lundi 28 décembre 2015

il y a état de guerre, mais guère d'état

Lorsque la ministre de la justice annonce le contraire de ce que dit le président de la république, lorsque le premier ministre laisse filtrer lui aussi l'idée d'un abandon du projet de déchéance de nationalité, puis enfin le président lui-même se déjuge puis se ravise, l'état n'en sort pas renforcé. Ces hésitations semblent portées par des considérations politiciennes, elles esquivent le débat de fond. Comment faut-il traiter les ennemis ? Voilà une des questions principales. Mais elle en amène aussitôt une seconde : un français qui tue d'autres français peut il être appelé ennemi ? puis une troisième : qu'est ce que l'appartenance à une communauté ?

Lorsqu'en guerre des ennemis sont tués, personne ne met en avant la loi du 9 octobre 1981 qui abroge la peine de mort, ni la loi sur la légitime défense qui rend pénalement irresponsable. Pourquoi ?
Parce que l'état possède le monopole de la violence légitime comme l'explique Max Weber dans "le savant et le politique". Hobbes montre aussi bien avant Weber, dans le Leviathan, que l'état se crée pour agglomérer toutes les puissances individuelles dans une nouvelle et formidable puissance, addition de toutes. Son bras armé doit être capable d'amener chacun au respect : à l'extérieur pour la défense du territoire, à l'intérieur pour la bonne exécution des lois.
Ainsi la foule, les yeux dessillés, soudainement reconnaissante, frémissante et tremblante,  applaudit-elle les policiers et fraternise-t-elle avec eux le 11 Janvier, tout à coup émerveillée par l'état, comme le petit enfant se réfugie, lorsqu'il est effrayé, dans les bras de ses parents qui le protègent. Il y a peu elle trépignait et vilipendait les force de l'ordre au service de l'état bourgeois.
Lorsque le GIGN, tue les frères Kouachi le 9 Janvier, lorsque le RAID tue en même temps Coulibaly, et qu'il abat des terroristes le 13 et 18 Novembre , personne ne critique l'état, car tout le monde comprend qu'un autre "état" attaque la France.
Tuer oui, déchoir non. La foule accepte que des ennemis français, terroristes, soit tués par l'état français, mais en toute incohérence refuse de leur ôter leur nationalité, comme si la vie n'était pas un bien plus précieux. Ou plutôt, elle n'accepte pas qu'ils soient des ennemis, puisque français. 

Qu'est ce que l'appartenance à une communauté politique ? L'appartenance fait partie des biens, mais elle constitue un bien particulier, puisque tous les membres de la communauté possèdent ce bien par définition. (Sphere of justice, Michael Walzer, chap. 2) . Elle suppose l'adhésion aux valeurs de cette communauté, le respect des liens qui l'unisse et une compréhension partagée de ce que sont les biens et leurs mécanismes de distribution. L'appartenance ne vient pas de critères génétiques, elle n'est pas attachée au corps. Si les enfants des membres en héritent, c'est moins par filiation que par nécessité de régénération. Le meilleur moyen de faire persévérer la communauté et ses valeurs c'est de profiter d'une "tabula rasa", pour y imprimer le sceau du lien communautaire qui existe chez les parents. Inversement si un des membres de la communauté prend pour objectif la destruction de celle ci et la disparition de ses membres, tout en adhérant à une autre communauté ennemie alors l'individu rompt le contrat social, de la manière la plus forte qui soit. Il ne remplit plus les critères d'appartenance, il ne peut plus faire partie de la communauté politique.


Mais quand l'état est faible, quand les membres de la communauté ne reconnaissent plus l'état comme la puissance de chacun, quand la nation n'est plus un concept ressenti comme positif mais comme un danger pour les libertés individuelles alors le sentiment collectif s’évanouit, et l'ennemi devient l'état.

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