mardi 22 décembre 2015

La cause des attentats


Sujet actuel qui revient souvent dans la presse ou les réseaux sociaux : il y a-t-il des "excuses", que l'on pourrait déduire d'arguments provenant de la sociologie, aux attaques terroristes? Un article du journaliste Xavier Molénat tente d'éclaircir ce débat opposant déterminisme social à libre arbitre. Sachant que les deux camps semblent d'accord pour ne pas évacuer la notion de responsabilité du criminel/terroriste, la finalité du débat serait, du côté du camp "sociologue", d'éviter la reproductibilité de tels phénomènes.
D'un côté, le camp du gouvernement qui se veut responsable de la sécurité des citoyens. Pour lui la question du substrat social n'offre pas de pertinence pour l'action présente dans la mesure où l'urgence porte à nous défendre contre un ennemi qui prend des vies aujourd'hui et maintenant. De l'autre côté, le camp du sociologue pour qui l'engagement de jeunes radicalisés dans les banlieues constitue un fait social et le comprendre donne des indications pour tenter d'infléchir cette situation par la politique.
Nous ne sommes manifestement pas dans le même temps. Il n' y a aucune incompatibilité de vue : la politique doit prendre en charge à la fois la défense des citoyens et leur égalité, mais incompatibilité de calendrier et de moyens. Pour les sociologues la situation des descendants de l'immigration est en question, mais convenons qu'elle ne pourra s'améliorer dans les jours ou semaines à venir, et la recette pour résoudre rapidement tous les problèmes constatés, échec scolaire, ghettoïsation , délinquance, montée de l'islamisme radical, antisémitisme, ne tombe pas du chapeau.

Le problème vient plutôt du vocabulaire et des arguments employés par les sociologues. Dans l'article interviennent des citations du sociologue Bernard Lahire comme : "comprendre est de l'ordre de la connaissance, juger et sanctionner de l'ordre de l'action normative". Nous ne pouvons qu' acquiescer. Puis:
"Dans ces conditions, ceux qui invoquent le libre arbitre face aux déterminismes sociaux « sont un peu comme ceux qui, apprenant l’existence de la loi de la gravitation, feraient reproche aux savants de leur ôter tout espoir de voler en se jetant du sommet d’une montagne…»
Et enfin "en expliquant comment cela peut faire naître des frustrations et du ressentiment qui les rendent sensibles aux discours de haine, les sciences sociales n'absolvent pas les terroristes : elles décrivent des causes."

Placer la sociologie sur le même plan que la physique, identifier la cause "gravitation" à la cause "pauvreté" comme appartenant toutes deux à des lois de la nature qui ont des effets nécessaires, voilà où le bât blesse. Mettez deux individus dans le même milieu, la pauvreté, qui partagent la même culture et la même histoire, ils n'auront pas nécessairement les mêmes choix. Jetez deux pierres en haut d'une tour, elle tomberont, nécessairement. La pierre n'a pas de responsabilité dans sa chute, mais il y a une cause nécessaire : la gravitation et cette expérience est reproductible.  En introduisant la nécessité, Bernard Lahire, nous livre une version de déterminisme absolu qui contredit sa volonté de compréhension par le déterminisme social qui doit inclure la contingence . Pour comprendre il faut également différencier et étudier les trajectoires, bien plus nombreuses, des jeunes issues de milieux identiques qui ne passent pas à l'acte. Xavier Molénat qui titre son dernier chapitre "la haine des causes", procède de même en identifiant "cause" et "cause nécessaire". La pauvreté constitue le milieu favorable dans lequel se propage l'islamisme radical. Mais dans le même milieu on constate aussi l'inverse, des jeunes qui s'en sortent : parler de cause est tout simplement faux.
Dans l'ordre juridique et normatif, l'être irresponsable, le fou ou l'enfant, n'est pas jugé coupable. Si la sociologie appelle "cause" la pauvreté alors elle rend irresponsable les tueurs.




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