lundi 25 novembre 2019

La grève



Être sur la grève, entendre le ressac, voir briller le soleil dans les multiples brisures de l'onde émeraude. Flâner sur le sable mouvant et s'enfouir  comme les coquillages. Craindre d'être avalé par ces bouches roulantes et baveuses , aspiré vers le néant. Se retrouver comme au matin du monde devant l'infinie simplicité plate et houleuse, rythmée et chaotique, bruyante et chuchotante, grouillante et frémissante de vies étranges et menaçantes. Humer le vent, crier, planer et toucher l'écume du bout des plumes.

Être dans la grève,  rompre la belle mécanique du corps social par la panne programmée, révéler la dynamique invisible par la pause. Par l'arrêt provoqué, faire apparaître les rouages dissimulés.  Arrêter la machine, l'ouvrir et exposer les engrenages immobiles qui fument encore. Menacer par l'inaction. Faire la guerre par l'immobilité. Souffrir à cause du corps figé, de la désolidarisation organique, de la dissociation des fonctions.  Détacher les corps des machines  pour  défier, scander et hurler. Provoquer le chaos, faire souffrir pour ne plus souffrir. Tout arrêter pour arrêter le changement. La grève, lieu de toutes les contradictions.