mercredi 16 décembre 2015

Le voile islamique

Claude Lévi-Strauss est perçu comme l'un des auteurs fondamentaux du structuralisme et comme l'ethnologue père d'ouvrages aussi connus que "Tristes tropiques", "La pensée sauvage", ou "Race et histoire" dans lequel il vide purement et simplement de concept de race de toute pertinence. Il apparait comme un protecteur des cultures primitives par rapport à l'universalisme revendiqué de la culture scientifique occidentale. Pourtant, à le lire de plus près, il ne défend aucunement un relativisme culturel total.

"La plupart des peuples primitifs se désignent eux mêmes d'un nom qui signifie 'les vrais', 'les bons', 'les excellents', ou bien tout simplement les 'hommes' ; et ils appliquent aux autres des qualificatifs qui leur dénient la condition humaine , comme 'singe de terre' ou 'oeufs de pou' [...] Mais on connait aussi une autre attitude qui est complémentaire de la précédente plutôt qu'elle ne la contredit, et selon laquelle l'étranger jouit du prestige de l'exotisme et incarne la chance, offerte par sa présence, d'élargir ses liens sociaux."

Les deux attitudes primitives décrites par Levi-Strauss dans "Race et culture" en 1971 pour une conférence de l'Unesco n'ont pas disparu à notre époque et nous constatons en France aujourd'hui un moyen terme entre un rejet complet de l'étranger et une volonté affirmée d'accueil. Serait ce du à la crainte de la fin annoncée d'un monde ?

"j'ai souligné à plusieurs reprises que la fusion progressive de populations  jusqu'alors séparées par la distance géographique, ainsi que les barrières linguistiques et culturelles, marquait la fin d'un monde qui fut celui des hommes pendant des centaines de millénaires quand ils vivaient en petit groupes séparés durablement séparés les uns des autres et qui évoluaient chacun de façon différentes[...]"

Face à la marche vers une civilisation mondiale, il lance une mise en garde :

"Sans doute nous berçons nous du rêve que l'égalité et la fraternité règneront un jour entre les hommes sans que soit compromise leur diversité. Mais si l'humanité ne se résigne pas à devenir la consommatrice stérile des seules valeurs qu'elle a su créer dans le passé, capable seulement de donner le jour à des ouvrages bâtards, à des inventions grossières et puériles, elle devra réapprendre que toute création véritable implique une certaine surdité à l'appel d'autres valeurs, pouvant aller jusqu'à leur refus sinon même à leur négation [...] La voie où les hommes sont présentement engagés accumule des tensions telles que les haines raciales offrent un bien pauvre image du régime d'intolérance exacerbé qui risque de de s'instaurer demain, sans même que les différences ethniques doivent lui servir de prétexte".

Levy-Strauss est encore plus explicite dans  "Le regard éloigné"  rédigé en 1983, dans lequel il affirme qu'il ne faut pas confondre racisme et l'établissement de valeurs entre cultures.

"En second lieu je m'insurgeais contre l'abus de langage par lequel, de plus en plus, on en vient à confondre le racisme défini au sens strict et des attitudes normales, légitimes mêmes, et en tout cas inévitables. Le racisme est une doctrine qui prétend voir dans les caractères intellectuels et moraux attribués à un ensemble d'individus, de quelque façon dont on le définisse, l'effet nécessaire d'un commun patrimoine nécessaire. On ne saurait ranger sous la même rubrique ou imputer automatiquement au même préjugé l'attitude d'individus ou de groupes que leur fidélité à certaines valeurs rend partiellement insensibles à d'autres valeurs. Il n'est nullement coupable de placer une manière de vivre et de penser au dessus de toutes les autres , et d'éprouver peu d'attirance envers tels ou tels dont le genre de vie, respectable en lui même, s'éloigne par trop de celui auquel on est traditionnellement attaché. Cette incommunicabilité relative n'autorise certes pas à opprimer ou détruire les valeurs qu'on rejette ou leurs représentants, mais, maintenue dans ces limites, elle n'a rien de révoltant. Elle peut même représenter le prix à payer pour que les systèmes de valeurs de chaque famille spirituelle ou de chaque communauté se conservent, et trouvent dans leur propre fonds les ressources nécessaires à leur renouvellement
"

Ainsi on peut légitimement préférer sa culture à celle des talibans où la femme reste recluse dans un costume dans lequel elle est prisonnière, ou de l'inde dans laquelle les castes doivent respecter l'endogamie, ce n'est pas racisme mais incompatibilité culturelle.
 Dans notre culture traditionnelle, les femmes portaient un couvre-chef ou étaient voilées, dans les champs, à l'église, ou au cimetière. Puis la femme, libérant son visage et ses cheveux devint aussi libre que l'homme et pu montrer sa chevelure, puis ses bras et ses jambes. C'est ainsi que nous élevons nos enfants, perpétuant cette évolution. La beauté du visage et des cheveux féminins ou masculins restent ainsi à la vue de tous et toutes. Dans d'autres culture, les cheveux ou le visage des femmes doivent être cachés à la concupiscence des mâles par un voile, comme chez certains musulmans et comme chez tous les musulmans intégristes. Les femmes, vues uniquement sous l'angle de la convoitise sexuelle, sont séparées du monde des hommes. Le voile porte donc symboliquement et effectivement la marque de ce qu'on peut considérer à l'aune de notre culture comme une oppression des hommes sur les femmes ou en tout cas d'une conception des rapports homme/homme que nous contestons, opposée à nos valeurs d'égalité et de fraternité, et de relations homme femme ouvertes, que nous devons transmettre. Je me souviens avoir du couvrir mon short par un pantalon, en Grèce, lors de la visite d'un monastère orthodoxe, ou bien d'ôter mes chaussures lors de l'entrée dans une mosquée, la simple réciproque doit s'appliquer quand on entre à l'école: enlever les symboles religieux.
Les états unis, qui ont fortement réagi négativement lors du vote de la loi de 2004 sur l'interdiction du voile, de la kippa et de la croix à l'école, signes ostensibles pouvant être assimilés à du prosélytisme, sont en passe de sélectionner le candidat républicain Donald Trump, milliardaire demandant d'interdire purement et simplement l'entrée des mulsulmans sur le sol américain. Les pourcentages de vote pour Trump ont augmenté après ses déclarations.
L'interdiction du voile à l'école primaire et secondaire, qui n'a rien à voir avec le racisme, se base sur une affirmation de nos valeurs républicaines tout en ne refusant à aucun membre d'aucun culte d'entrer dans l'école. Interdire l'entrée du territoire à la totalité des membres d'une religion est incommensurable et procède d'une déclaration de guerre à une civilisation.

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