mercredi 30 décembre 2015

Peut on prévoir le futur ?


De prime abord nous répondrions non à cette question: par définition l'avenir est imprévisible. Nous ne savons pas ce qui va arriver dans une minute, une heure, ici dans la rue ou très loin là bas.
Pourtant à y regarder de plus près, à chaque instant nous effectuons des prédictions. Pourquoi prendre le sac pour les courses sinon parce que je sais qu'il y a un magasin, que je vais marcher dix minutes pour y arriver, que je prévois que je vais y trouver de quoi manger ? Pourquoi vais-je au cinéma à 20h, où passe le film z, sinon parce que je fais le calcul que je vais voir ce film z à 20h ? Comment puis je savoir qu'il sera 20h après 19h ?
Agir dans le monde c'est prévoir. Aucune action n'est possible sans imaginer le futur. Evidemment, il est impossible de TOUT prévoir,  et nous n'avons aucune garantie d'aucune sorte que ce que nous imaginons va réellement arriver mais nous faisons le pari des régularités de la nature et de ses productions, dont les hommes et leur comportement. Le jour se lève aujourd'hui, par conséquent il se lèvera demain. Le magasin se situait là hier, il sera à la même place demain, voilà comment nous raisonnons. Pourtant de multiples autres possibilités peuvent se présenter : si vous partez demain au cap nord, vous ne verrez pas le soleil se lever, un incendie peut ravager le magasin. La contingence vient mettre un bâton dans les roues de la prédiction, car nos vies sont basées sur l'idée que l'identique se reproduit nécessairement, que du passé nous pouvons dériver le futur. Comment lever ce doute sur nos prédictions, qui sont nécessaires pour agir, mais sont grevées par la contingence du monde ? c'est le travail de la science. Comme le dit Quine dans "Les deux dogmes de l'empirisme" en 1951:
"Etant empiriste, je continue à concevoir, en dernière instance, le schème conceptuel de la science comme un instrument destiné à prédire l'expérience future à partir de l'expérience passée."
Mais que fait-elle de différent de nous, la science ?
La science construit, comme nous, des théories pour modéliser des lois de la nature qu'elle suppose constantes et permanentes. Une fois élaborée, la théorie doit être à même d'être confirmée ou infirmée par une expérience. C'est ce que je fais en allant faire mes courses direz vous , avec la théorie implicite : un magasin ne change pas de place dans la nature. Sauf que comme on l'a vu le magasin peut disparaître, sa présence n'est pas nécessaire. Une théorie scientifique au contraire se veut universelle : valable en tout lieu et en tout temps et nécessaire. Ainsi les lois physiques offrent-elles un caractère de nécessité ( qui ne peut pas ne pas être), caractéristiques de la science. La loi d'attraction universelle serait fausse si quelquefois la pomme pouvait tomber vers le haut. Seulement il y a un problème : comment élaborer une théorie ? à partir de quoi ?

Il y a essentiellement deux réponses. Soit j'ai remarqué une régularité, un phénomène qui se répète, et je peux supposer qu'il va se répéter toujours pour construire ma théorie, c'est ce qu'on appelle un raisonnement par induction.
Soit je construis une hypothèse dans mon esprit par pure imagination et j'infère tous les effets qui pourraient advenir à partir de cette hypothèse dans la réalité si elle était vraie. C'est le raisonnement par déduction.
Dans son "enquête sur l'entendement humain" en 1748, David Hume a soulevé un problème fondamental. Il remarque que ce que nous appelons "cause" et "effet" ne provient que d'une conjonction dans le temps et dans l'espace de deux phénomènes. S'il fait froid et que je mets mon verre d'eau dehors, il gèle. le glaçon, qui est l'effet, a pour cause le froid. Notre perception des causes et des effets s'appuie uniquement sur l'habitude. Nous nommons cause et effet la conjonction habituelle que nous observons. Quand surgit la cause, nous attendons automatiquement l'effet. Voilà pourquoi l'induction est un problème, puisque le même procédé est en place, je vois une grenouille verte, puis deux je pense toutes les grenouilles vertes. Russel, mathématicien auteur des "principia mathématica" avec Whitehead a illustré l'erreur de raisonnement que provoque l'induction avec l'histoire de la dinde: cette dinde ravie de voir que jour après jour elle recevait sa pitance de la main du paysan était persuadée que cela durerait, durerait ... jusqu'à un certain 25 décembre. Pour être plus complet, le problème de l'induction pourrait faire l'objet d'un livre entier : car Hume a tort, nous ne nommons pas cause et effet toutes les conjonctions répétées. Si chaque fois que j'ouvre les volets je me trouve en face de mon voisin qui fait de même, je n'en suis pas la cause. Il manque donc quelque chose à son analyse.
La déduction semble une meilleure méthode pour affirmer des lois puisqu'elle ne s'appuie pas sur la répétition mais sur les inférences logiques. Mais peut on être sûr qu'une théorie scientifique est vraie ? Après tout on ne peut jamais créer autant d'expériences que possible, dans tout l'espace et toute l'éternité pour  vérifier si elle reste vérifiée ! La nécessité vient de l'esprit, pas de la nature. Pire il est des objets des sciences qui ne permettent pas de configurer les expériences voulues : alors je prend une planète, je la mets là... Alors comment vérifier la validité d'une théorie ?

La réponse est simple : c'est impossible. La seule possibilité qui nous est offerte consiste à vérifier, lorsqu'une expérience est possible, que les faits observés sont conformes à la théorie. Mais l'observerait-on mille fois qu'on retomberait dans l'induction pour dire : vous voyez cela s'est produit mille fois donc...En revanche, comme Karl Popper l'a montré dans "La logique des découvertes scientifiques" il est possible de prouver qu'une théorie est fausse. Popper va même plus loin : si une hypothèse n'est pas réfutable, c'est à dire qu'on ne pourra jamais par construction trouver des faits qui puissent l'invalider, alors ce n'est pas une théorie scientifique. C'est ce qu'il dira du Marxisme, dont la logique systémique fournira toujours une bonne réponse aux faits observés quels qu'ils soient.

Mais Popper sera lui aussi mis en question, par exemple par Thomas Kuhn dans "La structure des révolutions scientifiques" en 1962, dans lequel il démontre que les grandes révolutions scientifiques, comme celle de Copernic ou de Newton, ne se produisent jamais par réfutation, mais par un changement complet de paradigme chez les chercheurs.
Alors continuez de faire les courses, mais attention, un jour le magasin ne sera peut être plus là.



Les dessous de la déchéance

La future révision constitutionnelle vise, entre autre, à modifier l'article 34 de la constitution. Il s'agit d'ajouter une mesure de déchéance de nationalité étendue à ceux qui commettent des actes "terroristes" nés français de parents étrangers en France. Elle n'aura que des conséquences négatives et j'espère qu'elle ne sera pas votée. Pourquoi ?
Tombent sous le coup de la nouvelle mesure les auteurs d' actes terroristes :
-  qui ont acquis la nationalité française depuis moins de quinze ans, ou qui ont commis l'acte avant cette acquisition.
-  dont la nationalité française a été attribuée à leur naissance, donc nés français, parce que l'un de leurs parents étrangers est né en France.
Ce projet de loi est en effet discriminatoire, comme l'est déjà l'article 25 du code civil,  car seuls ces deux catégories sont susceptibles, à crime égal, de se voir retirer leur nationalité française, alors qu'il est impossible de la retirer à un français d'origine (né d'un parent français ), qui sinon deviendrait apatride. L'article 23 de la loi 98-170 du 16 Mars 1998, ou loi Guigou, qui précise l'article 25, empêche la déchéance quand elle crée des apatrides.
Mais ce projet ne peut être qualifié d'injuste qu'à cause de cette discrimination, discrimination qui existe déjà dans l'article 25 du code civil, pour les naturalisés qui peuvent être déchus de leur nationalité française. D'où l'argument du gouvernement qui veut rétablir une "égalité" pour la déchéance parmi les bénéficiaires du droit du sol, entre nés français et naturalisés, créant en même temps une nouvelle inégalité, entre français d'origine et les autres.

Pourquoi n'est-il pas injuste, dans l'absolu, de renier l'appartenance à une communauté politique ?

 Qu'est ce que l'appartenance à une communauté politique ? L'appartenance fait partie des biens, mais elle constitue un bien particulier, puisque tous les membres de la communauté possèdent ce bien par définition. (Sphere of justice, Michael Walzer, chap. 2) . Elle suppose l'adhésion aux valeurs de cette communauté, le respect des liens qui l'unisse et une compréhension partagée de ce que sont les biens et leurs mécanismes de distribution. L'appartenance ne vient pas de critères génétiques, elle n'est pas attachée au corps. Si les enfants des membres en héritent, c'est moins par filiation que par nécessité de régénération. Le meilleur moyen de faire persévérer la communauté et ses valeurs c'est de profiter d'une "tabula rasa", pour y imprimer le sceau du lien communautaire qui existe chez les parents et les autres membres. Inversement si un des membres de la communauté prend pour objectif la destruction de celle ci et la disparition de ses membres, tout en adhérant à une autre communauté ennemie alors l'individu rompt le contrat social, de la manière la plus violente qui soit. Il ne remplit plus les critères d'appartenance, il ne peut plus faire partie de la communauté politique.La déchéance de nationalité serait donc une conséquence logique pour celui qui retourne les armes contre les siens pour le compte d'une armée étrangère. La première justification d'un état se trouve dans la nécessité de se regrouper pour unir ses forces et se défendre, ce qu'illustrait il y a peu l'existence d'un service national pour apprendre aux jeunes d'une classe d' âge à défendre le pays. On ne devrait pouvoir obtenir ni conserver la nationalité associée à tel un état si l'on s'engage dans l'armée adverse d'un état en guerre dans le but de tuer ses compatriotes.

Mais cette mesure ne serait juste que si elle concernait tous les citoyens, ce qui n'est pas possible à cause de la loi de 1998 sus-citée, elle même conforme à la déclaration universelle des droits de l'homme. En d'autre temps ce crime était encore plus lourdement sanctionné, puisque le traître à la nation était fusillé. Après avoir déclaré le pays en guerre, il semble que l'on ne soit pas parvenu jusqu' à l'idée qu'il faille des tribunaux militaires. Autre temps, autre moeurs.

Outre la discrimination et donc l'injustice, une des conséquences possibles de cette modification de la constitution pourrait être le retour sur notre territoire de terroristes français déchus de leur seconde nationalité et renvoyés par des pays qui adopteraient le même genre de lois par une sorte d'esprit de revanche. Cela irait à l'exact opposé de l'effet prévu par la loi.Une autre conséquence,  c'est le sentiment de stigmatisation pour les populations concernées, d'être des français de seconde catégorie, ce qu'elles éprouvent déjà sur le marché du travail, comme l'indique ce graphique de l'Institut Montaigne :
Il faut aussi imaginer, la situation où un terroriste, français d'origine, est capturé avec un autre terroriste, français par acquisition, qui auraient commis exactement le même crime et qui, français tous deux, auraient des sentences divergentes, qui contrevient au droit français. Mais ce dilemme peut exister aujourd'hui indépendamment de la révision constitutionnelle, simplement à cause de l'article 25.

Si les récents sondages montrent que les français adhèrent dans une large majorité à ce projet, c'est parce qu'ils estiment que ce bien : l'appartenance à la communauté, doit être ôté à ceux qui font acte de terrorisme et pour qui la loi le permet. Ils estiment que le droit du sol continue de s'appliquer, puisque personne n'est "obligé" de devenir terroriste. Ils considèrent que l'article 25 du code civil jusqu'ici n'a posé de problème à personne, et que l'étendre à quelques uns n'en pose pas plus. Mais ils pensent certainement aussi que devenir français quand on est né de parent étranger n'est pas équivalent à devenir français lorsqu'on naît de parent français. Voilà le non-dit qui court derrière tous les arguments "politiquement corrects", le sujet qui n'est pas abordé. Dans le droit c'est équivalent, dans les faits il faudrait tout au moins le souhaiter.  Il faudrait également être aveugle ou angélique pour ne pas constater les problèmes d'intégration posés aujourd'hui, de la minute de silence aux victimes de Janvier refusée, à l'insulte pour celle qui porte une jupe dans les cités ou pour celui qui est un "sale blanc", jusqu'aux progrès du radicalisme dans la communauté musulmane et l'augmentation régulière de l'antisémitisme. Ne pas voir la ségrégation, ce serait également faire injure à celui qui s'appelle Mohammed et qui doit envoyer trois fois plus de CV que celui qui s'appelle Michel pour obtenir un emploi, ou celui qui se voit contrôlé dix fois par jour à cause de son lieu d'habitation. La nationalité ne donne malheureusement pas les clefs pour l'appartenance, c'est pourquoi le communautarisme se développe.
Il faudrait comprendre que ce n'est pas en révisant la constitution que ces problèmes vont disparaître, au contraire...


lundi 28 décembre 2015

il y a état de guerre, mais guère d'état

Lorsque la ministre de la justice annonce le contraire de ce que dit le président de la république, lorsque le premier ministre laisse filtrer lui aussi l'idée d'un abandon du projet de déchéance de nationalité, puis enfin le président lui-même se déjuge puis se ravise, l'état n'en sort pas renforcé. Ces hésitations semblent portées par des considérations politiciennes, elles esquivent le débat de fond. Comment faut-il traiter les ennemis ? Voilà une des questions principales. Mais elle en amène aussitôt une seconde : un français qui tue d'autres français peut il être appelé ennemi ? puis une troisième : qu'est ce que l'appartenance à une communauté ?

Lorsqu'en guerre des ennemis sont tués, personne ne met en avant la loi du 9 octobre 1981 qui abroge la peine de mort, ni la loi sur la légitime défense qui rend pénalement irresponsable. Pourquoi ?
Parce que l'état possède le monopole de la violence légitime comme l'explique Max Weber dans "le savant et le politique". Hobbes montre aussi bien avant Weber, dans le Leviathan, que l'état se crée pour agglomérer toutes les puissances individuelles dans une nouvelle et formidable puissance, addition de toutes. Son bras armé doit être capable d'amener chacun au respect : à l'extérieur pour la défense du territoire, à l'intérieur pour la bonne exécution des lois.
Ainsi la foule, les yeux dessillés, soudainement reconnaissante, frémissante et tremblante,  applaudit-elle les policiers et fraternise-t-elle avec eux le 11 Janvier, tout à coup émerveillée par l'état, comme le petit enfant se réfugie, lorsqu'il est effrayé, dans les bras de ses parents qui le protègent. Il y a peu elle trépignait et vilipendait les force de l'ordre au service de l'état bourgeois.
Lorsque le GIGN, tue les frères Kouachi le 9 Janvier, lorsque le RAID tue en même temps Coulibaly, et qu'il abat des terroristes le 13 et 18 Novembre , personne ne critique l'état, car tout le monde comprend qu'un autre "état" attaque la France.
Tuer oui, déchoir non. La foule accepte que des ennemis français, terroristes, soit tués par l'état français, mais en toute incohérence refuse de leur ôter leur nationalité, comme si la vie n'était pas un bien plus précieux. Ou plutôt, elle n'accepte pas qu'ils soient des ennemis, puisque français. 

Qu'est ce que l'appartenance à une communauté politique ? L'appartenance fait partie des biens, mais elle constitue un bien particulier, puisque tous les membres de la communauté possèdent ce bien par définition. (Sphere of justice, Michael Walzer, chap. 2) . Elle suppose l'adhésion aux valeurs de cette communauté, le respect des liens qui l'unisse et une compréhension partagée de ce que sont les biens et leurs mécanismes de distribution. L'appartenance ne vient pas de critères génétiques, elle n'est pas attachée au corps. Si les enfants des membres en héritent, c'est moins par filiation que par nécessité de régénération. Le meilleur moyen de faire persévérer la communauté et ses valeurs c'est de profiter d'une "tabula rasa", pour y imprimer le sceau du lien communautaire qui existe chez les parents. Inversement si un des membres de la communauté prend pour objectif la destruction de celle ci et la disparition de ses membres, tout en adhérant à une autre communauté ennemie alors l'individu rompt le contrat social, de la manière la plus forte qui soit. Il ne remplit plus les critères d'appartenance, il ne peut plus faire partie de la communauté politique.


Mais quand l'état est faible, quand les membres de la communauté ne reconnaissent plus l'état comme la puissance de chacun, quand la nation n'est plus un concept ressenti comme positif mais comme un danger pour les libertés individuelles alors le sentiment collectif s’évanouit, et l'ennemi devient l'état.

dimanche 27 décembre 2015

Islamophobie : une maladie ?


Antisémitisme et Islamophobie semblent à première vue composer un ensemble symétrique.
L' antisémitisme repose sur la thèse, propagée par l'Allemagne nazie, que les juifs forment une race inférieure. Les actes antisémites sont des crimes punis par la loi Gayssot de 1990.
L' islamophobie, en tant que terme, se compose des mots Islam et phobie. Il indique une peur maladive de l'islam, donc de la religion musulmane. A noter que les mots composant ce terme, contrairement à "antisémitisme" qui vise les sémites, ne visent pas une ethnie ou une race, qu'on ne parle pas d' "arabophobie" alors que les pratiquants de l'islam en France sont en majorité maghrébins. Littéralement donc "islamophobie" n'est pas synonyme de racisme, comme l'est "antisémitisme", la symétrie apparente disparaît.
 Remarquons également qu'aucun mot français n'évoque la phobie de la religion juive ou la phobie du juif. L'islam fait peur mais le juif est haï. Il y a indubitablement un racisme anti-arabe rampant en France, survivance de la colonisation, qui pense l'arabe comme inférieur, dont les actes qui s'en inspirent doivent être punis, mais ce n'est pas ce qui se joue immédiatement dans le terme "islamophobie", qui est plus complexe.
Une lourde charge  de significations implicites pèsent sur ce mot. On admet universellement que l'islamisme radical répand la terreur, mais personne n'a inventé le mot "islamismephobie", le mot s'applique à l'islam. Islamophobie viendrait donc d'une extension de cette peur, provoquée par les actes du radicalisme islamique, à la religion musulmane toute entière. Les gens susceptibles d'islamophobie seraient donc malade d'une peur irrationnelle envers la religion musulmane, par "amalgame" avec leur peur des actes de l'islamisme politique radical. Actes eux mêmes revendiqués par leurs auteurs comme une application stricte du coran, parole de Dieu qui code les comportements des mulsulmans.
Les islamophobes ne connaissent en général pas le Coran, tout comme les aérophobes, qui ont peur de l'avion, n'appréhendent pas la mécanique aéronautique. Mais s'ils lisaient le Coran, l'effroi ne s'éloignerait pas car les islamistes radicaux n'inventent pas les sourates sur lesquels ils s'appuient. Il les décontextualisent en appliquant littéralement ce qu'ils lisent. Lorsque les islamophobes entendent sur utube l'imam salafiste de la mosquée de Brest dire à une assemblée d'enfants que la musique est "haram", c'est à dire proscrite, ou  à des adultes qu'une femme non voilée ne doit pas s'étonner d'être agressée, leur maladie progresse. Comment savoir si c'est le "vrai" islam ou le "faux" islam ? des "vraies" sourates ou des sourates "obsolètes", un véritable imam ou un charlatan ? Si ce prêcheur ne respecte pas l'islam, s'il ne pratique pas la religion musulmane adéquate, n'est ce pas aux autorités religieuses de l'exclure ? voilà ce que se demande l'islamophobe. Lorsqu'on répond à l'islamophobe qu'on ne peut excommunier dans l'islam sunnite, que tout un chacun peut s'intituler imam, et interpréter le Coran à sa guise, cela ne rassure pas l'islamophobe. Lorsque l'état français, en respect de ses lois, ne peut faire taire l'imam de Brest comme l'avoue le ministre de l'intérieur,  alors sa terreur progresse encore. Reconnaissons, nous qui ne sommes ni juif, ni mulsulman, ni catholique et pas atteint par la maladie, qu'il ne s'agit pas d'un unique cas brandi outrancièrement par le complot islamophobique français... Considérons sérieusement les peurs, ne les ignorons pas, n'envoyons pas les effrayés chez le docteur FN qui attisera l'effroi.
Pour de nombreux acteurs publics, "islamophobe" s'emploie désormais, non pour désigner un malade mais pour tancer. De maladie simple, l'islamophobie devient une maladie honteuse. Pire, par  glissement sémantique, islamophobe s'emploie en lieu et place de "raciste", ceux qui ont peur tomberaient dans la haine xénophobe. Les français "islamophobiques" seraient en passe de conduire des ratonnades généralisées. Pour répondre à cette phobie envers les islamophobiques il suffit de rappeler quelques chiffres.


La communauté juive en France compte 550000 membres. et la communauté musulmane en compte environ 5 millions.
D'après un article du Monde , qui reprend les statistique de l'observatoire de l'islamophobie en France, il y a eu "274 actes et menaces antimusulmans au premier semestre 2015", donc sur 6 mois, contre 72 sur la même période l'année passée. "une nette décélération au second trimestre 2015 est observable, avec 52 actes et menaces recensés,"
Le  Service de Protection de la Communauté Juive relève lui "De janvier à mai, 508 actes et menaces antisémites", donc sur cinq mois, contre 276 en 2014. Avec une extrapolation à 6 mois cela nous donne donc 609 pour le premier semestre 2015.
Pris de manière absolue, les actes antisémites  représentent donc 69% des actes racistes en France, (en assimilant les actes antimusulmans à des actes anti arabes ). Pris relativement et rapportés à la population de chaque communauté cela donne 274:5000000 = 0,005 % pour la population musulmane affectée et 609 : 550000 = 0,11 % pour la population juive, soit plus de 20 fois plus.
Les enfants juifs quittent de plus en plus souvent l'école de la république pour trouver la sécurité dans les écoles confessionnelles.
Il faut également se rappeler l'attaque de l'école de Toulouse et de l'hyper cacher de la porte de Vincennes, visant spécifiquement la communauté Juive, qui se sont soldées par de nombreux morts, dont des enfants, ou l'affaire Ilan Halimi.
En 2015, 8000 juifs français ont quitté la France pour émigrer en Israël, formant le plus important contingent d'immigrés dans ce pays cette année.
Cela ne vous fait pas peur ?

mercredi 23 décembre 2015

Discrimi-nation


Dans "nationalité" se retrouvent implicitement les concepts de nation, d'état, et de pays. Nation car  la nationalité ne se dérive que de nation qui l'englobe. Etat car pour définir l'appartenance à une nation sont définis des processus inscrits dans la loi. Et pays car les lois d'un état s'appliquent à un pays. Ainsi la loi de l'état français prévoit elle trois cas de figure d'acquisition de la nationalité française:
- Lorsqu'un enfant naît d'un parent français, père ou mère, il acquiert automatiquement la nationalité française par le "droit du sang". Il suffit donc  d'hériter des gènes d'un français ou d'une française pour obtenir la nationalité française. L'idée de droits associés à l'héritage génétique pourrait sembler étrange, car cela signifie que ceux qui n'ont pas ce même héritage sont privés de ces droits sur des critères physiologiques, mais il s'agit bien de la même idée lorsqu'on hérite des biens de ses parents et personne ne s'en offusque.
- La deuxième possibilité d'acquérir la nationalité survient lors de la naissance d'un enfant sur le sol français par le "droit du sol". Si un de ses parents étranger est né en France alors il obtient la nationalité française dès sa naissance. Si ses parents sont nés à l'étranger il doit attendre la majorité pour obtenir de plein droit la nationalité française.
- La troisième possibilité est la naturalisation s'il l'on a vécu au moins cinq ans sur le sol français, mais elle n'est pas délivrée automatiquement.

Les deux notions principales sont donc le sang ou le sol : soit on devient français automatiquement par le sang quelque soit le lieu de naissance, soit on naît sur le territoire et l'on peut devenir français en complément d'autres critères.

La qualité "nationalité française" nous oblige autant qu'elle nous donne des droits : aussitôt français nous devons respecter les lois de l'état français. Nous bénéficions aussi automatiquement des droits assurés par la constitution. La première justification d'un état se trouve dans la nécessité de se regrouper pour unir ses forces et se défendre, ce qu'illustrait il y a peu l'existence d'un service national pour apprendre aux jeunes d'une classe d' âge à défendre leur pays.
Obtenir la nationalité associée à un état implique implicitement de partager la volonté de défendre la nation contre l'ennemi.  A l'inverse on ne devrait pouvoir obtenir ni conserver la nationalité associée à un état si l'on s'engage dans l'armée adverse d'un état en guerre dans le but de tuer des compatriotes. Cela va à l'encontre des idées qui constituent l'état, la nation, le pays.
Dans ce document de l'ONU http://legal.un.org/ilc/documentation/french/a_cn4_66.pdf, au paragraphe 9 on peut voir que de nombreux pays prévoient une déchéance de nationalité en cas d'activités contraires à la sécurité du pays.
On sait par ailleurs que les accords internationaux empêchent de retirer la nationalité d'un individu pour le rendre apatride. Sont donc uniquement visés par les procédures de déchéance de nationalité  les bi-nationaux incriminés de crimes contre l'état, à qui il restera une nationalité si la procédure parvient à son terme.

En France les bi-nationaux peuvent considérer à juste titre que les mesures de déchéances sont discriminatoires à leur égard puisqu' eux seuls sont susceptibles, à crime égal, de se voir retirer leur nationalité française. Ceux qui les défendent le plus vaillamment sont souvent ceux pour qui les mots nation ou état sont des gros mots ou des concepts dépassés qu'il faut démolir et qui refusent toute réflexion sur ce que peut signifier au fond "nationalité française". Mais ils n'échangeraient cette nationalité pour aucune autre.





Deux droits


"Les trois angles sont égaux à deux droits". Théorème ressassé en philosophie. Il s'agit en clair d'énoncer que la somme des angles d'un triangle est égale à deux (angles) droits c'est à dire 180 degrés. Ce théorème , est mainte fois repris pour évoquer l'idée que l'esprit, face à une vérité de cette nature, doit s'incliner nécessairement. Ce jugement est apodictique, nécessaire, il ne peut pas ne pas être. Tous les hommes doivent  accepter cette vérité universelle de l'esprit. Ils peuvent se quereller pour estimer la couleur de cette fleur ou de ces feuilles, selon l'expérience qu'ils en ont, mais pas sur les démonstrations mathématiques.
Les idées "claires et distinctes" de Descartes ou les jugements a priori de Kant, comme les théorèmes mathématiques, ne proviennent pas, pour ces rationalistes, de l'expérience :  ils sont basés sur des capacités innées de notre esprit.

Pourtant angle, ligne, degré sont des mots de la langue. Langue apprise même si l'on affirme comme Chomsky que les structures du langage sont innées.
Aucune "vérité" complexe ne peut s'exprimer hors de la langue, et toute langue entretient un rapport avec la réalité. Les théorèmes mathématiques sont exprimés avec des symboles, une grammaire, un système formel, autant d'éléments partagés et qui ne surgissent pas de façon innée dans l'esprit.  Pour estimer le vrai ou le faux il nous faut donc une proposition, une pensée, dans un certain langage. Mais ce n'est pas la langue qui donne le critère du vrai ou du faux, ce qui nous apparaît comme "vrai" plutôt que "faux" provient bien de l'assentiment  que donne notre esprit à une proposition, un syllogisme ou bien à l'adéquation du concept et de l'objet. Il n'y a rien de faux dans la nature, donc rien de vrai. La vérité n'est pas un phénomène naturel.
Existe-t-il des propositions vraies de toute évidence ?

Le principe de non contradiction, énoncé par Aristote, il est impossible qu’une seule et même chose soit, et tout à la fois ne soit pas... ne se démontre pas rationnellement, il est axiomatique. Par ce principe, par exemple, une même chose ne peut être en même temps blanche et non blanche, ou exister et ne pas exister. Le contraire ne nous est pas concevable, cela heurterait notre sens logique,  et  ne s'accorderait pas avec ce que nous constatons de la réalité. Mais ce que nous constatons de la réalité provient de la manière dont traitons les sensations. Les sensations externes sont le "donné" que notre esprit catégorise a priori, selon Kant, via notre entendement pour produire des concepts se rapportant à la nature. Le monde nous est intelligible uniquement parce que nous lui donnons sens par l'intermédiaire des concepts d'effets et de causes, de permanence,  de possible et d'impossible etc. sans quoi le monde ne serait qu'un chaos de couleurs et de bruits. Autrement dit ce n'est pas la réalité qui nous impose le principe de non contradiction, mais nous sommes "cablés" pour considérer qu'une chose ne peut exister et ne pas exister en même temps, sans quoi aucune expérience ne serait possible. Nous sommes également "cablés" pour étiqueter comme "vraies" ou "fausses" nos pensées par la façon dont nous reconstruisons la réalité.

Pourquoi avons nous besoin des catégories "vrai" et "faux", puisqu'elles n'existent pas dans la réalité ?  Pour l'école pragmatique, la "vérité" exprime le rapport au monde qui  permet d'opérer sur lui utilement, inversement sera catalogué comme "faux" tout processus qui n'arrive pas à la fin visée.
Ainsi William James, philosophe pragmatique, déclare-t-il dans "Le pragmatisme" en 1907:

" Ce qui pour nous serait le meilleur à croire " : voilà qui ressemble assez à une définition de la vérité ! C’est à peu près comme si l’on disait : " Ce que nous devons croire ". Or, dans cette seconde définition personne ne verrait rien d’étrange. Aurions-nous jamais le devoir de ne pas croire ce qui est pour nous le meilleur à croire ? Et pouvons-nous maintenir éternellement séparées la notion de ce qui est pour nous le meilleur et la notion de ce qui est vrai pour nous ?
Non! — répond le pragmatisme; et je réponds de même."





mardi 22 décembre 2015

La cause des attentats


Sujet actuel qui revient souvent dans la presse ou les réseaux sociaux : il y a-t-il des "excuses", que l'on pourrait déduire d'arguments provenant de la sociologie, aux attaques terroristes? Un article du journaliste Xavier Molénat tente d'éclaircir ce débat opposant déterminisme social à libre arbitre. Sachant que les deux camps semblent d'accord pour ne pas évacuer la notion de responsabilité du criminel/terroriste, la finalité du débat serait, du côté du camp "sociologue", d'éviter la reproductibilité de tels phénomènes.
D'un côté, le camp du gouvernement qui se veut responsable de la sécurité des citoyens. Pour lui la question du substrat social n'offre pas de pertinence pour l'action présente dans la mesure où l'urgence porte à nous défendre contre un ennemi qui prend des vies aujourd'hui et maintenant. De l'autre côté, le camp du sociologue pour qui l'engagement de jeunes radicalisés dans les banlieues constitue un fait social et le comprendre donne des indications pour tenter d'infléchir cette situation par la politique.
Nous ne sommes manifestement pas dans le même temps. Il n' y a aucune incompatibilité de vue : la politique doit prendre en charge à la fois la défense des citoyens et leur égalité, mais incompatibilité de calendrier et de moyens. Pour les sociologues la situation des descendants de l'immigration est en question, mais convenons qu'elle ne pourra s'améliorer dans les jours ou semaines à venir, et la recette pour résoudre rapidement tous les problèmes constatés, échec scolaire, ghettoïsation , délinquance, montée de l'islamisme radical, antisémitisme, ne tombe pas du chapeau.

Le problème vient plutôt du vocabulaire et des arguments employés par les sociologues. Dans l'article interviennent des citations du sociologue Bernard Lahire comme : "comprendre est de l'ordre de la connaissance, juger et sanctionner de l'ordre de l'action normative". Nous ne pouvons qu' acquiescer. Puis:
"Dans ces conditions, ceux qui invoquent le libre arbitre face aux déterminismes sociaux « sont un peu comme ceux qui, apprenant l’existence de la loi de la gravitation, feraient reproche aux savants de leur ôter tout espoir de voler en se jetant du sommet d’une montagne…»
Et enfin "en expliquant comment cela peut faire naître des frustrations et du ressentiment qui les rendent sensibles aux discours de haine, les sciences sociales n'absolvent pas les terroristes : elles décrivent des causes."

Placer la sociologie sur le même plan que la physique, identifier la cause "gravitation" à la cause "pauvreté" comme appartenant toutes deux à des lois de la nature qui ont des effets nécessaires, voilà où le bât blesse. Mettez deux individus dans le même milieu, la pauvreté, qui partagent la même culture et la même histoire, ils n'auront pas nécessairement les mêmes choix. Jetez deux pierres en haut d'une tour, elle tomberont, nécessairement. La pierre n'a pas de responsabilité dans sa chute, mais il y a une cause nécessaire : la gravitation et cette expérience est reproductible.  En introduisant la nécessité, Bernard Lahire, nous livre une version de déterminisme absolu qui contredit sa volonté de compréhension par le déterminisme social qui doit inclure la contingence . Pour comprendre il faut également différencier et étudier les trajectoires, bien plus nombreuses, des jeunes issues de milieux identiques qui ne passent pas à l'acte. Xavier Molénat qui titre son dernier chapitre "la haine des causes", procède de même en identifiant "cause" et "cause nécessaire". La pauvreté constitue le milieu favorable dans lequel se propage l'islamisme radical. Mais dans le même milieu on constate aussi l'inverse, des jeunes qui s'en sortent : parler de cause est tout simplement faux.
Dans l'ordre juridique et normatif, l'être irresponsable, le fou ou l'enfant, n'est pas jugé coupable. Si la sociologie appelle "cause" la pauvreté alors elle rend irresponsable les tueurs.




lundi 21 décembre 2015

Star Wars, la gloire des ethers ou la guerre des étoiles ?


Ce qui me gène dans Star wars, c'est le réflexe collectif a priori. Tout le monde sait que le film fera un succès avant même qu'il ne sorte. Autrement dit peu importe le contenu du nouvel épisode à partir du moment où il est conforme au précédent, où il utilise les mêmes ingrédients : l'éther chloro-forme le sens critique. Peu importe même la chronologie de la narration puisque la saga est présentée dans le désordre.
Tout d'abord la guerre. Elle est refoulée au delà des étoiles, dans l'espace, et repoussée dans le temps, dans un lointain futur. Chacun adhère à cette expulsion hors de la terre, hors de l'actualité.
Puis le Mal, sombre, qui sourd dans cet espace parsemé de trous noirs au dessus de nos têtes, annonciateur de dangers hyberboliques. Le Mal est défait systématiquement, par la force du Bien toujours supérieure. Des forces mystérieuses qui peuvent être acquises ésotériquement se (télé)portent soit vers le Bien soit vers le Mal, combat moral dans lequel peuvent se reconnaitre facilement tous les humains.
Nous sommes à cheval entre l'état métaphysique et l'état positif d' Auguste Comte, entre les forces et  la science, entre la psychokinèse et le  laser. Du côté du Mal(e), que des hommes et des êtres étranges, forcément étranges puisqu'ils veulent le Mal. Du côté du Bien, les mêmes en plus sympa, plus les femmes, car elles n'engendrent pas les guerres.
Du merveilleux, de la morale intergalactique, de la science et un affrontement inter-civilationnel loin de chez nous, recette infaillible pour des millions de dollars.

samedi 19 décembre 2015

ceux qui font des actions honteuses et mauvaises...

... le font involontairement. C'est ce qui dit Platon par la bouche de Socrate dans le "Protagoras". Dans l’émission "Le monde selon Michel Onfray" du 19 décembre 2015, on notera l'humilité nécessaire pour accepter un tel titre, le sus-nommé acquiesce à cette thèse de Platon.
"Nous sommes dans une configuration judéo-chrétienne [...] le pêché originel procède de cette liberté, de ce libre arbitre qu'a postulé le judéo-christianisme, puis d'un seul coup on a quelqu'un qui nous dit : mais pas du tout nous ne sommes pas libre[...]" Platon serait donc le premier des philosophes déterministes. Avec ses successeurs, on peut donc en déduire "on ne choisit ni de faire le mal volontairement ni de faire le bien volontairement". Pourtant détracteur du père de la psychanalyse, il va citer à la rescousse Freud et l'inconscient pour appuyer la citation platonicienne
 "Il y a un beau texte de Freud qui répond à un juriste[...] qui dit mais  alors les délinquants ne sont pas responsables ? [...] Freud qui dit effectivement il y a des circonstances atténuantes. " oubliant la moitié de son cerveau contemptrice de Freud qui déclarait auparavant :
"Or cet inconscient est présenté comme une découverte majeure par Freud, mais elle n'est jamais susceptible d'une définition digne de ce nom dans les 6000 pages de l'oeuvre complète... Dès que la raison s'avance, l'inconscient recule."
Un jour Freud a tort, le lendemain il a raison...
"Pendant très longtemps la gauche nous disait si on se retrouve à la barre du tribunal il faut expliquer pourquoi[...]on ne nait pas pédophile on le devient..."
"[...] alors expliquer c'est comprendre et comprendre ce n'est pas justifier"
Pourtant Dilthey montre bien qu'expliquer s'attache à la nature et aux phénomènes physiques, "Nous expliquons la nature, nous comprenons les phénomènes psychiques". Si nous pouvons expliquer, par les causes et les effets "comment" le criminel a commis son acte, cela ne nous donne pas les clefs de la compréhension de ce qui s'est passé dans son esprit, le "pourquoi". Expliquer dépend des sciences de la nature et comprendre dépend des sciences de l'esprit. Expliquer établit une relation objective, comprendre une relation subjective.
Pour expliquer pourquoi un criminel agit il faut d'abord comprendre. 
On retient donc qu'Onfray pense qu'on peut expliquer pourquoi on "devient" pédophile, avant de comprendre ce qui se passe dans l'esprit, et sans nous dire par quelle théorie scientifique, peut être peut-il expliquer comment on devient hétérosexuel ou homosexuel, amoureux ou philosophe, tout cela bien sûr sans l'aide de la psychanalyse qui, comme il le dit, n'est pas une science, ni avec celle de la théorie fumeuse de l’inconscient.
De nouveau Onfray reprend :
"Non le philosophe n'excuse pas tous les actes mais il les explique". Puis appel à Nietzsche et la généalogie : "pourquoi les gens font ce qu'ils font ? pourquoi nous appelons le bien Bien et pourquoi nous appelons le mal , Mal? [...] Le philosophe est par  delà le bien et le mal il est sur la description[...] Sur le concept de barbarie il faudrait s'entendre, les français aussi ont été barbares, tous les peuples l'ont été à un moment donné" 
On note qu'effectivement Onfray se positionne en surplomb, utilise sa raison , méprise les passions, et par un écrasement  du temps et de l'espace égalise tous les barbares dans une grande confraternité universelle.
En effet puisque les français ont été barbares auraient-ils maintenant une raison de se plaindre d'autres barbares ?
"Pour les actes terroristes on peut tomber dans la morale et dire c'est de la barbarie on peut aussi chercher pourquoi les choses ont lieu, comment elle se sont enchainées." 
On note que subrepticement nous avons maintenant le pourquoi avant le comment...  
"Bergson pendant la guerre disait que les allemands étaient des barbares et que nous étions la civilisation. Je pense que c'est le degré zéro de la pensée".  
Un jour écrira-t-il un livre pour déboulonner Bergson, auteur de pensées nulles, qui sait ?
Puisqu'il nous faut raisonner analogiquement pour comprendre Onfray, il établit donc un lien implicite entre Allemagne et Etat Islamique. Nous les appelons barbares simplement parce que ce sont nos ennemis, nous sommes au degré zéro de la pensée si nous affirmons que ce sont des barbares. Si nous ne tombons pas dans la morale et que nous expliquons leur geste, d'après Onfray, alors tout deviendra lumineux: s' ils égorgent, décapitent, brulent vif, violent des femmes esclavagisées, coupent des pieds et des mains, tuent aveuglement des civils attablés ou au concert, ceinturent des enfants d'explosifs, veulent imposer le califat au monde, cela ne s'appelle pas barbarie, cela s'explique et donc il y a des circonstances atténuantes. En fait on connait sa thèse : la france islamophobe bombarde les musulmans qui en retour tuent des français, voilà où mène son effort d'explication. ( cf http://billetgratuit.blogspot.com/2015/11/lemission-salut-les-terriens-ete.html )
Puisqu' Onfray, qui n'a jamais un mot pour les victimes des attentats de Paris, cite Nietzche, il devrait relire "Le Gai Savoir" (333), où ce dernier cite la fameuse phrase de Spinoza "non ridere, non lugere, neque detestari, sed intelligere ..." pour problématiser ce qu'est la connaissance. Selon Nietzsche "Intelligere", comprendre, ne peut surgir sans une lutte au tréfond de soi où se mène la bataille des passions. A trop se détacher des passions, on ne comprend plus rien. Il suffit pourtant pour comprendre les attentats de Paris de lire la revendication : "Paris capitale des abominations et de la perversion, celle qui porte la bannière de la croix".





vendredi 18 décembre 2015

Pourquoi la justice ?


Pourquoi avons nous besoin de justice ? Avant d'essayer de définir ce qu'elle est, tentons d'identifier dans quelles occurrences intervient le concept de justice. 
La notion de justice apparaît de concert avec celle de désaccord, de conflit. On demande justice à partir d'une insatisfaction, d'un affront, d'un sentiment de rancoeur. Ce besoin de justice attend en retour une restitution à un état antérieur, une correction qui mette fin au conflit. Nous assistons aujourd'hui à des questions conflictuelles comme accueillir ou ne pas accueillir des réfugiés, augmenter ou non les impôts, interdire ou non le voile, et chacun pense avoir la justice pour soi.
Mais comment la définir ? Pour Aristote dans "Aristote à Nicomaque" la justice est une vertu naturelle et comme toute vertu, doit suivre une progression vers le Bien. Il distingue justice distributive, basée sur le mérite, des charges et postes dans la cité, et justice commutative, des biens et des compensations, basée sur l'équité. Mais Pascal, constatant que l'expression de la justice en différent lieux et différentes époques exprime tellement de différences, pense qu'elle ne peut être vertu partagée naturellement. Aussi dit il dans les "Pensées" :
On la verrait plantée par tous les États du monde et dans tous les temps, au lieu qu’on ne voit rien de juste ou d’injuste qui ne change de qualité en changeant de climat, trois degrés d’élévation du pôle renversent toute la jurisprudence. Un méridien décide de la vérité, en peu d’années de possession les lois fondamentales changent. Le droit a ses époques, l’entrée de Saturne au Lion nous marque l’origine d’un tel crime. Plaisante justice qu’une rivière borne ! Vérité au‑deçà des Pyrénées, erreur au‑delà.
Il pense plutôt qu'une chose "juste" se trouve être simplement un état de fait imposé devenu une coutume. Rien n'est juste en soi, l'assentiment vient de la considération habituelle portée sur l'objet.  Par exemple pendant des siècles a été considérée comme juste la dissymétrie des tâches dans le couple, alors que nous l'estimons aujourd'hui injuste. Il distingue trois "ordres" de justice, qui n'interfèrent pas, l'ordre du corps, l'ordre de l'esprit, et l'ordre de la charité ( ou de Dieu). Ne pas respecter ces ordres c'est commettre une injustice. C'est soit de la tyrannie , comme vouloir se faire aimer par force, ou du ridicule, comme accepter une théorie scientifique par amour du chercheur.

Pour d'autres la justice est une convention. Thomas Hobbes dans "Le Leviathan" explique qu'il n'y a pas de justice dans la nature, que tout est permis par le droit naturel qui est la liberté de tout faire pour sa propre conservation. Seule la loi délimite ce qu'on doit faire et ce qu'on ne doit pas faire, et ce qui est juste et injuste. Il faut donc un accord contractuel pour délimiter l'obligation. C'est aussi bien plus tard la position de John Rawls dans "Theory of justice", qui considère que l'on doit d'abord s'accorder par contrat sur ce qui est juste, avant de pouvoir connaître ce qui est bien ou mal, en d'autres termes c'est la justice qui fonde la morale. Car comment pouvons nous dire que nous allons vers le Bien si nous ne savons pas ce qui est juste ? ou que nous faisons le bien si nous commettons des injustices ?
S'opposent donc les théories naturelles et artificielles ou contractuelles de la  justice. 

Mais d'autres oppositions créent des tensions dans l'idée de justice. Chez les contractualistes pour certains les lois sont portées par la raison, pour d'autres elles sont le fruit d'un affrontement des intérêts, une négociation. Dans les théories naturelles de la justice on trouve les religions. Les religions révélées sont porteuses d'une morale, et définissent à la fois ce qui est bien et ce qui est juste. Elles viennent par l'autorité d'un Dieu, donc par la force. "Et ainsi ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste." dit Pascal. Elles prescrivent donc par la coutume, non par la loi civile ou pénale comme fruit d'un vote. Face à une situation donnée qui le questionne sur la justice, le croyant a donc un corpus de règles religieuses, les lois de Dieu, qui lui permet de subsumer  les faits sous la bonne règle, ce qui lui donnera la réponse juste. En particulier tout ce qui ira à l'encontre de sa coutume religieuse apparaîtra comme injuste, indépendamment de la raison invoquée. Le contractualiste pourra se reposer à la fois sur sa raison, sur la loi et sur la jurisprudence, qui sont évolutives contrairement aux textes révélés.
 Nous connaissons donc des tensions inévitables entre ceux pour qui la justice provient de la coutume, qu'ils doivent respecter, et ceux pour qui elle provient de la loi, assise sur la raison ou sur une négociation des intérêts, ou encore entre ceux pour qui c'est une vertu naturelle, basée sur l'équité. Ainsi la justice censée résoudre les conflits en suscite-t-elle aussi sur son essence.

jeudi 17 décembre 2015

L'intégrisme catholique


La religion catholique, poursuivant les hérétiques, fut responsable de l'Inquisition, tribunaux qui poursuivaient et condamnaient à mort ceux qui ne respectaient pas le dogme ou dont les conduites n'étaient pas admises. Le catholicisme a engendré les croisades et voulu convertir par la force. On voit le chemin parcouru puisque l'église catholique admet maintenant la laïcité, c'est à dire la liberté de conscience et la séparation de l'église et de l'état.
Cependant un retour de cet esprit dogmatique réapparaît via la politique puisque qu'un parti véhicule la parole des catholiques traditionalistes : le front national. Marion Le Pen, si elle est élue un jour supprimera les subventions au planning familial, par conséquent rajoutera un peu plus de malheur à ceux qui sont dans le malheur et un peu plus d'obscurantisme pour ceux qui cherchent une information sur la sexualité. Les plannings familiaux sont des espaces d'information sur la sexualité. L'information permet au libre arbitre de s'exercer, inversement supprimer ce  droit affaiblit les libertés. La philosophie des Lumières, qui éclaire les consciences, permet à chacun d'utiliser sa raison pour déterminer sa vie. "Sapere aude" , ose savoir, sera la maxime qu'en déduira Kant dans "Qu'est ce que les lumières". Ose savoir s'oppose  à la conception rigide des traditionalistes qui revendiquent une messe en latin, bien obscure, et justement ne préfèrent rien savoir. Ils contestent la science qui remet en question leur dogme, comme la théorie de l'évolution de Charles Darwin.
On ne sait pas si la famille Le Pen interdira un jour la vente des préservatifs, ce qui aurait pour conséquence une élévation du nombre des grossesses non désirées, des IST et du sida, mais nous savons que les traditionalistes, et nombre de catholiques non traditionalistes, sont contre l'usage du préservatif.
Son but consiste donc bien à vouloir changer nos mœurs et prescrire des conduites à l'opposé des conquêtes sociales du siècle précédent, en particulier la libéralisation des corps et de leurs désirs et l'éveil des consciences individuelles.
"Qui n'a pas vibré au sacre de Reims ?" déclare-t-elle, nostalgique d'un passé où le pouvoir spirituel se mêlait au pouvoir temporel. J'avoue que cela n'enclenche pas le plus petit soupçon de vibration chez moi. Voudrait-elle que l'église catholique l'adoube présidente de la région PACA ? Voudrait-elle supprimer la loi de 1905 sur la laïcité pour imposer la religion catholique à l'école ?
"Chez nous on ne vit pas en djellaba": Elle a pourtant fait des études de droit. Chez nous il est permis de vivre en djellaba et de porter le voile, sauf à l'école pour des raisons très précises ( http://billetgratuit.blogspot.fr/2015/12/le-voile-islamique.html ). Elle prend ses désirs pour des réalités, elle utilise le sentiment d'insécurité culturel grandissant pour rejeter complètement une culture. S'il est vrai que nos valeurs sont remises en question par l'islamisme intégriste, il est aussi vrai que le catholicisme intégriste les menace. Nous devons lutter contre l'un et contre l'autre.



mercredi 16 décembre 2015

Le voile islamique

Claude Lévi-Strauss est perçu comme l'un des auteurs fondamentaux du structuralisme et comme l'ethnologue père d'ouvrages aussi connus que "Tristes tropiques", "La pensée sauvage", ou "Race et histoire" dans lequel il vide purement et simplement de concept de race de toute pertinence. Il apparait comme un protecteur des cultures primitives par rapport à l'universalisme revendiqué de la culture scientifique occidentale. Pourtant, à le lire de plus près, il ne défend aucunement un relativisme culturel total.

"La plupart des peuples primitifs se désignent eux mêmes d'un nom qui signifie 'les vrais', 'les bons', 'les excellents', ou bien tout simplement les 'hommes' ; et ils appliquent aux autres des qualificatifs qui leur dénient la condition humaine , comme 'singe de terre' ou 'oeufs de pou' [...] Mais on connait aussi une autre attitude qui est complémentaire de la précédente plutôt qu'elle ne la contredit, et selon laquelle l'étranger jouit du prestige de l'exotisme et incarne la chance, offerte par sa présence, d'élargir ses liens sociaux."

Les deux attitudes primitives décrites par Levi-Strauss dans "Race et culture" en 1971 pour une conférence de l'Unesco n'ont pas disparu à notre époque et nous constatons en France aujourd'hui un moyen terme entre un rejet complet de l'étranger et une volonté affirmée d'accueil. Serait ce du à la crainte de la fin annoncée d'un monde ?

"j'ai souligné à plusieurs reprises que la fusion progressive de populations  jusqu'alors séparées par la distance géographique, ainsi que les barrières linguistiques et culturelles, marquait la fin d'un monde qui fut celui des hommes pendant des centaines de millénaires quand ils vivaient en petit groupes séparés durablement séparés les uns des autres et qui évoluaient chacun de façon différentes[...]"

Face à la marche vers une civilisation mondiale, il lance une mise en garde :

"Sans doute nous berçons nous du rêve que l'égalité et la fraternité règneront un jour entre les hommes sans que soit compromise leur diversité. Mais si l'humanité ne se résigne pas à devenir la consommatrice stérile des seules valeurs qu'elle a su créer dans le passé, capable seulement de donner le jour à des ouvrages bâtards, à des inventions grossières et puériles, elle devra réapprendre que toute création véritable implique une certaine surdité à l'appel d'autres valeurs, pouvant aller jusqu'à leur refus sinon même à leur négation [...] La voie où les hommes sont présentement engagés accumule des tensions telles que les haines raciales offrent un bien pauvre image du régime d'intolérance exacerbé qui risque de de s'instaurer demain, sans même que les différences ethniques doivent lui servir de prétexte".

Levy-Strauss est encore plus explicite dans  "Le regard éloigné"  rédigé en 1983, dans lequel il affirme qu'il ne faut pas confondre racisme et l'établissement de valeurs entre cultures.

"En second lieu je m'insurgeais contre l'abus de langage par lequel, de plus en plus, on en vient à confondre le racisme défini au sens strict et des attitudes normales, légitimes mêmes, et en tout cas inévitables. Le racisme est une doctrine qui prétend voir dans les caractères intellectuels et moraux attribués à un ensemble d'individus, de quelque façon dont on le définisse, l'effet nécessaire d'un commun patrimoine nécessaire. On ne saurait ranger sous la même rubrique ou imputer automatiquement au même préjugé l'attitude d'individus ou de groupes que leur fidélité à certaines valeurs rend partiellement insensibles à d'autres valeurs. Il n'est nullement coupable de placer une manière de vivre et de penser au dessus de toutes les autres , et d'éprouver peu d'attirance envers tels ou tels dont le genre de vie, respectable en lui même, s'éloigne par trop de celui auquel on est traditionnellement attaché. Cette incommunicabilité relative n'autorise certes pas à opprimer ou détruire les valeurs qu'on rejette ou leurs représentants, mais, maintenue dans ces limites, elle n'a rien de révoltant. Elle peut même représenter le prix à payer pour que les systèmes de valeurs de chaque famille spirituelle ou de chaque communauté se conservent, et trouvent dans leur propre fonds les ressources nécessaires à leur renouvellement
"

Ainsi on peut légitimement préférer sa culture à celle des talibans où la femme reste recluse dans un costume dans lequel elle est prisonnière, ou de l'inde dans laquelle les castes doivent respecter l'endogamie, ce n'est pas racisme mais incompatibilité culturelle.
 Dans notre culture traditionnelle, les femmes portaient un couvre-chef ou étaient voilées, dans les champs, à l'église, ou au cimetière. Puis la femme, libérant son visage et ses cheveux devint aussi libre que l'homme et pu montrer sa chevelure, puis ses bras et ses jambes. C'est ainsi que nous élevons nos enfants, perpétuant cette évolution. La beauté du visage et des cheveux féminins ou masculins restent ainsi à la vue de tous et toutes. Dans d'autres culture, les cheveux ou le visage des femmes doivent être cachés à la concupiscence des mâles par un voile, comme chez certains musulmans et comme chez tous les musulmans intégristes. Les femmes, vues uniquement sous l'angle de la convoitise sexuelle, sont séparées du monde des hommes. Le voile porte donc symboliquement et effectivement la marque de ce qu'on peut considérer à l'aune de notre culture comme une oppression des hommes sur les femmes ou en tout cas d'une conception des rapports homme/homme que nous contestons, opposée à nos valeurs d'égalité et de fraternité, et de relations homme femme ouvertes, que nous devons transmettre. Je me souviens avoir du couvrir mon short par un pantalon, en Grèce, lors de la visite d'un monastère orthodoxe, ou bien d'ôter mes chaussures lors de l'entrée dans une mosquée, la simple réciproque doit s'appliquer quand on entre à l'école: enlever les symboles religieux.
Les états unis, qui ont fortement réagi négativement lors du vote de la loi de 2004 sur l'interdiction du voile, de la kippa et de la croix à l'école, signes ostensibles pouvant être assimilés à du prosélytisme, sont en passe de sélectionner le candidat républicain Donald Trump, milliardaire demandant d'interdire purement et simplement l'entrée des mulsulmans sur le sol américain. Les pourcentages de vote pour Trump ont augmenté après ses déclarations.
L'interdiction du voile à l'école primaire et secondaire, qui n'a rien à voir avec le racisme, se base sur une affirmation de nos valeurs républicaines tout en ne refusant à aucun membre d'aucun culte d'entrer dans l'école. Interdire l'entrée du territoire à la totalité des membres d'une religion est incommensurable et procède d'une déclaration de guerre à une civilisation.

mardi 15 décembre 2015

La main invisible aujourd'hui



Auteur de la "Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations" en 1776, Adam Smith écrit dans le chapitre II intitulé "Du principe qui donne lieu à la division du travail":
"Donnez moi ce dont j'ai besoin et vous aurez de moi ce dont vous aurez besoin vous même".
"Ce n'est pas de la bienveillance du boucher du marchand de bière et du boulanger, que nous attendons notre dîner, mais bien du soin qu'ils portent à leur intérêt".
Chaque individu poursuit son intérêt, augmentant par là la richesse globale et le bonheur de tous, comme si une "main invisible", un principe caché, transformait l'intérêt individuel en intérêt collectif. De nos jours cette main invisible a des doigts paralysés par la faiblesse de la demande.
Aujourd'hui une deuxième "main invisible" porte un nouveau principe. En poursuivant son intérêt, le consommateur qui achète son article au meilleur prix ne dépend pas de la bienveillance du fabricant à lui proposer des coûts les plus bas possibles, mais de l'intérêt que celui-ci porte à vendre plus en augmentant la productivité face à la concurrence. Cette loi d'airain s'applique de plus en plus universellement. La nouvelle main invisible, vêtue d'un gant d'acier , remplace les emplois humains par des machines qui fabriquent souvent mieux, plus vite et moins cher, elle partitionne notre société : ceux qui ont un emploi et ceux qui n'en ont pas. Ceux qui peuvent acheter sont placés devant un impératif catégorique : tu n'es que si tu as. Le marketing se charge de déployer de nouveaux "besoins" pour ceux qui ont déjà tout. Les autres ne peuvent qu'espérer retrouver cette consommation effrénée pour "être", le bonheur ne consistant, pour une part, qu'à l'accroissement des richesses, comme l'explique Daniel Cohen dans "La prospérité du vice".

Jeremy Rifkin a écrit "La fin du travail" il y a 19 ans, en 1996. Il y énonce l'hypothèse que nous vivons un bouleversement fondamental : la destruction inexorable du travail productif humain,  le corps et le cerveau étant remplacés par des machines. Dans la préface, Michel Rocard suggère de dépasser la démonstration inductive de Rifkin constituée de quantité d'exemples, pour une démarche plus scientifique à l'aide d'un programme de recueil de statistiques par branche sous l'égide de l'INSEE. Pourtant Rocard avoue que "Le problème est moins ici de confirmer le diagnostic pour les experts qui s'y sont largement ralliés que de le rendre irréfutable pour en convaincre enfin les puissances publiques et l'opinion toute entière...". Il rappelle que Keynes entrevoyait lui aussi la fin du travail.
Si Alfred Sauvy avait mis en évidence après guerre le phénomène de "déversement", par lequel les travailleurs privés d'emploi dans une branche vieillissante retrouvaient une activité dans une nouvelle branche, comme les agriculteurs éliminés par la mécanisation en retrouvèrent dans les industries naissantes, il est certain pour Rocard et Rifkin que ce déversement n'opère plus.
Par ailleurs la demande reste et restera structurellement insuffisante, pour l'instant surtout en occident, pour absorber la production démultipliée par l'automatisation. Le volume de sans emploi augmentant, la demande s'infléchit d'avantage, induisant un cercle vicieux de production de chômage. 
Aujourd'hui si certains pays s'en tirent mieux que d'autres : l'Asie, l'Angleterre, l'Allemagne c'est parce qu'il bénéficient au détriment des autres d'un meilleur ratio de productivité, soit par de très bas salaires, soit par une très grande flexibilité mais une précarité accrue, soit qu'ils fabriquent les machines pour le reste du monde. La Chine commence à voir sa croissance diminuer à cause d'une demande mondiale insuffisante.
Ne reste pour Rifkin que deux possibilités : la réduction massive du temps de travail d'une part dans une période transitoire et d'autre part un nouveau contrat social fondé sur la vie associative et l'économie solidaire en complément du marché.
Pour Rocard il y a une relation certaine et directe entre chômage et délinquance, celui ci met donc en péril nos sociétés par un délitement du lien social.

La seule réponse des politiques, gauche et droite, au chômage endémique, consiste à vouloir "retrouver" la croissance, généralement en relançant l'offre, donc la production automatisée, j'oublie volontairement les dinosaures qui pensent au grand soir ou au retour au franc et à la préférence nationale. Nous voyons donc bien qu'aujourd'hui le clivage politique fondamental s'énonce moins entre droite et gauche, qu'entre ceux qui pensent qu'on peut "déverser", au sens de Sauvy, les chômeurs sur de nouveaux emplois au moyen d'une nouvelle croissance et ceux qui imaginent de nouvelles formes sociales en dehors de la sphère marchande, prenant acte de cette nouvelle main invisible implacable qui provoque l'exclusion et la délinquance. Cette nouvelle société pose des questions fondamentales énoncées par Rocard, qu'on aimerait voir 19 ans après réapparaitre dans le débat public, une fois qu'on aura admis le chômage comme structurel :
Faut il lier les  les revenus de substitution à la pratique d'une activité sociale non marchande ? Faut il conditionner ces revenus à la pratique d'activités socialement utiles ? Peut on financer ces revenus par un prélèvement sur la production automatisée qui ne nuise pas au dynamisme du système productif lui-même ?
Cette idée de Keynes puis de Rifkin commence à faire son chemin. Daniel Cohen, économiste pose lui aussi la question d'une vie sans la croissance dans "Le monde est clos et le désir infini".
Michel http://www.blogblog.com/dots/bg_post_title.gif Main Invisible

lundi 14 décembre 2015

Le choucas Tchok


Konrad Lorenz, fameux éthologue , a mis en évidence le phénomène d'imprégnation ou "empreinte". Lorsque des oiseaux sont élevés non pas par leurs congénères mais par une autre espèce, ils effectuent un transfert et leurs instincts relationnels s'applique à cette espèce. Il raconte par exemple en 1927 l'histoire de la femelle choucas "Tchok" qui était tombé amoureuse de la femme de ménage de Lorenz et la prenait pour un choucas mâle. Lorenz lui était l'objet de l'affection d'un choucas mâle qui essayait de le faire rentrer dans un nid de 20cm, ce que l'on peut trouver risible, les animaux sont si stupides !
Si l'on pouvait lire un livre écrit par un éthologue choucas, on y trouverait que l'homme se distingue dans le règne animal comme une espèce étrange. Très souvent il invite un animal à partager sa vie, comme un chien,  à loger dans sa maison ou son appartement. Il lui fournit sa nourriture, ses jouets, le soigne avec des médicaments, l'emmène chez le docteur ou chez le coiffeur, l'embrasse , quelquefois dort dans le même lit, lui met des vêtements et lui parle comme à un humain. Ses sentiments d'amour sont tels pour son animal que s'il meure il lui élève une sépulture. Bref il le traite comme un véritable humain. Notre éthologue choucas trouvera une mine d'information le confortant dans cette hypothèse, par exemple le site du chihuahua où il pourra lire cette formule fusionnelle : "Si vous avez froid, votre chihuahua aura froid, si vous avez chaud, il aura chaud".
Notre éthologue choucas aura des éléments pour développer une théorie sur l'imprégnation...

Le vote peut il etre moral ?



Le Mercredi 9 décembre 2015, Mélenchon déclarait à France-Info: "le vote front national est un vote immoral", à la suite de Sarkozy qui lui annonçait précédemment que le "vote front national n'a rien d'immoral".
De la politique nous avons glissé vers la morale, le bien et le mal.
Pour Kant ces domaines sont essentiellement différents: le politique marque l'hétéronomie de la raison, la morale son autonomie. Le politique caractérise le social et ses règles donc ce qui s'impose, la morale la liberté de l'individu à choisir les lois morales qu'il s'applique.  Nous pourrions donc dans une première approche penser que la morale n'a rien à voir avec le politique.
Mais cela n'empêche pas pour Kant l'Etat, dans la définition des lois, de viser le bien des citoyens, puisque les lois s'imposent aux individus, donc d'agir comme être moral. Inversement pour Machiavel le Prince peut être amené parfois à user, pour affirmer son pouvoir, sans lequel il n'est pas de politique durable, des moyens que nous qualifions d'immoraux: violence, mensonge. Donc la morale intervient finalement dans le politique.
Mais pour les utilitaristes comme Jeremy Bentham, le Bien n'est pas un objectif statique, mais dynamique, il résulte du calcul d'utilité de chacun: cette action doit elle m'apporter du bonheur ou du malheur ? Il découle de l'addition de ces choix individuels qu'une action est morale lorsqu'elle apporte en conséquence le plus grand bonheur au plus grand nombre, quitte à sacrifier des minorités.
Celui qui vote en fonction de ce qu'il pense être l'intérêt maximisé de la société, en bon utilitariste, ne fait pas obligatoirement le même choix que celui qui vote conformément à la volonté générale (pour Rousseau l'idée de volonté générale se confond avec celle d'intérêt commun), possiblement contre son intérêt particulier. Ni le même choix que celui qui suit un impératif catégorique Kantien par exemple éliminer le candidat en faveur de l'IVG, parce que c'est conforme à son idée de la vie.
Chaque organisation poursuit pourtant un objectif moral de son point de vue.
Chaque parti politique véhicule une vision du bien et du mal, des moyens d'arriver au premier en rejetant le second. La divergence entre ces visions ou ces moyens inaugure précisément l'existence de partis politiques. Connaissons nous un parti ou une organisation politique qui déclare: "nous voulons faire le mal" ? Chaque parti se fonde sur l'une ou l'autre de ces idées : "nous n'avons pas la même vision du bien commun que vous" ou bien "vous n'arriverez pas au bien commun par ces moyens". Qui peut décider s'il détient la définition absolue du bien commun ? L'amérique a combattu "l'axe du mal" affirmant agir pour le bien, en dehors de toute autorisation de l'ONU. Il n'y a pas unanimité sur la définition du "mal" et du "bien" au niveau international et nous retrouvons cette fracture à l'intérieur des états. La loi n'est-elle pas l'émanation de la convergence face à cette divergence sur la définition du bien commun ?

Voter exprime par définition un acte légal. La loi ne prescrit pas de voter pour le bien ou le mal, mais de choisir parmi une liste de représentants. Les partis qui se présentent sont par définition autorisés et légaux. Il est vrai qu' un acte légal peut être immoral mais le syllogisme : je vote pour untel , untel commet une action immorale donc j'ai commis un vote immoral, est faux. Si effectivement, comme l'explique Hobbes dans "le Leviathan", chacun est "auteur" des actes de la personne qui le représente, alors le votant en tant que personne est auteur d'une action immorale, celle du représentant. Ce n'est pas le vote, acte formel et légal, qui est immoral, c'est l'action exécutée par le représentant et son "auteur". Par ailleurs l'action ne sera immorale que pour le point de vue moral de son adversaire, car nous avons vu que les utilitaristes n'ont pas la même morale que les Kantiens par exemple. Si je considère que le vote de mon voisin est immoral, alors c'est une action morale de l'empêcher d'effectuer cette action immorale: le vote. Si son parti remporte les élections, alors c'est une action morale de ne pas reconnaitre l'élection comme valide. Nous voyons bien que si nous mêlons morale et vote nous pouvons aller jusqu'à remettre en cause la démocratie et la loi.

Le vote repose très souvent sur des critères non raisonnables mais passionnels. L'électeur agit légalement souvent en égoïste, en suiveur de tradition familiales, ou plus généralement affectivement: par amour pour un candidat ou pour voter comme son(sa) conjoint(e). Il ignore très souvent les propositions des candidats.
En ce sens il est totalement immoral de faire dépendre la vie des autres, qui sera influencée par le choix du vote, de son ignorance, de ses sentiments pour des proches, ou du visage des candidats. Sera aussi immoral celui qui vote pour son strict intérêt sans considérer l'intérêt commun, en égoïste pur, ceci pour toute morale.
Nous sommes en direction de ce que Condorcet appelait "la dictature des imbéciles", d'une démocratie dévoyée où la moitié des électeurs ne se déplacent pas, et beaucoup dans l'autre moitié sont des moutons de Panurge.
Oui l'électeur est souvent immoral parce qu'il n'utilise pas sa raison mais vote passionnellement.






samedi 5 décembre 2015

non ridere, non lugere, neque desterari, sed intelligere


Spinoza dans le paragraphe IV de l'introduction du "tractatus politicus", traité politique paru en 1677, se propose , en s'intéressant à la politique de déduire certains principes du genre humain en accord avec l'expérience. Il se garde de vouloir inventer de nouvelles formes de gouvernement, sa démarche serait plutôt d'analyser les faits, les comportements, les différentes sortes de gouvernement pour en découvrir les lois. Pour cela il s'engage à considérer les actions des hommes d'une façon distanciée, neutre, comme on regarde les expressions mathématiques : littéralement sans rire, sans pleurer, sans haïr, mais avec la volonté de comprendre avant tout. Autrement dit en se détachant des passions qui brouillent la vue et faussent l'observation.
Spinoza avait lu le "Leviathan" publié en 1651 dans lequel Thomas Hobbes avait initié cette démarche d'appliquer à la politique les principes de démonstration géométrique. Pour Hobbes un raisonnement est un calcul et la science la connaissance des conséquences ou la recherche des causes. il faut tout d'abord découvrir les propriétés de l'objet étudié, pour pouvoir comprendre comment l'engendrer. Par exemple un cercle possède un rayon et un centre, pour engendrer un cercle tourner autour du centre avec le rayon, pour comprendre comment s'engendre l'état il faut donc découvrir ses propriétés. Spinoza reprend cette démarche "mathématique" appliquée à la philosophie dans l'Ethique, qu'il présente à l'aide de théorèmes et de scolies. Mais avant Hobbes c'est Galilée , qu'il avait rencontré, qui prétendait dans l'Essayeur ( 1623) que l'univers est un livre écrit en langage mathématique, avec des caractères composés de figures géométriques.
Beaucoup plus tard, Nietzsche dans "Le Gai Savoir" (333), cite Spinoza "non ridere ..." pour problématiser ce qu'est la connaissance. Selon lui "Intelligere", comprendre, ne peut surgir sans une lutte au tréfond de soi où se mène la bataille des passions.
Nietzsche préfigure un inconscient déterminant pour le processus qui amène à connaitre, la "raison" étant elle-même influencée par l'inconscient.
Freud confirmera l'influence de l'inconscient dans les processus psychiques.
Il n'empêche que prendre de la distance, ne pas pleurer, ne pas haïr,  reste nécessaire par rapport à l'actualité pour essayer de comprendre les phénomènes politiques. Cette nécessité échappe de fait aux dirigeants qui doivent réagir vite pour protéger les populations, et ne vivent pas dans un temps propice à l'analyse.

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vendredi 4 décembre 2015

Radicalité


Le terme "nihiliste" , popularisé dans "Père et fils" de Tourgueniev en 1862, est porté par le personnage de Bazarov. L'horizon du nihiliste ( de nihil en latin qui signifie : "rien") se limite à la destruction de tout. Rien ne doit être conservé des valeurs pourries de ce monde sauf la science. Ce radicalisme n'est pas inspiré de la religion, qu'il rejette comme le reste. "Un nihiliste, c’est un homme qui ne s’incline devant aucune autorité, qui ne fait d’aucun principe un article de foi, quel que soit le respect dont ce principe est auréolé"... "A l’époque actuelle, ce qu’il y a de plus utile c’est la négation."
Héritier de ce courant, Nicolas Netchaiev, auteur du " Catéchisme du révolutionnaire" en 1868, est un nihiliste russe adepte du terrorisme comme moyen d'arriver à la révolution, l'horizon du nihiliste se déplace puisqu'il poursuit un but constructif: l'avènement d'une société nouvelle. L'organisation Narodnaïa Volia, organisation qui mettra plus tard les idées de Netchaïev en pratique, assassinera le tsar Alexandre II en 1881.
Sans doute ont ils lu Nicolaï Tchernychevski, auteur du roman "Que faire" en 1862, roman féministe, qui met en scène un "homme nouveau". Un atelier de couture appliquant l'idée coopérative de Robert Owen 1 est crée par Vera Pavlovna, préfigure un avenir transformé et lumineux. Sa lecture chamboulera Lénine qui voudra appliquer les idées communistes au monde entier par une révolution mondiale.
Peut on trouver des points communs entre les djihadistes de 2015 de Daesh et les nihilistes de 1860 ou les bolchéviks de 1912 ? Certainement assez peu, hormis le désir de changer de société par des moyens ultra violents, la religion portant les uns et abhorrée par les autres. Cependant ils expriment tous la permanence dans toute société d'une certaine radicalité portée par l'espoir d'un monde nouveau, d'un changement de condition. Le meurtre barbare: décapiter sa victime, la brûler vive, lapider, n'était pas prôné par les activistes russes. En revanche, le monde religieux, par l'inquisition, s'est rendu coupable de crimes semblables, contre ceux qu'elle estimait renier la foi catholique : bûchers, supplices etc. Accéder à ces crimes permis par le discours religieux constitue une sorte de vanne ouverte pour tout réservoir de haine.
La radicalité, telle le torrent gonflé par l'orage, emprunte tous les chemins par où elle se déverse le plus furieusement. L’effondrement des idéologies politiques matérialistes libératrices du début du siècle, l'absence de spiritualité d'une vie consumériste, remettent en selle, en réaction, le sentiment religieux comme  horizon pour changer sa vie.

Michel http://www.blogblog.com/dots/bg_post_title.gif Radicalité

Déchéance de nationalité

Etat des lieux complet sur les lois de déchéance de nationalité pour les pays de l'ONU: http://legal.un.org/ilc/documentation/french/a_cn4_66.pdf
 Michel http://www.blogblog.com/dots/bg_post_title.gif Pourquoi la guerre

mardi 1 décembre 2015

Pourquoi la guerre ?

Partout dans le monde s'est imposé l'Etat, comme institution qui règle la vie en communauté et garantit la sécurité intérieure et extérieure. La naissance de l'Etat n'a pas éliminé les conflits entre les hommes, elle a rendu ces conflits entre états plus puissants, plus meurtriers. La puissance de l'Etat est constitutive pour Hobbes et Max Weber lui attribue le monopole de la violence légale. Comment s'étonner de retrouver cette violence à l'extérieur de l'Etat quand l'homme est considéré violent par nature, comme chez Plaute: "l'homme est un loup pour l'homme", chez Hobbes : "c'est la guerre de tous contre tous" ou  chez Pascal: "tous les hommes se haissent naturellement l'un l'autre", chez Spinoza "les hommes sont donc ennemis par nature". Même si l'homme n'est pas mauvais par nature chez Rousseau, il le devient en société qui altère sa perfection naturelle et le rend esclave de ses désirs et son amour propre qui attisent les conflits.
Le désir de puissance supplémentaire donc de conquête a fondé l'histoire des guerres bien avant l'existence de l'état moderne. Il se traduit aujourd'hui par le partage des terres de la planète: aucun territoire n'est plus en possession d' un état, seul l'océan reste à partager, et le cosmos.  On assiste malgré tout encore à quelques soubressauts : Palestine, ex Yougoslavie, Soudan, Crimée. Dans cette histoire du partage, des alliances ont vu le jour:  de même que la puissance de l'Etat démultiplie la puissance de chacun, s'allier militairement à d'autres états permet d'être plus puissant encore. Ainsi se sont crées pendant la seconde guerre mondiale, les forces de l'axe ou celle des alliés, puis l'OTAN ou les forces du pacte de varsovie. Les alliances économiques déterminent aujourd'hui largement les alliances militaires. Ainsi la coalition qui défendit le Koweit pendant la guerre du golfe se rassembla sur des bases légales du droit international, qui garantit les frontières reconnues, mais avec une motivation économique claire : personne ne voulait voir déstabilisé le commerce du pétrole mondial
Appartenir à une alliance militaire ou économique implique des devoirs envers ses alliés mais pas une obéissance absolue. Ne pas la respecter attire des conséquences : lorsque la France refusa de rejoindre la coalition lors de la seconde guerre d'Irak suite aux mensonges des Etats Unis devant l'ONU elle fut la victime d'un "french bashing" dans les pays anglo saxons qui altéra ses revenus à l'export ou dans le tourisme intérieur et détériora ses relations avec eux pour longtemps. Il s'agit donc en s'alliant : d'une part de garantir le commerce et la paix - garante du commerce - mais d'autre part de ne pas perdre son âme en s'inféodant à la politique d'autres états poursuivant leurs intérêts propres.
Chaque état n'intervient pas dans chaque conflit de la planète, mais favorise ses intérêts. Les menaces pour le commerce sont un déterminant majeur mais pas le seul. Affirmer sa puissance en cas de menace, défendre ses ressortissants à l'étranger, protéger les civils d'un génocide sont des motivations qui peuvent amener un état à des interventions militaires, sans oublier les motifs religieux, la mégalomanie d'un dictateur ou l'armée agissant pour son propre compte. Parfois  plusieurs de ces intérêts sont mêlés comme pour l'intervention de la France au Mali qui appelait à l'aide.

Pour réduire la possibilité de guerre, chacun état suivant ses intérêts, des organisations internationales ont vu le jour : la société des nations puis l'ONU.
Le droit international constitue donc la seule barrière et le seul moyen d'éviter ou de tempérer les conflits, puisqu'il se base sur un accord de ses membres pour prendre ses décisions( Il est vrai qu'il est contestable de confier à cinq pays le rôle de membre permanent) Ainsi il n'est pas plus de justice dans l'état de nature, comme l'affirme Hobbes dans le Leviathan, qu'il n'est de guerre juste hors du champ du droit international. La justice n'apparait que par la loi, et la liberté dans le silence de la loi. Carl Schmitt remarque à propos un retour à la notion de "guerre juste" par l'avènement d'institutions inter-étatique. Pour autant n'il y a t il pas de notion de Bien ou du Mal qui détermine l'action des états ? Chaque état affirme agir dans le cadre de ses valeurs, qu'il estime universelles, mais souvent les valeurs, comme les intérêts, sont contradictoires. Le Bien pour la France, n'est pas le Bien pour Daesh ( qui n'est qu'un proto état), ou le Bien pour la Russie, "l'axe du mal" pour les Etats-unis n'est pas celui de la France. Il y a donc une morale qui s'applique à chaque individu et chaque culture, que chaque état ne peut ignorer, mais pas de morale universelle. La seule référence qui établi le juste est donc la loi, internationale en l'occurence.

 Le monde devient un champ de Lego ou faire tomber une pièce engendre de nombreuses conséquence pour le village mondial il est clair que la destruction de l'Irak par les Etats-unis a entrainé la destabilisation de toute la région, la chute du Mali aurait engendré un retour au moyen âge pour toute cette région, une menace sur l'approvisionnement d'uranium et de nouveaux conflits. Un homme libre doit pouvoir agir pour maîtriser sa vie, de même doit se comporter un état à l'international pour gérer au mieux ses intérêts. Ne rien faire pour empêcher Daesh d'établir un califat en Irak et en Syrie serait une erreur lourde qui pourrait mettre à feu et à sang tout le moyen Orient et déclencher une guerre mondiale. Il ne s'agit pas d'une guerre "juste" mais d'une guerre motivée par des raisons d'ordre géopolitique. Tenter de négocier diplomatiquement avec Daesh serait une stupidité dans laquelle aucun état s'est lancé.

Michel http://www.blogblog.com/dots/bg_post_title.gif Pourquoi la guerre


lundi 30 novembre 2015

Bien fait pour vous

Le 14 Novembre, lendemain des attentats du 13 Novembre 2015, Michel Onfray lance sur twitter :
"Droite et gauche qui ont internationalement semé la guerre contre l'islam politique récoltent nationalement la guerre de l'islam politique."
Fouad Ali Saleh fut organisateur du réseau responsable de 14 morts lors des attentats à Paris durant l'année 1986.  Il est né à Paris, et a suivi des études à l'université de Qom en Iran. Après son arrestation il dit : " « La forteresse de l'islam est l'Iran. Votre pays, en aidant l'Irak, combat l'Iran, c'est donc un ennemi. Notre principal objectif est de ramener la France à la raison par des actions violentes. »"
 Lors de son procès il déclare : "Il faut mener la guerre sainte pour purifier la Terre de la puanteur judéo-chrétienne". "Quatorze millions d’enfants sont morts cette année à cause de l’Occident". Il est aussi précis qu'Onfray dans ses décomptes.  Les deux ennemis de ce français sont donc les mécréants d'une part et l'occident d'autre part. Le discours islamiste ne variera pas beaucoup depuis.
L' ayatollah Khomeini prépara en 1979 la révolution islamique depuis Neauphle le château en France, sa gratitude envers la France pour cette période ne sautera pas aux yeux.
Il souhaitait généraliser la révolution islamique, ce qui déclencha en partie la guerre Iran-Irak. Si Michel Onfray fait référence à l'Islam politique, il doit y inclure sans aucun doute l'Iran.
- La France aurait "semé" la guerre. L'histoire réfute totalement ce point de vue : le conflit Iran-Irak s'est déclenché indépendamment de la France.
S'il est vrai que la France dans ce conflit approvisionna l'Irak en armement, il faut se rappeler que l'Irak est un pays de confession musulmane et qu'il était soutenu par les états arabes. Se déterminer politiquement pour ou contre ce soutien sont des positions politiques librement défendables. En revanche prétendre que ce soutien participait d'une politique islamophobe, comme le propage partout Onfray est donc un non sens, sauf à penser qu'avoir pour alliés des mulsulmans définit une politique islamophobe.
- Si les attentats de 1986 sont une "réponse" à ce soutien, Michel Onfray y voit donc la "récolte" en retour de la guerre sur notre sol. D'un côté un conflit classique entre militaires de deux armées, de l'autre côté des promeneurs du dimanche dans les magasins, dont MAMADALI Amil et TAHIRALI Moktar 1
d'un côté des professionnels de la guerre, de l'autre des civils tués en aveugle,  voici la "récolte" symétrique qu'Onfray n'analyse pas mettant tout sur le même plan. Les déclarations de Saleh démontrent sa haine basée sur son intégrisme religieux, intégrisme porté par Khomeini, que l'on retrouvera dans la propagande haineuse de Ahmadinejad, qui qualifiera la shoa de "mythe".

Il est intéressant de remarquer cette dualité persistante depuis 1986 dans l'argumentation des islamistes :
- vous nous agressez
- vous représentez les croisés et vous devez vous convertir ou disparaitre
Autrement dit une seule de ces deux raisons suffit à massacrer des innocents sur notre sol. Autant les attentats de Janvier pouvaient apparaitre comme une "réaction" contre les dessinateurs, les juifs, les militaires et appartenir au premier argumentaire, autant ceux de Novembre appartiennent au second, la revendication de Daesh déclarant avoir "pris pour cible la capitale des abominations et de la perversion, celle qui porte la bannière de la croix en Europe, Paris"
Autrement dit Onfray en déclarant la France islamophobe inverse la réalité, cf 2 , c'est l'islamisme radical, comme il le proclame, qui veux éradiquer le judéo-christianisme.
N'étant pas à une contradiction près il parle d' "une guerre des civilisations" où l'oumma ( la communauté musulmane) s'érige contre l'occident décadent. Dans la première selon lui, nous trouvons des gens près à mourir, dans le second des pleurs et des bougies ( émission "salut les terriens du 28 Novembre 2015"). Ainsi il promeut l'amalgame entre islam et islamisme, en déclarant d'ailleurs dans la même émission qu'il reconnait cette différence, et tance l'occident consumériste pour son manque de réaction "on n'est pas prêt à mourir pour son Iphone", alors que toujours dans la même émission il se prétend favorable à une action diplomatique pour règler les conflits.
En résumé Onfray est en totale confusion mentale.


Michel http://www.blogblog.com/dots/bg_post_title.gif Bien fait pour vous