lundi 30 novembre 2015

Bien fait pour vous

Le 14 Novembre, lendemain des attentats du 13 Novembre 2015, Michel Onfray lance sur twitter :
"Droite et gauche qui ont internationalement semé la guerre contre l'islam politique récoltent nationalement la guerre de l'islam politique."
Fouad Ali Saleh fut organisateur du réseau responsable de 14 morts lors des attentats à Paris durant l'année 1986.  Il est né à Paris, et a suivi des études à l'université de Qom en Iran. Après son arrestation il dit : " « La forteresse de l'islam est l'Iran. Votre pays, en aidant l'Irak, combat l'Iran, c'est donc un ennemi. Notre principal objectif est de ramener la France à la raison par des actions violentes. »"
 Lors de son procès il déclare : "Il faut mener la guerre sainte pour purifier la Terre de la puanteur judéo-chrétienne". "Quatorze millions d’enfants sont morts cette année à cause de l’Occident". Il est aussi précis qu'Onfray dans ses décomptes.  Les deux ennemis de ce français sont donc les mécréants d'une part et l'occident d'autre part. Le discours islamiste ne variera pas beaucoup depuis.
L' ayatollah Khomeini prépara en 1979 la révolution islamique depuis Neauphle le château en France, sa gratitude envers la France pour cette période ne sautera pas aux yeux.
Il souhaitait généraliser la révolution islamique, ce qui déclencha en partie la guerre Iran-Irak. Si Michel Onfray fait référence à l'Islam politique, il doit y inclure sans aucun doute l'Iran.
- La France aurait "semé" la guerre. L'histoire réfute totalement ce point de vue : le conflit Iran-Irak s'est déclenché indépendamment de la France.
S'il est vrai que la France dans ce conflit approvisionna l'Irak en armement, il faut se rappeler que l'Irak est un pays de confession musulmane et qu'il était soutenu par les états arabes. Se déterminer politiquement pour ou contre ce soutien sont des positions politiques librement défendables. En revanche prétendre que ce soutien participait d'une politique islamophobe, comme le propage partout Onfray est donc un non sens, sauf à penser qu'avoir pour alliés des mulsulmans définit une politique islamophobe.
- Si les attentats de 1986 sont une "réponse" à ce soutien, Michel Onfray y voit donc la "récolte" en retour de la guerre sur notre sol. D'un côté un conflit classique entre militaires de deux armées, de l'autre côté des promeneurs du dimanche dans les magasins, dont MAMADALI Amil et TAHIRALI Moktar 1
d'un côté des professionnels de la guerre, de l'autre des civils tués en aveugle,  voici la "récolte" symétrique qu'Onfray n'analyse pas mettant tout sur le même plan. Les déclarations de Saleh démontrent sa haine basée sur son intégrisme religieux, intégrisme porté par Khomeini, que l'on retrouvera dans la propagande haineuse de Ahmadinejad, qui qualifiera la shoa de "mythe".

Il est intéressant de remarquer cette dualité persistante depuis 1986 dans l'argumentation des islamistes :
- vous nous agressez
- vous représentez les croisés et vous devez vous convertir ou disparaitre
Autrement dit une seule de ces deux raisons suffit à massacrer des innocents sur notre sol. Autant les attentats de Janvier pouvaient apparaitre comme une "réaction" contre les dessinateurs, les juifs, les militaires et appartenir au premier argumentaire, autant ceux de Novembre appartiennent au second, la revendication de Daesh déclarant avoir "pris pour cible la capitale des abominations et de la perversion, celle qui porte la bannière de la croix en Europe, Paris"
Autrement dit Onfray en déclarant la France islamophobe inverse la réalité, cf 2 , c'est l'islamisme radical, comme il le proclame, qui veux éradiquer le judéo-christianisme.
N'étant pas à une contradiction près il parle d' "une guerre des civilisations" où l'oumma ( la communauté musulmane) s'érige contre l'occident décadent. Dans la première selon lui, nous trouvons des gens près à mourir, dans le second des pleurs et des bougies ( émission "salut les terriens du 28 Novembre 2015"). Ainsi il promeut l'amalgame entre islam et islamisme, en déclarant d'ailleurs dans la même émission qu'il reconnait cette différence, et tance l'occident consumériste pour son manque de réaction "on n'est pas prêt à mourir pour son Iphone", alors que toujours dans la même émission il se prétend favorable à une action diplomatique pour règler les conflits.
En résumé Onfray est en totale confusion mentale.


Michel http://www.blogblog.com/dots/bg_post_title.gif Bien fait pour vous





dimanche 29 novembre 2015

Salut les mythomanes

L'émission "salut les terriens" a été diffusée en clair le samedi 28 Novembre à 19h05(1). L'invité Michel Onfray, y prétend de nouveau que la France mène une politique islamophobe, "à l'extérieur" précise-t-il. Pourquoi ne réserverait elle son islamophobie qu'à l'extérieur ? celui ci ne le précise pas. Son raisonnement se résume simplement à deux arguments :

1) Sous couvert de défendre les droits l'homme, la France mène une politique colonialiste ." C'est vrai que ce droit d'ingérence au service des droits de l'homme c'est du colonialisme" surenchérit Ardisson, plus Onfray qu'Onfray. La preuve par 9 arrive alors avec cette question sans réponse: "Oui par exemple le GIA a mis en danger l'Algérie pendant des années, les estimations donnent 500000 morts, 500000 morts ! pourquoi est ce que la France n'est pas intervenue militairement ?".

2) La France bombarde les musulmans depuis 1990: "de 1990 aux attentats du 13 novembre, la france faisant partie des coalitions occidentales, a bombardé un certain nombre de pays et a fait un certain nombre de mort, vous savez combien ? 4 millions de mort musulmans qui comptent pour rien"," - 4 millions ? ce qui explique qu'ils cherchent a faire des morts chez nous -" surenchérit encore Ardisson, remarquable d'esprit critique, pour qui la cause des attentats semble limpide et presque justifiée.

Cette séquence de l'émission s'intitule "désintox". Oui vous avez bien lu. Elle a pour but d'asséner la "vraie" vérité, celle qu'on nous cache. Or elle est truffée de mensonge.

- Le bilan de la guerre civile algérienne, dans laquelle le GIA n'a pas été le seul a tuer puisqu'intervenait dans ce conflit également l'AIS, bras armé du FIS et l'armée algérienne, est estimé par la plupart des sources à 200000 morts, le chiffre cité de 500000 apparait donc comme fantaisiste, cf 2 et 3. Michel Onfray s'étonne que la France ne soit pas intervenue pour y défendre les droits de l'homme. Mais qui aurait lui aurait demandé d'intervenir ? y a t-il eu un appel à l'aide du gouvernement Algérien ? une résolution de l'ONU ? A t-il oublié que l'Algérie ne supporterait pas la présence de troupe française sur son sol eu égard à son histoire récente ? Non la France n'a pas été sollicitée militairement, en revanche la France fut frappée sur son sol en 1994 et 1995 par de multiples attentats perpetrés par le GIA. Cette situation réfute et inverse complètement la démonstration d'Onfray selon laquelle la france serait sujette aux attentats parce qu'elle intervient militairement : elle n'est pas intervenue en Algérie et le GIA l'a frappée. Les opérations Daguet, Harmattan, Serval réfutent également sa théorie selon laquelle si la France n'est pas intervenue en Algérie c'est qu'elle ne défend pas les mulsulmans .


- La France a appartenu depuis 1990 a plusieurs coalitions toutes sous couvert d'un mandat de l'ONU. Le droit international n'existe pas chez Onfray, les pays se bombardent au gré de leurs divagations islamophobes, peu importe que les coalitions intégrant la France comportent des pays représentants des millions de musulmans, elle serait tout de même islamophobe. La totalité des morts dans ces conflits est attribuée par Onfray à la volonté belliqueuse de la France, alors qu'elle répond à l'aide demandée par des pays mulsulmans. Examinons les faits depuis 1990.

Irak 1991 : Guerre du golfe, opération Daguet. Après six mois d'invasion du Koweit la résolution de l'ONU 678 autorise tous les moyens nécessaire pour faire respecter la 660 qui réclame à l'Irak de cesser l'invasion du Koweit. Coalition de 34 pays. Les estimations donnent pour les pertes Irakiennes un nombre variant entre 170000 à 200000 morts , militaires et civils.(cf 4). La coalition comprend de nombreux pays musulmans : Arabie Saoudite, Turquie, Egypte,  Emirats Arabe Unis, Syrie, Oman, Koweit, Maroc, Pakistan, Barhein, Niger. L'agression contre des mulsulmans fut initiée par un pays laïc: l'irak, rappelé à l'ordre par d'autres pays mulsulmans.

 Afghanistan 2001 : opération Pamir. A la suite de la résolution 1267 de l'ONU demandant de livrer Ben Laden, non respectée par les talibans, une coalition est formée avec entre autres Egypte, Iran , Kowait, Oman , Pakistan, Qatar, Soudan, Turquie, Emirats arabes Unis .  Encore une fois de nombreux et d'importants pays musulmans.Le bilan fut de 35000 morts talibans , 30000 civils et 25000 dans la coalition.(cf 5 )d'autres sources citent 200000 civils tués.(10)

Lybie 2011 , opération Harmattan.6 . La résolution 1973 de l'ONU rappellant la résolution 1970 (2011) du 26 février 2011, autorise l'exclusion aérienne des avions lybiens pour défendre la population civile. La résolution est soutenue par la ligue des états arabes, qui représente 378 millions de personnes quasi toutes musulmanes. 7
La France intervient à la demande du Conseil National de Transition Lybien.
Le nombre de mort du conflit serait difficile à déterminer : 25000 selon le CNT  et une centaine de morts dus aux dommages collatéraux. 8

Mali 2013: A la demande du Mali, pays à forte population mulsulmane, dont le nord est envahi par des terroristes islamistes alliés à des touaregs, la france envoie ses troupes, sous la résolution 2085 de l'ONU, pour éviter un "malistan".
Le bilan serait de 800 djihadistes tués. 9

Irak septembre 2014:  opération Chammal resolution 2170 du conseil de sécurité, à la demande du gouvernement de l'Irak, pays musulman. Appui aérien aux forces irakiennes contre Daesh. On craint alors la chute de bagdad. Après les attentats, les opérations affectent également le territoire syrien suite à la résolution de l'ONU soumise par la France le 21 Novembre 2015. Bilan inconnu

 Ainsi, en dehors de la Syrie et de la Lybie, pays en guerre civile, la France n'est intervenue qu'à la demande de gouvernement élus, réclamant son aide. Dans tous les cas elle a respecté le droit international. Elle n'a jamais initié les conflits, mais est intervenue dans des conflits existants.
Le nombre total de morts de ces conflits durant 15 ans, dont on ne peut évidemment pas attribuer en totalité la responsabilité à la France, se chiffre à environ 436000 hors coalition d'après nos sources, dans la fourchette haute, très loin de 4 millions, près de dix fois moins. Chacun peut se déterminer pour ou contre l'intervention de la France dans ces conflits, ce qui par nature fait partie du domaine politique, mais il est insupportable de présenter des données fausses au téléspectateur à une heure de grande écoute, de surcroit avec un animateur qui joue au journaliste alors qu'il n'en respecte pas l'éthique.

Michel Onfray se sert donc de chiffres erronés( 500000 morts en algérie , 4 millions de morts dans les conflits ou la France a été engagée) et d'arguments totalement faux, prétendant que la france a tué 4 millions de musulmans, pour inciter à la haine entre communautés. La France a refusé d'intervenir en Irak en 2003 après les mensonges des Etats Unis auprès de l'ONU.
La France n'a pas une politique islamophobe et intervient dans tous ces conflits à la demande de musulmans, dans le cadre du droit international.

1-http://www.canalplus.fr/c-emissions/pid3350-c-salut-les-terriens.html?vid=1335470
2-http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/Alg%C3%A9rie_vie_politique_depuis_1962/187072
3-http://www.algeria-watch.org/farticle/sale_guerre/guerre_chiffre.htm
4-http://www.monde-diplomatique.fr/cahier/irak/bilan-guerre
5-http://www.voanews.com/content/despite-massive-taliban-death-toll-no-drop-in-insurgency/1866009.html
6-http://www.defense.gouv.fr/operations/autres-operations/operations-achevees/operation-harmattan-2011
7-https://fr.wikipedia.org/wiki/Ligue_arabe#Composition%20378%20millions
8-http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20111220.OBS7180/libye-ces-morts-que-l-otan-ne-veut-pas-voir.html
9-https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_du_Mali#Pertes_djihadistes
10-http://www.psr.org/assets/pdfs/body-count.pdf
Michel http://www.blogblog.com/dots/bg_post_title.gif Bien fait pour vous





vendredi 27 novembre 2015

Le partisan

L'Esthétique est marquée par l'opposition beau/laid, la morale par celle du bien et du mal, la politique par celle de l'ami et de l'ennemi. Cette analyse provient de Carl Schmitt, juriste du début du siècle qui appartint au parti national socialiste - ce qui ne rend pas sa pensée caduque- qui pense que la distinction ami/ennemi fonde la notion de politique.
L'explication en est donnée dans l'ouvrage "Notion de politique" en 1932. Plus tard, après la deuxième guerre mondiale, il développera la théorie selon laquelle l'affaiblissement des états suite à l'émergence d'instances extra-étatiques comme la société des nations puis l'ONU  transforme le "jus belli", droit de chaque état à la guerre, en droit international qui juge les guerres justes ou injustes. La guerre classique entre états pour le partage du territoire, thème du "Nomos de la terre" a tendance a disparaître au profit de conflits qui ressemblent plus à des opérations de police internationale, fondées sur le droit, pour mettre au pas des organisations politiques ou des états brigands. Le domaine politique n'est plus alors contraint à la définition de l'Etat ni à ses limites et l'ennemi peut être trouvé ailleurs que dans l'Etat. Le politique peut s'exprimer sous d'autres formes. Apparait alors la figure du "partisan", ennemi qui n'appartient pas à l'armée régulière vaincue, mais forme une entité politique "irrégulière" prête à la guerre totale. La guerre n'est plus un moyen politique d'arriver à soumettre l'ennemi à sa volonté comme chez Clausewiz, condition à la paix, mais a pour but sa destruction et sa disparition. La figure du partisan se rencontre aussi bien dans les guerres de libérations coloniales du début du siècle, viêt minh en Indochine , FLN en Algérie, Parti communiste en Chine, qu'aujourd'hui en Palestine, ou avant guerre en Espagne. Pour son adversaire, le partisan se nomme "terroriste" car il peut user de moyens qui n'appartiennent pas à la guerre conventionnelle et qui sèment la terreur.
L'affaiblissement d'un état peut entraîner une guerre civile où s'affrontent les ennemis internes. Lorsque les motivations de l'hostilité sont issues de conflits d'ordre religieux, dès lors que la guerre survient entre les parties alors le conflit passe de l'ordre religieux au domaine politique.
Daesh correspond assez bien aux définitions de Schmitt, née sur les ruines de l'Etat irakien, organisation politique à fondement religieux, figure du terroriste/partisan, dont l'ennemi semble être le monde entier.
Le problème de la définition du politique chez Schmitt, c'est qu'elle amène à penser l'impossibilité de la paix, puisque le politique nécessite la définition de l'ennemi pour assurer l'unité. L'unité existe malgré tout, en dehors de tout ennemi et de toute guerre, même si la guerre la renforce, et le politique dans l'état n'a pas disparu depuis l'ONU. Simplement la politique mondiale est en train de naitre, la COP21 en est un exemple. Je préfère penser qu'on se dirige "vers une paix perpétuelle" comme le prédisait Kant, qui pensait déjà "une société des nations".


samedi 21 novembre 2015

Révélation


Les religions révélées partagent ce point commun qu'elles reposent sur le fait que Dieu révèle à l'homme ses prescriptions. Il les communique par un moyen mystérieux, mais cette communication se traduit toujours par un corpus écrit. Ce corpus est rédigé soit par des inconnus, comme la bible, soit par des gens identifiés comme pour les Evangiles ou vient directement de Dieu pour le Coran. La base d'une religion révélée est donc cet ensemble écrit , qui représente la transmission des bases d'une religion. Mais trois difficultés se présentent. La première concerne le brouillage de la transmission : il faut admettre que Dieu est l'auteur de ces textes pour ce qui concerne les données principales de la religion. Mais l'homme est faillible qui retranscrit les commandements de Dieu, et Dieu apparemment ne communique pas souvent. Il peut donc survenir des formules ambigües qu'il est nécessaire de préciser. La deuxième difficulté vient de l'âge de ces textes et du fait que le même message est retranscrit par plusieurs personnes, comme dans le cas des Evangiles. La langue de l'époque et la situation historique peuvent nous apparaître aujourd'hui comme inintelligible ou bien poser des problèmes de sens au 21e siècle. Ces deux difficultés d'interprétation de ces textes induisent la nécessité de l'exégèse, étude approfondie d'un texte. Mais sur un même texte plusieurs compréhensions différentes peuvent malgré tout surgir. La troisième difficulté survient lorsque les citations des textes canoniques sont erronées, ou bien sorties de leur contexte.
Aucune surprise donc si au cours des siècles sont apparus sectes, schismes, guerres de religions. Tout vient d'une lecture différente des textes sacrés et de leur interprétation. Nous pensions en avoir fini. Avoir des religions ou des dérivations de ces religions établies, solides, même si elles s'affrontent encore comme les sunnites et les chiites chez les musulmans.
Le présent nous donne tort.
L'intégrisme islamique prend appui sur des textes du Coran pour semer la mort. Par exemple la sourate 5.33 :
"La récompense de ceux qui font la guerre contre Dieu et Son messager, et qui s'efforcent de semer la corruption sur la terre, c'est qu'ils soient tués, ou crucifiés, ou que soient coupées leur main et leur jambe opposées, ou qu'ils soient expulsés du pays. Ce sera pour eux l'ignominie ici-bas ; et dans l'au-delà, il y aura pour eux un énorme châtiment,"
Si l'auteur de cette phrase est Mahomet, ici le messager, le croyant considère malgré tout que c'est la volonté de Dieu. Car chez les croyants, chrétiens ou musulmans, Dieu a une volonté. Comment connaître ce que Dieu veut ? il faut lire les textes. Comment savoir si la volonté de Dieu a changé ? impossible. Donc si l'on considère que cette sourate n'est plus d'actualité il faut s'en remettre aux autorités religieuses qui détiennent LA véritable exégèse, et qui décrètent ce qui dans les textes ne doit pas être pris littéralement et rejeté. Mais nous nous trouvons face à une aporie : si l'on rejette en partie les textes sacrés sur lesquels repose la religion, sur quoi s'appuie-t-elle finalement ? Si la révélation, parole de Dieu doit être modifiée , que devient le message de Dieu ?
Ce problème se pose pour toute religion et provient du fait qu'une religion révélée imagine Dieu à son image, qui parle et communique, mais plutôt rarement.
En revanche ce qui est spécifique à la religion musulmane sunnite, c'est qu'il n'y a pas de clergé. Personne n'est officiellement responsable de la lecture officielle. N'importe qui peut s'intituler Imam, prendre cette sourate et la présenter à un jeune qui a besoin d'exaltation. Certains musulmans s'en inquiètent. Pour Tareq Oubrou, Imam de Bordeaux dans le Figaro du 13 Novembre "tout le coran n'est pas à reproduire".  Hakim El Karoui, dans une tribune du monde du 20 Novembre , déclare "Nous avons laissé le poison de la salafisation des esprits se répandre. Par ignorance collective des textes sacrés, personne n'a été capable de répondre à leur propagande".
Je pense que si Dieu existe, et qu'il a une volonté, il doit être suffisamment puissant pour écrire lui même, sans intermédiaire, des textes sacrés simples, et révisables quotidiennement pour leur assurer la modernité nécessaire. 



vendredi 20 novembre 2015

13 Novembre


Nous sommes assaillis de questions.
La première qui me vient à l'esprit, comme à beaucoup d'autres : pourquoi ces assassinats collectifs du 13 Novembre à Paris?
Tout d'abord considérons les exécutants de ces assassinats. Comment peut on accumuler tant de haine envers des inconnus, qui ne vous ont jamais rencontré ni fait de mal, jusqu'à les vouloir les tuer de sang froid, alors qu'ils crient, saignent, se sauvent, souffrent, tombent, rampent pour s'échapper. Le premier réflexe après l'émotion consiste à vouloir comprendre cette situation hallucinante. Ces tueurs ne sont pas nés avec ces idées de meurtre en tête, ils ont tété leur mère, aimé leur père, joué, couru, dormi, souri, pleuré. Ils ont appris à haïr, ou à transformer leur ressentiment en haine. Nés en France pour certains, donc français, ils ont été scolarisés, ils ont comme tout écolier eu droit à des cours de musique, d'histoire, de français, de calcul. Peut être même ont ils poursuivis leurs études à l'université. Puis un jour la parole de leur instituteur, de leur professeur devient suspecte, une autre vérité, plus forte, leur apparaît.
Cette vérité, transmise par un mentor qu'ils rencontrent sur Internet ou ailleurs, ou bien par la lecture d'un livre, leur apporte un éclairage nouveau, une grille d'interprétation du monde, un sens à leur existence. Pourquoi pas ? Cette révélation pourrait déboucher sur une volonté de changer le monde ici et maintenant, un combat politique pour rendre la vie meilleure. Mais qu'entendons nous par vie meilleure ? Du temps et des moyens pour faire des rencontres, aller au concert , au restaurant, flâner , rire avec des amis, réaliser des projets, acquérir des connaissances etc ... ce qu'on pourrait résumer par jouir de la vie.
Mais la mise en cause est beaucoup plus radicale. Le tueur ne veux pas de notre vie «meilleure», il n'est pas eudémoniste, il ne veut pas jouir de la vie hic et nunc, il doit tout d'abord vivre en conformité avec le Coran ( sa version littérale) et croire en Dieu. Sa vie bascule, ce pays dans lequel ils se sent différent n'est habité que de mécréants, de pervers qui boivent de l'alcool et écoutent de la musique, ses murs sont recouverts de publicités de femmes en dessous: abomination. Il exècre même les musulmans de france, les apostats, qui vivent comme les « français ». Le tueur pourrait devenir un ascète, qui vit selon les prescriptions rigoristes wahhabites, il pourrait quitter ce pays dans lequel les femmes ne peuvent pas rester voilées à l'école, et doivent se baigner dans la même piscine que les hommes. D'ailleurs il quitte le pays, non pas pour vivre sa foi, mais pour tuer , dans le cadre géographique de « l’État Islamique », ou revient sur sa terre natale pour tuer ceux qui n'ont pas les mêmes valeurs que lui.
Imaginons que la vie des Amish me fascine. La modernité me dégoûte, je ne veux pas d'électricité, d'ordinateurs ni de vaccins, alors oui je suis tenté de rejoindre la communauté qui partage mon idéal de vie et partir au pays des Amish s'impose. Je pourrai aller jusqu'à détester l'homme occidental qui court à sa perte en détruisant la planète par le « progrès ». Mais jamais je ne pourrais tuer un semblable innocent, « l'homme occidental » n'est pas un individu vivant, c'est une catégorie, un nom, on n'assassine pas un nom.
Mais notre tueur n'a que faire du nominalisme. C'est écrit ( il y a 14 siècle …) , sa lecture littérale l'amène à pourfendre les mécréants, le mécréant ne mérite pas de vivre. Le mécréant boit un verre en terrasse, le mécréant écoute de la musique au Bataclan. Notre tueur a trouvé des règles de vie écrites ( du moins l'interprète-il ainsi) qui lui permettent d'imposer sa force, d'effacer son humiliation, de retrouver une estime de soi tout en obéissant et en passant pour un héros. Mais en payant un lourd tribu : il doit donner sa vie s'il veut jouir dans l'au delà, devenir un martyr. Si le tueur ne se résout pas simplement à vivre sa nouvelle foi tranquillement, c'est parce ce qu'il rêve de puissance, il veut en découdre, et prendre la vie constitue la plus forte manifestation de puissance qu'il soit pour un individu, comme un état, islamique en l’occurrence, constitue la puissance maximale pour un ensemble d'individus selon Hobbes. Mais il veut aussi obéir, donner à un autre le choix de ses actions. Il ne veut pas la liberté, pour le tueur la liberté est effrayante comme dans les romans de Dostoïevski. La seule manifestation de liberté qu'il opère est son ralliement à l'EI et à Dieu, voilà son contrat social. Le tueur appartient au troupeau des combattants qui donnent leur vie pour Dieu, Il sait que sa nouvelle communauté jugera son acte héroïque et que dans l'au delà il pourra enfin jouir.

Considérons ensuite les donneurs d'ordre. Si nous prêtons écoute au message de revendication, il s'agit de s'en prendre à la France en représailles à ses frappes en Syrie «  leurs avions qui ne leur ont profité en rien dans les rues malodorantes de Paris ». Accessoirement il s'agit aussi de frapper « la capitale des abominations et de la perversion ». il ont réalisé une « attaque bénie dont Allah a facilité les causes ». Ils s'en prennent donc à la France pour une double raison : pour ce qu'elle a fait et pour ce qu'elle est. Notons qu'Allah laisse aux décisionnaires leur libre arbitre et ne détermine pas entièrement leur action, il « facilite » simplement . Mais s'il facilite les causes, les causes premières étant les raids aériens de la France en Syrie, il faudrait comprendre qu'Allah a facilité les raids. Passons. Le communiqué référence la sourate 59 verset 2, comme analogie avec la situation du peuple parisien. Dans ce raisonnement le simple habitant de Paris porte la responsabilité de la décision des responsables gouvernementaux, il doit donc mourir. Peu importe si au Bataclan ou dans les restaurants figuraient des étrangers non votant en France ou des français qui n'ont pas voté pour François Hollande, la logique haineuse des fans du califat n'est pas à ça près. Si Mohamed Merah ou les frères Kouachi avaient bu un thé au petit Cambodge ils auraient subi la même violence aveugle avec les mêmes arguments stupides prétendant punir les apostats . Ce qui caractérise les donneurs d'ordre c'est donc la haine d'un peuple tout entier pas seulement celle de son gouvernement. L'individu, l'être humain ne compte pas, ni la victime, ni l'exécutant. Pire, l'Autre ne compte pas, et soi-même ne compte pas . Ce fantasme de créer un califat ne correspond qu'à l'impossibilité qu'ont ces êtres de vivre dans le temps présent. Mais alors  pourquoi tuer ?
Jean Pierre Roman, ce faux médecin a tué toute sa famille le jour où elle ne pouvait plus trouver place dans sa fiction une fois la supercherie découverte, ce n'est pas l'histoire factice qu'il fallait faire disparaître, c'est le réel, ce sont les personnages de la pièce. De même Daesh est elle prête à éliminer tout ce qui remet en cause son fantasme de revenir au 6 ème siècle, prête à supprimer 14 siècle d'évolution humaine, détruisant entre autre la cité antique de Palmyre. Le discours lui même semble un mélange entre histoire moyenâgeuse sortie du film les visiteurs : « 200 croisés tués » et style biblique mal traduit : « Paris a tremblé sous leur pied et ses rues sont devenue étroites pour elle », il y aurait de quoi rire si les atrocités ne nous en empêchaient. Cette « revendication », les cibles choisies, établissent un lien transitif entre des événements sans rapports nécessaires : se trouver physiquement sur le territoire français dans un restaurant, être de nationalité française, donner son accord aux les frappes françaises en Syrie, faire décoller son rafale et larguer une bombe, tuer des combattants de Daesh. Nous sommes au carrefour de l'injustice, de la haine et de l'horreur. L'équation « être physiquement dans un restaurant français» égale « tuer des combattants de Daesh » illustre la pensée schématique de cette organisation, elle s'identifie à celle d'Al Qaïda : « être dans une tour à New York » égale « être un ennemi de la Palestine».

La deuxième question serait : comment venir à bout de ce cauchemar ? Leur guerre en Syrie et en Irak pour le califat s'exporte sur notre territoire, leurs combattants en France ne sont pas nombreux mais leur faculté de nuire grandit de jour en jour. Il s'agit donc d'une véritable guerre dans laquelle nous sommes versés : des combattants équipés d'armes lourdes tuent chez nous des militaires, des juifs dans un magasin, des dessinateurs , puis plus d'une centaines de personnes, civiles et innocentes, dans les bars et salles de spectacle. Ils contestent nos valeurs et notre mode de vie. Certains sont français et nés en France. Après l'explication sociologique : le terreau de la ghettoïsation, le chômage, la perte d'identité, puis après l'explication psychologique : le besoin d'exaltation, le manque d'estime de soi, il faut passer à l'étape supérieure. En effet si les explications donnent une origine sociale à ce problème et si une politique doit être engagée pour casser cet urbanisme de ghetto, principalement du à la ségrégation économique, pour diminuer les effets de communautarisme, augmenter la mixité sociale à l'école, rétablir le service militaire etc. il faut aussi combattre.
Combattre la gangrène des idées salafistes dans les mosquées, combattre la propagation des idées rétrogrades comme celle de la burka qui ne serait qu'un vêtement comme un autre, celle de l'inégalité de l'homme et de la femme, celle que la religion doit être enseignée à l'école, celle que la laïcité doit être abandonnée. Affirmer la supériorité de la science, qui n'est pas une croyance. On ne marche pas sur la Lune en priant très fort son Dieu. L'évolution des espèces est un processus décrit scientifiquement par Darwin et enseigné dans les écoles de la république. Combattre aussi l'individualisme et l'effondrement des valeurs citoyennes. La culture des années soixante dix abhorrait l'idée d'état et désirait l'effacement des frontières. La culture devenait mondiale, la nation ringarde. Pourtant il y a bien une culture spécifiquement française, un art de vivre à la française, tout simplement due à son histoire et à ses brassages de population. D'ailleurs Daesh ne s'y trompe pas et s'attaque à la capitale parisienne : « abomination et perversion ».La france est le pays des lumières et de sa devise liberté-égalité-fraternité, de la méthode cartésienne, de l'instruction publique pour tous, de la laïcité, de la bonne chair, de l'amour courtois... de Zola, d'Hugo, c'est notre héritage.
Rien ne l'empêche d'évoluer, mais certains éléments sont constitutifs : la langue par exemple. La langue française est une des bases de notre culture, ce qui n'est pas contradictoire avec le fait que d'autres locuteurs parlent notre langue dans d'autres pays.
Autre élément de principe : l'état doit défendre la liberté du culte, et le culte ne pas intervenir dans l'état, c'est la loi de 1905 de la séparation de l'église et de l'état. La loi de 2004, l'interdiction des signes religieux ostentatoires à l'école entre dans ce cadre. Ce n'est pas la loi qui définit une culture, mais c'est une culture spécifique qui engendre des lois. L'état est né en occident sur fond de guerres religieuses, le principe de laïcité est central.
« Vérité en deça des Pyrénées, erreur au-delà » disait Pascal, ce que tout le monde peut constater à loisir : pas un pays n'a les mêmes lois que son voisin. Jusqu'à quel point une culture peut elle être perméable à des influences externes?Au vingtième siècle Nous intégrons jusque dans les foyers des recettes asiatiques : nems, riz cantonnais, ou maghrébines : couscous, merguez, méchoui, ou encore turques ou greques: kebab . Certains quartiers concentrent des magasins asiatiques , Paris 13e, ou arabes. Les supermarchés proposent des rayons halal ou kasher. Des artistes ont apporté de nouvelles sonorités, ou des œuvres littéraires ou cinématographiques, des femmes vont au hammam etc. Mais quand des femmes demandent à aller à la piscine à des horaires réservés, ou se faire examiner par un médecin femme, on atteint une remise en question des rapports hommes femmes dans notre société qui dépasse l'admissible. Il n'est pas inscrit dans la loi que les femmes doivent ou ne doivent pas se mélanger aux hommes dans les piscines, c'est un fait de culture qui résiste au changement car il est au coeur des valeurs de la République.

Combattre aussi physiquement l'armée de Daesh, sur le front intérieur et extérieur. La aussi des questions majeures sont posées : Devons nous pour cela instaurer l'équivalent du patriot act ? C'est à dire des lois d'exception, une surveillance de toute la population ? Une écoute généralisée des communications téléphoniques mobile, un archivage des méta datas des emails ? Comment devons nous traiter les prisonniers ? Puisque nous sommes en guerre, ce ne sont pas les tribunaux civils qui doivent juger les combattants capturés, accepterons nous les tribunaux de guerre, dirigés par les militaires ? Rappelons nous que Guantanamo qui n'a rien rapporté aux Etats Unis, seulement un problème insoluble.
Chaque individu qui cède aux thèses terroristes, qu'il soit fragile psychologiquement ou non, devra répondre de ses actes.