôme ou vendre des médicaments de contrefaçon. Nous sommes ici dans la question morale, qui concerne les pratiques naturelles et artificielles, dont dérive le droit. Respirer n'est pas un droit, manger n'est pas un droit, dormir n'est pas un droit, engendrer n'est pas un droit. Ce sont des processus naturels. Le droit provient d'une convention , même les théoriciens du droit naturel n'ont jamais incorporé les processus naturels du corps comme des "droits". Pour Grotius ou Hobbes, la seule loi de nature consiste à tout faire pour assurer sa propre conservation.

La PMA , lorsqu'elle est ouverte aux couples homosexuels, nous pose une question morale. Pourquoi ? Parce que c'est une pratique artificielle nouvelle qui, étendue, peut avoir de nombreuses conséquences pour l'espèce humaine.  La PMA se trouve à cheval sur la nature d'un côté ( l'évolution de l'embryon) et sur l'artifice de l'autre ( la création de l'embryon). Elle est aussi à cheval sur la nécessité pour la société de se reproduire par de nouveaux enfants et le désir individuel d'être parent. Elle est aussi à cheval sur la médecine d'un côté et la convenance de l'autre.
Alors qu'ont été déjà dissociés , par la contraception, l'acte sexuel et l'engendrement, pourquoi ne pourrait on pas concevoir que la médecine, qui est devenue omniprésente lors de l'accouchement, soit convoquée régulièrement pour fabriquer les embryons humains ?

La médecine


La médecine, lors qu'elle intervient par PMA pour des couples infertiles,  joue son rôle traditionnel de réparation de la "maladie", c'est à dire du corps qui ne fonctionne pas en acte tel qu'il est défini "en puissance" comme dirait Aristote. C'est un dire un corps qui ne réalise pas les potentialités qu'il possède en lui. On pourrait dire, pour en rester dans le registre du droit naturel, que la médecine aide au droit à la conservation de chacun.

Lorsque la médecine intervient pour inséminer une femme qui ne veut pas d'acte sexuel avec un homme elle n'est plus dans le même registre. Le corps de cette femme, qui souhaite une PMA dans le cadre d'un couple homosexuel, fonctionne, mais elle requiert l'artifice par convenance: elle ne veut pas qu'un pénis éjacule en elle mais hors d'elle. S'occuper des convenances, après tout c'est ce que fait la chirurgie esthétique. Mais avec deux différences fondamentales : cela affecte un autre être: l'enfant à naître, et le processus de renouvellement de l'espèce. Se refaire le nez n'implique qu'un corps, qu'un être, son apparence, et n'implique pas les mêmes conséquences sociétales qu'une fabrique d'embryon.
L'avortement, qui n'est pas non plus la résolution d'une maladie peut aussi apparaître comme une convenance,  mais n'implique pas un autre être à venir, qu'il faudra élever, instruire.

Le couple


Par la PMA nul n'est requis de vivre en couple : les couples ne sont devenus stables naturellement que lorsqu'on a compris que le père et la mère biologique étaient co-responsables de l'engendrement et que la famille nucléaire devenait une cellule économique viable dans une société rurale. Mais si la mère bioloqique peut accueillir un embryon grâce à une fabrique, alors le couple n'est plus une obligation, l'amour ou le désir d'un être pour un autre n'est plus une condition à la génération et le désir d'enfant peut aussi bien envahir une femme seule. D'ailleurs la volonté d'élever un enfant ensemble peut aussi être partagé par plus de deux personnes. Platon l'imagine dans "La République" puisqu'il suggère que tous les enfants de la cité doivent être élevés par tous, indistinctement. Chacun doit considérer n'importe quel enfant comme le sien. Dans ce cadre, les couples disparaissent au profit d'une communauté qui prime totalement sur l'individu. Nous sommes évidemment à l'opposé de Platon avec la procréation assistée: dans ce cas l'individu et ses désirs s'imposeront à l'enfant à naître.

Puisque, avec la PMA, la femme devient seule décideuse de sa grossesse, qu'elle ne dépend que de son corps, elle n'a pas de besoin  physiologique d'être en couple. Pourquoi refuserait-on une PMA à une femme seule alors qu'on l'autoriserait pour un couple de femme ?

La parenté

La parenté généalogique ne provient que du désir hétérosexuel, sauf incapacité médicale. Lors d'une PMA, la décision est prise pour l'enfant à venir qu'il n'aura pas de père biologique, que sa lignée généalogique paternelle lui sera inconnue puisque le don de sperme est anonyme. De nombreux enfants adoptés sont dans ce cas, qui aiment autant leurs parents adoptants que s'ils étaient des parents biologiques. Mais nombreux aussi ceux qui se posent la question des origines, des ancêtres , des lignées, des clans. La structure de la société, même moderne, avec ses liens de parentés, donne sens à nos échanges, comme l'explique Levi-Strauss dans "Les règles élémentaires de la parenté". La position dans la structure, ou dans la généalogie, permet de remplir un rôle, de tenir sa place. Se reconnaître physiquement dans un ancêtre, contre ou pour ses valeurs , aide à construire l'identité.
Avoir deux parents du même sexe, ou du même genre, ne représente t-il pas un appauvrissement, une réduction de la diversité du monde pour celui qui le découvre? Pour un petit garçon, à qui va-t-il s'identifier ? Élever un garçon pour un couple de femme implique-t-il une vision ou les genres sont totalement équivalents? Où les valeurs féminines et masculines sont totalement interchangeables ? Si la réponse est non, le petit garçon ira s'identifier à  un père à l'extérieur. Mais ce père sera en grande partie absent, ne pourra pas construire pas ce lien très privilégié qui existe entre un père et son fils au foyer familial.

La GPA

Si l'on découple par la technique la parentalité biologique de la parenté juridique, et la procréation de l'acte sexuel, il est logique de pouvoir inséminer une femme qui donnera ( ou vendra) sa progéniture à des parents qui n'en sont pas l'origine. Ce peut être pour des couples d'hommes ou de femme. Si la raison pour autoriser ces pratiques repose uniquement sur "l'amour " ou le "désir d'enfant" des demandeurs, la loi les reconnaîtra un jour légales. Pour le moment cela reste indécis puisque cela va à l'encontre d'une autre loi, celle qui interdit la marchandisation du corps et de ses organes. Mais la réification pourra continuer si la science progresse dans la fabrique...


La fabrique

Fabriquer, avec des moyens techniques, un embryon humain, n'est pas anodin. Nous avons pour l'instant encore besoin, pour que cet embryon soit viable, que l'utérus d'une femme l'accueille. Mais la science sait déjà maintenir en vie des grands prématurés, et progressera. Le moment où l'embryon pourra être nourri en couveuse n'est pas inatteignable. Et, comme la contraception a permis d'éviter la fécondation, il est permis de penser que les couveuses éviteront la grossesse, longue et pénible, écueil pour une carrière professionnelle. La fabrique pourra alors évoluer et permettre une sélection automatique des embryons par DPI ( diagnostic pré implantatoire ). Techniquement il sera possible de sélectionner les embryons aux yeux verts ou provenant de QI++. La GPA ne sera plus nécessaire et chacun pourra commander son enfant sur étagère.
Ainsi sortir du hasard et de la nécessité, pour ne garder que la nécessité ne nous proposera pas une société très enviable. Nous n'en sommes pas si loin.


S'écarter de la nature, lorsqu'elle ne nous met pas en danger, semble une mauvaise philosophie, elle reste une force qui nous écrase et nous domine tous. Zénon, Chrysippe et les stoïciens avaient pour règle de s'inspirer de l'ordre du cosmos et en tiraient une éthique qui subsista 500 ans . La nouvelle éthique : jouer avec le vivant pour les désirs individuels, elle est possible techniquement, mais personne ne connait le résultat du jeu.


lundi 3 avril 2017

La vie moderne ou la généralisation des automates


Calculette programmable, tablettes, ordinateurs personnels, téléphone mobile, cardiofréquencemètre. Radars de vitesse, voiture autonome, Pilote automatique d'aéronef ou navire, train sans conducteur ( Orly Val), automate de caisse dans les magasins, lecteur de passeports en aéroport, lecteur de titre de transport métro/bus/avion/train, lecteur  de badge de sécurité dans les entreprise, régulateur de vitesse automobile. Distributeur de billets de banque ( ATM, GAB, DAB). Boitier de paiement par carte à puce, Drones de prise de vue, bombardier, de combat, missile à tête chercheuse. Automate de carburant, automate de barrière de péage à badge, serveur de mails, centraux téléphoniques, automate de lecture cartes d'embarquement. Borne automate de stationnement. Sites Internet de vente en ligne de vêtements, de livres, d'articles de bricolage/ jardinage/ pêche/ chasse , d'électronique, de cadeaux, de musiques, de films, de jeux, de meubles, de médicaments, de nourriture, de lunettes, d'appareils électro-ménagers, de pièces détachées pour automobiles, bateaux, appareils ménagers, de spectacles en tout genre. Site Internet de services en ligne en temps réel : circulation automobile, météorologie, arrivée/départ aéroports, gares ferroviaires ou routières. Sites de rencontres.  Sites de service administratif : gestion de la retraite, services publics ( certificats de naissance etc.), sécurité sociale, mutuelle, banque en ligne ( virement programmable). Automate de lavage automobile, automate de surveillance (centrale d'alarme domestique ou privée),  Caméra IP à détection de mouvement, Espace Numérique de Travail pour les étudiants( délivre des cours, des résultats de notes, des informations, permet l'interaction avec les professeurs et l'étude à distance). Machine à laver programmable ( linge ou vaisselle ) , four électrique programmable, radio réveil programme. Box internet programmable ( enregistrement de programme TV , répondeur téléphonique),  point d'accès wifi programmable, régulateur de température de chauffage programmable. Station météorologique connectée. Navigateur GPS programmable parlant  pour automobile ou navire. Feu tricolore programmable pour la circulation. Affichage de la circulation en temps réel sur les quais, les arrêts de bus, dans les gares et les aéroports.  Musique automatique : Playlist aléatoire ou séquentielle pour mobile,radio, boîte de nuit, et fêtes en tout genre. Vidéo On Demand : programmation de diffusion d'un film TV à partir d'un catalogue. Lampe programmable. Imprimante personnelle. Robots peintre d'automobile, pour travaux dangereux, sous-marins, d'assistance chirurgicale ou de service à la personne. Pompe à antalgique programmable, automate d'assistance respiratoire, cœur artificiel à microprocesseur. Bots de gestion de la relation client. Automates programmables industriels. Automates téléphoniques d'orientation client par fréquences vocales. Cafetière programmable. Arrosage de jardin programmable. Guirlande lumineuse programmable. Machine à pain programmable. Agenda électronique, Gestion domotique à distance ( fermeture automatique des volets etc.). Vending machine ( automate de délivrance de boissons ou sandwichs). Machine à café. Ascenseur...








dimanche 26 mars 2017

Le retraité, l'infirmière et le politique : retour à Rousseau

Liberté, Egalité, Fraternité. Cette belle devise fonde l'espoir de tous d'une vie meilleure, d'un horizon d'où s'écartent les nuages qui stagnent parfois sur un parcours, une trajectoire. Certains retraités cherchent les bonnes affaires dans les supermarchés, gardent religieusement les tickets promotionnels qui vont leur permettre d'économiser un euro. Ils aimaient l'huile d'olive, ils achètent aujourd'hui de l'huile d'arachide. Ils ne font plus de cadeaux à tous à Noël, trop de monde et trop cher, et puis il faut mettre de côté pour les impôts. Le thermostat a été baissé pour économiser sur la facture de chauffage. Le coiffeur n'est plus qu'un souvenir, l'appareil auditif ne marche plus mais le renouveler s'avère trop coûteux. Alors on s'isole car on ne peut plus suivre une conversation. La vie ne vous fait alors aucun cadeau.
"Ca va Monsieur, vous avez mal ? combien de 0 à 10 ? n'hésitez pas on peut vous soulager". L'infirmière de nuit vient d'allumer la lumière. Elle travaille de 21h à 6h, elle alternera ensuite avec des horaires de jours. Seuls des organismes jeunes peuvent supporter ces changements de rythme exténuants. Métier physique où il faut parfois redresser des patients lourds, côtoyer leur sang, leurs selles, leur vomi. Avec 1700 euros bruts mensuels après trois ans d'études supérieures, elle doit payer son loyer et son essence qui prend  une place importante dans son budget car l'hôpital se trouve à 30mn de son petit logement. Le service est en sous effectif et  l'empêche de prendre ses RTT, elle a accumulé 20 jours qu'elle ne peut pas prendre, et que l'hôpital ne peut pas lui payer. Auparavant elle travaillait en réanimation. Le stress la submergeait, toutes ces machines qui bipaient dont il fallait apprendre le fonctionnement. Chaque jour, la responsabilité énorme de la vie des patients et la confrontation inévitable avec la mort pour un salaire de misère. La vie ne vous fait alors aucun cadeau.

Puis le retraité et l'infirmière apprennent que certains hommes politiques reçoivent des cadeaux de leurs amis, d'une valeur de 10000, 20000, 30000 euros. Ils se disent alors que l'égalité dans les faits, c'est un vain mot. Eux quand ils reçoivent un cadeau, c'est 20 ou 30 euros c'est à dire mille fois moins. 30000 euros changeraient leur vie. Mais après tout en droit, chacun est libre de faire un don, et libre de le recevoir. L'infirmière et le retraité ne voudraient pas d'un monde totalement égalitaire où chacun aurait exactement la même vie, sans possibilité de la choisir, sans prendre de risques, sans mériter de ses actions, ils souhaitent simplement une vie où chacun a les mêmes chances. Recevoir un don peut être vu comme de la contingence, mais alors posons nous la question : pourraient-ils eux aussi bénéficier de cette contingence, de cette chance? Après tout, ils ont des points communs: le retraité, l'infirmière et l'homme politique dépendent tout trois de l’Etat, qui les rémunère. Ils sont soumis aux mêmes lois, ils ont les mêmes droits. Oui mais ils ne gravitent pas dans le même monde, aucune chance que les amis de l'infirmière et du retraité leur offre des cadeaux de ce montant. L'inégalité ne consiste pas entre le fait que celui ci ait reçu des dons et les autres pas, mais en ce que ceux ci n'ont aucune chance un jour de recevoir des dons de cette valeur.
Dans ce monde commun mais clivé, vous pouvez recevoir un cadeau utile, de votre famille ou vos amis à 30 euros si vous êtes retraité,  ou bien une montre et des costumes, inutiles, mille fois plus cher. Lorsque l'homme politique explique alors que l'Etat, qui les rémunère tout trois, est endetté, qu'il faut faire des économies, se serrer la ceinture, travailler plus longtemps, il ne s'applique pas ce discours à lui-même. Sa famille a très bien vécu de l'Etat, sa femme a perçu 6000 euros mensuel comme assistante parlementaire, pour un travail bien moins utile socialement, et bien moins spécialisé, que celui d'une infirmière et trois fois mieux rémunéré. Infirmière ou assistante, nous ne sommes pas dans le secteur concurrentiel, il ne s'agit pas des lois de l'économie libérale, de l'offre et de la demande. Nous sommes dans le secteur public, ou l'utilité et le service au citoyen priment. Son épouse ne s'est pas serrée la ceinture, elle a été fortement augmentée. Il y a une sorte de faille morale dans le raisonnement. 

Ce n'est pas en percevant simplement un don, mais en proposant cette politique au petit retraité, à l'infirmière,  que cet homme politique devient immoral, il s'oppose à l'impératif catégorique de Kant:
< "Agis de telle sorte que la maxime de ton action puisse être érigée par ta volonté en une loi universelle ; agis de telle sorte que tu traites toujours l'humanité en toi-même et en autrui comme une fin et jamais comme un moyen ; agis comme si tu étais à la fois législateur et sujet dans la république des volontés libres et raisonnables."
il est même possible, avec Rousseau, de dire qu'il agit contre nature:
...puisqu'il est manifestement contre la loi de nature, de quelque manière qu'on la définisse, qu'un enfant commande à un vieillard, qu'un imbécile conduise un homme sage et qu'une poignée de gens regorge de superfluités, tandis que la multitude affamée manque du nécessaire."

mardi 14 mars 2017

Nous ne savons pas ce que peut le corps, mais les robots ?

"Personne n’a jusqu’à présent déterminé quel est le pouvoir du Corps" dit Spinoza dans l'Ethique, partie III, proposition 2. Nous ne savons pas ce que peut le corps. Mais nous savons mieux ce que peuvent aujourd'hui les corps que nous fabriquons, en particulier les robots que nous construisons. Nous sommes passés de l'idée d'ordinateur, simple unité centrale équipée de terminaux rudimentaires, écran et clavier, à celle de robots qui adjoignent à cette unité tout un ensemble d'organes et de capteurs perfectionnés qui dépasse l'humain dans nombre de tâches. Ont ils une âme ?


La sensation
Ces derniers ont la capacité de sentir, c'est à dire de reconnaître et d'évaluer des modifications extérieures et intérieures. Des capteurs leur permette de voir, de toucher, de goûter, de humer, et d'entendre. Quel usage déduisent ils des informations captées ? Celui qui est programmé dans leur cerveau de silicium, programme qui peut changer. 

La pensée
Car une des différences fondamentales entre une machine classique et un automate ou un ordinateur, c'est la capacité de ces derniers à exécuter différents programmes, simultanément, et à être reprogrammé. Un ordinateur est une machine virtuelle, il est en puissance toutes les autres  machines. En acte il peut devenir un champion d'échec, un calculateur mathématique, un peintre de voiture, un assistant chirurgien, un explorateur de tuyau ou encore reconnaître des adresses postales, des visages, des empreintes digitales, il peut aussi enregistrer et retrouver des milliards et des milliards de données en un temps record, enfin il peut apprendre. Et le même cerveau de silicium peut être programmé pour toutes ces tâches différentes et variées. Si l'être de homme se définit par le fait que son existence précède son essence, comme le dit Sartre, et que son être se résume à ses actes, alors l'être du robot ne contredit pas cette assertion. Le robot est une machine qu'on ne peut essentialiser, il peut devenir n'importe quoi. Il n'est pas matière et forme, rétif à l'hylémorphisme, sa forme est mouvante. Il n'est pas comme une matière attendant sa cause formelle, dont le plan réside dans le cerveau du sculpteur. Le plan des ses actions réside dans son propre cerveau, et il est capable lui même de changer ce plan en fonction des paramètres internes ou externes. D'une certaine façon donc, il pense même s'il ne crée pas encore de concepts. Il est capable d'inférence en logique des prédicats et sait enchaîner des syllogismes. Il peut envisager des fins et adapter des moyens pour y parvenir.

Le mouvement
Les robots sont également pourvus du mouvement. Équipés de bras articulés, de roues, de chenilles, de pattes, de carapace étanche, ou d'ailes dans le cas des drones, ils peuvent se rendre partout où va l'homme mais aussi là où il ne peut se rendre, endroits radioactifs, brûlants, acides etc...


La nutrition
L'homme se nourrit de ce qu'il trouve à l'extérieur de son corps et il respire. Son métabolisme fournit l'énergie dont il a besoin pour persévérer dans son être. Le robot tire son énergie directement de l'électricité d'une batterie, dont il se "nourrit", qu'il saura un jour fabriquer et recharger de façon autonome.

Comparaison
Si nous comparons ces capacités, sensation, mouvement, pensée, nutrition, aux humains, nous voyons que les différences s'amenuisent. Mais il est facile de constater que l'humain, d'une part nécessite un temps d'apprentissage et de formation incommensurable à celui que nécessite un robot qui n'exige que le temps du développement du programme , lequel peut être installé instantanément sans limite de nombre d'instances, c'est à dire sur des milliers de robots. D'autre part l'homme ne peut concourir avec l'ordinateur en rapidité. Ni en vitesse de traitement, ni en vitesse d’exécution de mouvements. L'humain est également battu dans le registre de la force, ses muscles ne rivalisent pas avec un ensemble de vérins surpuissants tels ceux que l'on trouve sur les exosquelettes. Sa mémoire atteint des capacités gigantesques, elle peut être répliquée en un clin d’œil. Dans les limites, étroites aujourd'hui, de sa pensée de robot, il infère des milliers de fois plus vite que l'homme, et peut exécuter ces inférences et ces calculs simultanément dans plusieurs processeurs. Mais alors dans quel registre l'homme se distingue-t-il ? L'humain  s'auto-reproduit , mais nul doute que nous verrons bientôt des robots fabriquer d'autres robots. Considérons plutôt Descartes, qui par sa physique mécaniste réduite au mouvement, considérait que le corps de l'animal ou celui de l'homme pouvaient être comparés identiquement à des machines, mais pensait que seul l'homme possédait une âme. Les robots possèdent-ils une âme ?

L'âme
Aristote dans le traité de l'âme en 413 b 10 nous dit: "A présent contentons nous de dire simplement que l'âme est la source des aptitudes dont nous venons de parler et de la définir ainsi par l'aptitude nutritive, sensitive, pensante et par le mouvement." Or si ce que nous dit Aristote est vrai, lui qui pensait l'âme comme la forme du corps, il faut bien convenir que les robots auraient comme une âme, car ils ont le mouvement, une forme de pensée, le sentir et une sorte de nutrition. Or nous voyons bien, la mort dans l'âme si l'on peut dire, qu'un robot ou un ordinateur, ne sont rien d'autre qu'un peu de silicium et d'électricité, matière et énergie. En retour vers Spinoza, il se pourrait bien que l'esprit, ou l'âme, ne soient qu'un fantasme de l'homme qui ne sait pas ce que peut le corps... Mais parallèlement il convient de voir dans le robot intelligent plus qu'un simple objet. 

Un robot c'est comme un métier à tisser

 On connaît la théorie du déversement d'Alfred Sauvy, ou celle de la destruction créatrice de Schumpeter selon laquelle les machines qui ont remplacé les hommes ont permis de créer de nouvelles activités et de nouveau métiers. On rappelle que chaque nouvelle invention technique majeure a généré une vague de terreur dans le monde du travail. Quand on plaque cet argument sur les automates, ordinateurs, et robots on se plonge dans le problème de l'induction qu'avait si bien décrit David Hume dans son "Enquête sur l'entendement humain". On croit, on espère, que des emplois nouveaux surgiront à la suite de ceux qui sont détruits par l'automatisation généralisée, tout comme on a surmonté l'invention du métier à tisser, exemple tarte à la crème. On identifie le métier à tisser à la robotique pour projeter la même adaptation, ce qui  semble le signe d'un certain aveuglement: ils n'appartiennent absolument pas au même monde, seul le premier se réduit à n'être qu'un objet technique. On s'appuie même sur l'expérience, pour élaborer des théories vaseuses : "en Allemagne il y a plus de robots qu'en France et le chômage est plus bas". Et on conclut en comparant le nombre de robots et le nombre d'emplois pourvus en Allemagne, que les robots n'affectent pas le chômage, en généralisant à la planète toute entière, de nouveau par raisonnement inductif erroné. Mais seule cette économie principalement exportatrice, qui capte la demande européenne et mondiale, demande qui n'est pas extensible à l'infini, peut bénéficier de cet effet. Produire plus et plus rapidement n'est soutenable qu'avec une demande capable d'absorber la production. Si vous captez la demande, vous générez du chômage ailleurs. C'est un peu comme si on expliquait que construire des fermes automatisée à mille vaches en Allemagne serait un modèle vertueux pourvoyeur d'emploi dans l'agriculture. La progression des robots en Allemagne pourrait aussi être présentée, mais cela n'est pas fait, comme corrélée à la pauvreté dans ce pays.
 On oublie également que le problème posé globalement à nos sociétés ne se cantonne pas aux robots industriels, mais à l'automatisation de la société toute entière. L’avènement de ce nouvel être, le robot, l'automate programmable, qui nous pose des questions métaphysiques, politiques et économiques mérite mieux qu’une pitoyable réflexion menée sur de fausses analogies.




lundi 27 février 2017

l'attente

Consultation prise avec le chirurgien, je me rends à l'Hôpital des Diaconesses à Paris. Je me présente à l'accueil, puis j'attends avant d'être admis dans un petit box où l'on me demande ma carte vitale, ma carte de mutuelle, ma carte d'identité. On me demande ensuite d'attendre en consultation un peu plus loin dans le couloir. Quelques minutes après une assistante me reçoit et me demande mes documents médicaux pour les scanner. Retour en salle d'attente pour quelques minutes, puis je vois le chirurgien, décision est prise d'une opération. J'attends de nouveau dans une autre salle, puis l'assistante m'explique alors que l'intervention aura lieu dans un autre hôpital, celui de la Croix Saint Simon avec lequel les Diaconesses forme maintenant un groupe hospitalier. Elle me donne les directives:
- se présenter à la consultation d'anesthésie dans quinze jours
- faire un bilan sanguin à l'hôpital après la consultation
- réserver la chambre après la consultation
Quinze jours après, debout à 6h30, transports,   je me présente à la consultation anesthésiste à la Croix Saint Simon. "Bonjour Monsieur, asseyez vous en salle d'attente, j'allume mon ordinateur je vous appelle après". Puis après quelques minutes, "votre nom, votre convocation, voici un numéro, veuillez vous asseoir et répondre quand votre numéro s'affiche. Attente en salle, puis lorsque je reconnais mon numéro, je rejoins le box indiqué. "Bonjour Monsieur, carte vitale, carte de mutuelle, carte d'identité, donnez moi votre dossier". j'obtempère, puis après avoir tapé quelques données, "Veuillez vous asseoir en salle, on va vous rappeler.". J'attends de nouveau, puis mon numéro se réaffiche, je rentre dans un autre box.
-  "Bonjour Monsieur, votre nom, votre date de naissance, s'il vous plait, et vos documents, vous n'avez pas amené votre électro cardiogramme ?"
- non
- "alors , veuillez patientez en salle ma collègue va vous faire un électro".
- bien
Quelques minutes plus tard on m'appelle, je m'allonge dans un autre box, en attendant que l'infirmière résolve les problèmes d'ordinateur , "je m'excuse mais le dossier du patient précédent est bloqué", j'attends... bon finalement elle parvient à faire l'examen. Veuillez patienter en salle s'il vous plait... quelque minutes plus tard, l'anesthésiste m'appelle enfin. Consultation classique, puis "faites votre bilan sanguin, allez dans la salle du bas au laboratoire, sans prendre de ticket numéroté".
Je me rends dans l'autre bâtiment demande la salle du labo à quelqu'un qui pousse un chariot, il me répond : "1er étage", ce qui m'étonne puisqu'on m'a indiqué "salle du bas". Au premier, j'attends au laboratoire derrière quelqu'un, puis la personne à l'accueil me dit, "non ce n'est pas ici, descendez au rez de chaussée en face la cafétariat". Effectivement celle ci est indiquée "Salle bas" :-). On m'indique alors le bureau "prélèvements". J'attends de nouveau quelques minutes. "Personne suivante", "carte vitale, carte mutuelle, carte d'identité ". Elle me donne un dossier numéroté : "Allez attendre devant la porte 16 svp. J'attends alors et m'aperçoit que mon numéro n'est pas prêt de passer , je profite de cette attente pour gagner du temps et aller à l'accueil pour réserver la chambre.
 J'attends dans la file de l'accueil, puis on me répond "il faut aller aux admissions couloir de gauche , prenez un numéro". Je file aux admissions, là une jeune fille oriente les gens qui arrivent , je lui explique que je dois réserver une chambre mais que j'attends pour un prélèvement, "alors allez faire votre prélèvement vous reviendrez après". Mauvaise pioche.
Je retourne au prélèvement, j'attends encore 15mn, puis c'est mon tour.
-"Alors je vous fais un groupe sanguin et RIA".
- non le groupe sanguin je l'ai fait en labo il y a un mois.
- " ah non monsieur il faut le refaire pour le dossier de l’hôpital"
- mais alors pour chaque hôpital il faut le refaire ?
- "oui c'est comme ça"
Je comprends mieux maintenant les programmes de réduction de déficit de la sécurité sociale. Elle me pique de nouveau deux fois pour le groupe sanguin ( en fait trois fois puisqu'elle n'a pas pu réussir dans le bras gauche). En m'habillant je lui glisse:
- et maintenant encore attente pour la chambre
- "vous n'avez pas fait votre admission" ?
- heu, si enfin, je ne sais pas, je viens de la consultation d'anesthésie. (aux Diaconesses on m'avait dit de faire cette démarche de réservation après la consultation...)
-"alors vous avez vu une secrétaire, ils ont du vous donner une chambre"
- je ne sais on ne m'en a pas parlé...
-"si si retournez y alors"
- merci
Je retourne voir la secrétaire au visage fermé qui m'a reçu avant la consultation.
- rebonjour, on m'a dit qu'il fallait que je réserve une chambre
-" pourquoi, vous n'êtes pas en ambulatoire ?"
- non je dois rester 4 jours.
-" ah je ne peux pas le savoir, ce n'est pas marqué"
- et moi je ne peux pas savoir que vous ne le savez pas... ( elle me regarde de travers pour afficher tant d'impertinence ).
-"donc vous n'êtes pas en ambulatoire"
- non... ( elle tapote sur son clavier)
-"Bon ben voilà c'est fait"
- Mais on m'a dit que je pouvais demander une chambre individuelle
-" Alors il faut signer ce papier, et vous n'êtes pas sûr de l'avoir".
Je m'exécute et signe de bon gré devant tant d'amabilité et de gentillesse. Je reprend le RER en pensant qu'en France nous avons un très bon système de santé, et je plains alors nos voisins européens ou plus lointains qui doivent être plus mal lotis. J'arrive chez moi, il est midi.




lundi 6 février 2017

être en forme, mais quelle forme ?

Pourquoi les manipulations génétiques, permises par une technique nommée Crispr-Cas9 posent elle un nouveau problème philosophique ? En quoi cela change-t-il fondamentalement l'idée de Nature ?

Lorsque nous admirons une statue, nous apprécions l'attitude générale, l'équilibre des masses, la finesse des découpes, le geste gracile, l'élancement majestueux, en bref sa forme. La matière qui  constitue la Vénus de Milo ou celle de la Victoire de Samothrace pourrait être substituée, ces œuvres resteraient identifiable quel qu'en soit le nouveau substrat. Parallèlement, dans la nature, un pissenlit naissant surplombé de son bouton vert compact se reconnaît aisément. Quand il grandit puis épanouit son éclatante corolle jaune caractéristique pourtant déjà très différente, nous savons qu'il s'agit du même pissenlit dont nous avons observé la forme se développer lentement. L'objet inerte aussi bien que l'organisme vivant possèdent un principe commun qui gouverne leur détermination, quelque chose permettant de les reconnaître de façon certaine: leur forme. La matière seule, indéterminée, n'existe jamais, elle est toujours accompagnée d'une forme. Le bloc de marbre qui engendrera la statue d’Aphrodite, avant d'être taillé, a déjà une certaine forme. Il possède en lui le potentiel d'avoir sa forme modifiée, dans certaines limites. Aristote dans sa "physique" pose cette règle universelle que tout les êtres corporels sont composés de forme et de matière, règle que l'on nommera "hylémorphisme", du grec "hylè" matière et "morphè" forme.
Lorsque la graine de pissenlit sommeille, sa forme recèle en puissance tout son devenir. A la rencontre d'une humidité suffisante et des nutriments adéquats elle pourra générer cette plante, celle-ci et pas une autre, par l'action de la vie se déployant en elle. Toute substance est contrainte par sa forme qui détermine son être depuis la génération jusqu'à la corruption finale. Ainsi chez Aristote la forme n'est elle pas statique mais motrice du changement, du mouvement de la vie. Elle n'est pas seulement l'apparence physique de la chose mais sa structure, son principe de détermination interne.
Dans la nature, l'organisme avant de se développer existe "en puissance", puis prend corps "en acte" de façon immanente. Nous dirons que la plante "pousse", alors qu'on pourrait dire qu'elle "est poussée" par la vie. Ce mouvement de la puissance à l'acte est guidé par la forme. La "forme" aristotélicienne des organismes naturels pourrait aujourd'hui être assimilée à son ADN. Mais ce principe de séparation entre matière et forme s'applique aussi pour Aristote à la production artificielle, générée par l'homme à partir de l'inerte. L'homme produit la forme de la statue, il est moteur de son changement, auteur et cause du mouvement de la matière qui l'amène à la détermination finale de l’œuvre, tandis que pour les processus naturels comme celui de la génération du pissenlit, le moteur est inhérent à l'organisme même. Ainsi toute la physique d'Aristote est-elle gouvernée, de l'inerte jusqu'au vivant, par le couple forme-matière.
La forme qui se déploie, a dans la nature pour cause la vie, et dans le monde artificiel a pour cause l'homme. Mais lorsque l'homme modifie le génome des êtres vivants, il affecte la forme des organismes vivants dans la nature, il intervient lui même dans le processus causal de la nature vivante comme il le fait déjà dans le monde inerte par la chimie ou la physique nucléaire. Il ôte ainsi au concept de nature sa signification, issue d'une séparation fondamentale entre humain et non humain. Il bouleverse à la fois la forme et la matière,  introduit dans le tréfonds de leur être de l'artifice. Que devient l'Autre si tout ce qui nous entoure porte trace d'action humaine ? Si toute évolution des espèces porte la marque d'une seule ? Si tout corps voit sa forme modifiée, non par la nature, mais par la culture ?
Nous vivrons dans un mode totalement artificiel, grouillant d'humains à la recherche d'altérité sur des "exo" planètes. L'idée de "milieu naturel" aura disparu, nous serons au centre, mais il n'y aura plus qu'un centre sans rien autour. Gouvernés par l'utile, nous aurons supprimé l'inutile. Fascinés par la croissance économique, nous mépriserons toute croissance biologique. Omnubilés par la maîtrise, "nous rendre comme maître et possesseurs de la nature" disait déjà Descartes dans le Discours de la Méthode,  nous aurons éliminé la différence et la contemplation.
Nous y sommes presque.





jeudi 26 janvier 2017

Idée d'un emploi universel


Quelles sont les prérogatives de l'Etat ? Ses fonctions régaliennes se résument à minima historiquement à assurer la sécurité des citoyens, rendre la justice, et à percevoir l'impôt. Par extension l'Etat doit également avoir pour but  la prospérité. Mais tous les Etats moderne se mêlent, plus ou moins, de la question sociale. Dans aucun Etat libéral l'Etat ne se désengage totalement du problème de la pauvreté et de la redistribution. Il y a cependant de forte différences entre "l'Etat providence" et un Etat purement néo-libéral. Car ils ne poursuivent pas la même fin, l'Etat qui repose sur un libéralisme économique "pur" doit être réduit à ses fonctions régaliennes et laisser l'économie soumise à la main invisible. L'Etat providence a pour fin de diminuer les inégalités en même temps qu'il assure les fonctions régaliennes. L'idée d'un revenu universel ne se retrouve pas sous le même concept dans les deux formes d'Etat.
Le revenu universellement versé à la population parait naturellement souhaitable à l'Etat providence pour assurer une rente minimale à tout le monde. Les moins nantis verront leur vie changer beaucoup plus que ceux qui ont déjà une forme de rente ou un patrimoine, donc les inégalités diminuent. Si nous versons dans l'utopie complète, cette rente minimale pourrait devenir un revenu confortable pour tous. Ainsi de multiples tensions sociales pourraient s'effacer et nous pourrions vivre dans une société apaisée, d'où disparaîtraient les problèmes liés au chômage, aux inégalités géographiques de logement, d'éducation, de santé, de transport etc. Mais le budget de l'Etat devrait être renforcé en conséquence, il faudrait bien prendre à Pierre ce qu'on donne à Paul. Dans ce mode de pensée, le problème du financement vient comme une conséquence de l'aspiration à une mesure sociale. La réduction des inégalités est posée comme prémisse et le financement comme conclusion logique.

Pour l'Etat purement libéral, qui souhaite redistribuer le minimum et garantir une liberté individuelle maximale, il s'agit d'estimer comment il est possible de stimuler l'économie dont la demande est atone face à la surproduction. Il faut amorcer la pompe d'une consommation à venir,  et estimer si l'enjeu en vaut la chandelle pour l'économie par rapport à la paupérisation comme risque économique et social. Donc le financement de la demande vient comme prémisse et  la conclusion doit être une économie vivifiée et le renforcement de la liberté individuelle par une diminution des contraintes de nécessité. Il faut se rappeler le fordisme des années 1950 dans lequel l'enrichissement, relatif, des ouvriers a permis une consommation plus forte, mais par le travail

Mais pour les deux types d'Etat, la question se pose de ce qui fait alors société. Comme Durkheim l'a montré, la division du travail social crée une "solidarité organique" d'où découle un fort lien social. La morale chrétienne, le marxisme, le libéralisme ont tous placé le travail au centre de la vie humaine. Dans notre culture l'oisiveté est immorale : "l'oisiveté est la mère de tous les vices". John Rawls dans sa "théorie de la justice" ne conçoit pas que le surfeur de Malibu puisse recevoir des fonds public. Est ce que constater que le voisin, nourri par la collectivité, rêve sur sa chaise toute la journée alors que vous travaillez dur ne crée par un sentiment d'inégalité ? contribuer d'une manière ou d'une autre à l'utilité collective, lorsqu'on n'y est pas empêché, n'est-il pas la seule façon d'appartenir à une communauté ? N'est ce pas un fantasme totalement individualiste et égoïste de recevoir de tous sans rien donner en retour ? de placer l'individu au centre, quitte à nier ce qui fait une part du social ?
Pour concilier la nécessité de la solidarité organique qui repose sur la division du travail, cause essentielle du lien social, avec l'exigence morale d'assurer un revenu décent pour tous nous devons assurer pour tous un emploi. Ce qu'il nous faut donc définir c'est la notion d'emploi universel. Un emploi garanti quelque part pour tous à tout moment de la vie, qui remplace le chômage, pour les licenciés où les premiers emplois.
 Les entreprises existantes depuis un certain laps de temps, suivant leur taille et leurs revenus, devraient assumer un quota de postes pour l'emploi universel, en retour elles seraient exonérées de cotisations chômage. Ainsi au lieu de verser ces cotisations, elles emploieraient ces montants à payer des salariés auxquels il faudrait trouver de nouvelles tâches dont l'utilité compenserait la dépense. Si ces tâches sont impossibles à trouver dans l'entreprise, alors elle devrait prendre en charge la formation du recruté . Les salariés en "emploi universel" devraient jouer le jeu et exécuter les tâches sous peine de se retrouver sans assistance d'Etat. L'orientation du placement devrait être accomplie en fonction des compétences et du secteur d'activité. Le temps de travail devrait être proportionnel au revenu versé et ce dernier fonction du salaire précédent. Personne n'aurait intérêt à prolonger la situation telle quelle, ni l'entreprise parce qu'elle n'a pas demandé ces emplois, ni l'employé parce qu'il espère plus pour vivre. Mais rien n'empêche que ces emplois forcés ne deviennent une forme d'apprentissage ou une façon de mettre le pied à l'étrier et soient transformés en emplois durables. 



vendredi 20 janvier 2017

le pari

Dans ses Pensées Pascal propose au non croyant ou au sceptique de s'engager: parier que Dieu existe ou qu'il n'existe pas et évaluer les conséquences. Parier que Dieu est, c'est gagner en retour la vie éternelle. Mais qui, au casino de Pascal remet le gain au parieur ? ce ne peut être que dieu.  Je place mon pari sur la case "est" ou sur la case "n'est pas", quand saurai-je que j'ai gagné ? pas demain ni après demain, seulement lorsque j'atteindrai ou non le paradis.
Si je mise "dieu est" aussitôt je me met à croire en Dieu, à espérer. Mais aussi à pratiquer la religion, à vivre conformément à ses directives, à suivre les rites, à abandonner les passions néfastes, ma vie ici bas en est transformée .
Si je mise "dieu n'est pas" , quelle espérance de gain puis-je avoir ? pas celle de l'accès au paradis, qui n'est accordé qu'aux croyants. Le gain de ce pari est nul. Ma vie continue sans que je m'encombre de rituels, et je conserve les mêmes passions et concupiscences qui m'éloignent de l'amour de dieu. Mais c'est aussi le sort de celui qui refuse de parier, du sceptique qui estime qu'il n'y a aucun pari à tenir, qui ne choisit pas de case où engager sa mise. Donc que l'on soit athée , c'est à dire celui qui choisit "dieu n'est pas", ou agnostique, celui qui ne choisit pas et qui ne participe pas au pari, c'est la même chose du point de vue de la vie qui se poursuit identiquement, mais c'est aussi la même chose à la fin des temps:  l'agnostique et l'incroyant auront le même sort, ils n'iront pas au paradis. Voilà pourquoi Pascal dit que le sceptique est "embarqué" malgré lui, car ne pas participer au pari c'est comme choisir "Dieu n'est pas". 
Si dieu n'existe pas, le croyant perd son pari, sa peine sera d'avoir fait des génuflexions inutiles jusqu'à sa mort. L'incroyant gagne, mais son gain est nul.
Si dieu existe, le croyant gagne le Paradis et la vie éternelle. L'incroyant brûle en enfer.
Donc en ce qui concerne le non croyant ou le sceptique, qui parient que dieu n'existe pas, selon le résultat quant à l'existence de dieu leur sort oscille entre un gain nul d'un côté ou de l'autre côté une perte qui signifie brûler en enfer  . Alors que s'ils parient sur l'existence de dieu, ils gagnent une vie éternelle au paradis et s'ils perdent, ne perdent rien.
Pour Pascal il s'agit donc d'un simple choix raisonnable:
- ne pas parier revient à parier que dieu n'existe pas
- en pariant "dieu est" le non croyant n'a rien à perdre ou tout à gagner si dieu existe
- en pariant "dieu n'est pas", le non croyant n'a rien à gagner si dieu n'existe pas ou tout à perdre s'il existe.
- son intérêt se résume donc à parier que dieu existe.
Sauf que pour évaluer l'intérêt du "tout à gagner" et "tout à perdre" il faut déjà croire et se trouver dans l'espace de signification du croyant. Dire à un incroyant qu'il va gagner ce qu'il considère comme une illusion ne l’intéressera pas. L'argument "raisonnable" de Pascal ne peut donc persuader que ceux qui le sont déjà et qui accordent une valeur positive au paradis et une valeur négative à l'enfer.

mercredi 18 janvier 2017

Copier-Coller : Changer l'être de la nature


L'interview dans Courrier International , qui republie un article de "the Verge" du 22/11/2016, de Jennifer Doudna, spécialiste de la biochimie à l’université de Californie à Berkeley, met en valeur la motivation des chercheurs et la façon dont ils accommodent la morale à leur propre désir. 
Cette chercheuse, avec Emmanuelle Charpentier, Martin Jinek et Krzysztof Chylinski a mis au point  une technique nommée "Crispr-Cas9" qui permet la modification des séquences génétiques. Une des applications de cette découverte pourrait révolutionner le traitement du cancer, mais il s'en profile des centaines d'autres qui ont toutes en commun de changer les séquences ADN et d'opérer des modifications possiblement risquées sur les espèces vivantes, et mêmes de restaurer des espèces disparues. Pourquoi les modification génétiques sont-elles risquées ?
A la différence de la médecine traditionnelle qui traite un individu, la modification génétique peut entraîner la modification de la descendance. Si cette descendance s'impose par la sélection naturelle au détriment des compétiteurs qui n'héritent pas de cette modification, l'espèce peut, dans son ensemble, présenter les caractères associés à cette modification. A terme tout l'écosystème est concerné par ces changements. Cette nouvelle médecine peut donc conduire à des déséquilibres dangereux et définitifs dans l'environnement. Cela concerne les végétaux, les animaux et les humains. Comme le reconnaît Jennifer Doudna dans l'article: "Nous devons rester attentifs [...] afin d'éviter toute répercussion indésirable sur l'environnement.". Puis : "Nous espérons que les scientifiques réussirons à maîtriser plus précisément les technologies qui contrôlent les caractéristiques des moustiques pouvant être utiles à l'homme[...]" ou encore : "Si cette technologie sert à modifier définitivement la lignée germinale d'un embryon des conséquences risquent-elles d’apparaître des années plus tard? je l'ignore.". Et enfin : "Ce qui m'inquiète, c'est toujours l'idée que nous connaissons très mal la fonction des gènes, et notamment leurs interactions au sein de notre génome". Mais alors comment garantir une approche éthique ?
C'est la question posée dans l'article par la chercheuse, qui semble enthousiaste à l'idée d' applications prometteuses mais aussi très consciente de l'impact potentiellement dévastateur de cette découverte. Elle répond à sa propre question sur l'éthique :"Si la technologie se révèle efficace et sans danger chez l'embryon ( dans certains cas), je pense que nous jugerons contraire à l'éthique de ne pas utiliser cette technique". Elle adopte donc une morale conséquentialiste, comme la définit l'utilitarisme de Jeremy Bentham. Pour mesurer la moralité d'un acte il faut évaluer ses conséquences. Cette morale s'oppose à une morale déontologique, laquelle repose sur des principes qui valent a priori, quelque soient les conséquences d'un acte. Curieusement elle évalue le danger de l'absence d'action, absence qui pour elle peut se révéler immorale. Mais renversant ses propos précédents, elle semble admettre qu'on puisse prouver, par expérience, que la technologie qu'elle propose puisse être sans danger, alors qu'elle dit le contraire partout ailleurs dans l'article puisqu'elle admet que notre compréhension des gènes est insuffisante. N'est-il pas plus dangereux alors d'appliquer une technique dont on n'admet ne pas savoir calculer les effets futurs ? Ne vaut-il pas mieux agir préventivement pour prévenir un danger, même hypothétique, en interdisant toute application ?
C'est le raisonnement qui a conduit à l'adoption du principe de précaution de notre constitution dans l'article 5 de la charte sur l'environnement : "Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage."

L'utilisation de cette technique à des fins immorales, eugénisme ou création de monstres, n'effraie pas Jennifer Doudna: "pas plus que l'arme nucléaire". Pourtant il y a une différence de nature entre l'arme nucléaire et les modifications génétiques, l'une change l'agencement des éléments de base de la matière, qui est inerte et ne se reproduit pas,  l'autre change le fondement de la vie, qui possède la reproduction dans son être même. On sait très bien évaluer les effets de la fission de l'atome, on ignore les effets à moyen et long terme du changement des séquences ADN. La nature c'est, pour Aristote, ce qui a en soi son principe de développement, l'être de ce qui est par soi-même. En ce sens l'arme nucléaire ne change pas la définition de la nature, alors que modifier l'ADN c'est changer ce qu'est la nature, son essence, ce par quoi elle se définit. Le fait que cette jeune chercheuse ne perçoive pas cette différence fondamentale, vient du formidable plaisir qu'elle prend à son ouvrage prométhéen, qui gomme son esprit critique. Ce n'est pas la morale qui lui enjoint ses actes, mais ses actes qui lui permettent de choisir sa morale, au bénéfice de sa réputation, de sa gloire, de son plaisir, dissimulés derrière l'écran de son prétendu altruisme à vouloir soigner le cancer. Comme disait dans ses maximes La Rochefoucauld : "Nous aurions souvent honte de nos actions si le monde voyait le motif qui les produisent"
Elle est prête à jouer un rôle dans la plus folle entreprise humaine, en considérant qu'elle n'y a pas plus de responsabilité que ceux qui ont découvert le formidable pouvoir de la fission nucléaire. Elle sous entend qu'au fond recherche sur la vie et recherche sur la matière sont sur un même plan en terme éthique. Corriger les effets de la nature à notre profit, ce qui était une conséquence de la science, devient changer ce que veut dire "nature". Nous sommes à l'aube du rêve cartésien de "se rendre comme maître et possesseur de la nature". Usus, abusus, fructus, nous somme propriétaires nous pouvons donc utiliser et abuser de notre bien comme il nous plaira, y compris le redéfinir, le modifier dans son être. Cette hubris a déjà des conséquences désastreuses sur les ressources et le climat. Ce bien que nous prétendons posséder disparaîtra en fur et à mesure que nous le nierons, non seulement dans ses apparences et ses effets mais aussi dans son être. Nous ne saurons plus ce que veut dire naturel.



vendredi 13 janvier 2017

Robert Marchand, la réponse

Cet homme de 105 ans a parcouru 22,547 km en une heure à vélo sur le vélodrome de Saint Quentin en Yvelynes le 4 Janvier 2017.
Pourquoi sommes nous admiratif de ce centenaire ?
Bien sûr il y a le côté unique qui le distingue : personne d'autre n'a été plus vite que lui dans la même catégorie d'âge. Mais être simplement distingué d'un autre n'est pas une vertu. L'oxymore : être un champion centenaire suffit-il à provoquer l'émerveillement ?
Dans l'absolu son score montre surtout que la vieillesse fait décliner les qualités physiques : le record actuel de Bradley Wiggins est de 54,52 km dans l'heure soit plus du double de Robert Marchand, dans cette tendance au déclin il n'y a donc rien de surprenant. A-t-il dominé les hommes sa classe d'âge ? non, la plupart sont décédés depuis longtemps. Mais cet argument vient plutôt en sa défaveur, quel mérite de faire mieux que vos compétiteurs virtuels décédés ? Nous accordons plus d'honneur au champion du monde qu'au champion national ceci car le nombre d'adversaires du premier supplante celui du second, et le mérite augmente proportionnellement aux nombre de vaincus. Or passé la centaine, plus de candidats pour le record de l'heure. Doit on alors le crédit qu'on lui porte à ce qu'il n'est pas dans la norme des capacités ordinairement attribuées à son grand âge ? remarquons qu'on ne parle jamais de ceux qui se situent sous cette norme, ils ne nous intéressent pas. Dépasser les attentes en matière des capacités liées à l'âge sera donc ce qui nous intéresse.
Cet homme figure pour nous la lutte contre la mort. Nous lui sommes gré d'illustrer ce que nous souhaitons le plus : éloigner le spectre de la fin ultime, le repousser toujours plus loin, tout en conservant toutes nos capacités. Voilà le rêve collectif qu'il met en œuvre. Comme lui nous voudrions repartir pour un tour et repousser à plus loin le dernier tour de piste. Robert Marchand répond à merveille à nos angoisses, il y gagne nos applaudissements.