samedi 5 décembre 2015

non ridere, non lugere, neque desterari, sed intelligere


Spinoza dans le paragraphe IV de l'introduction du "tractatus politicus", traité politique paru en 1677, se propose , en s'intéressant à la politique de déduire certains principes du genre humain en accord avec l'expérience. Il se garde de vouloir inventer de nouvelles formes de gouvernement, sa démarche serait plutôt d'analyser les faits, les comportements, les différentes sortes de gouvernement pour en découvrir les lois. Pour cela il s'engage à considérer les actions des hommes d'une façon distanciée, neutre, comme on regarde les expressions mathématiques : littéralement sans rire, sans pleurer, sans haïr, mais avec la volonté de comprendre avant tout. Autrement dit en se détachant des passions qui brouillent la vue et faussent l'observation.
Spinoza avait lu le "Leviathan" publié en 1651 dans lequel Thomas Hobbes avait initié cette démarche d'appliquer à la politique les principes de démonstration géométrique. Pour Hobbes un raisonnement est un calcul et la science la connaissance des conséquences ou la recherche des causes. il faut tout d'abord découvrir les propriétés de l'objet étudié, pour pouvoir comprendre comment l'engendrer. Par exemple un cercle possède un rayon et un centre, pour engendrer un cercle tourner autour du centre avec le rayon, pour comprendre comment s'engendre l'état il faut donc découvrir ses propriétés. Spinoza reprend cette démarche "mathématique" appliquée à la philosophie dans l'Ethique, qu'il présente à l'aide de théorèmes et de scolies. Mais avant Hobbes c'est Galilée , qu'il avait rencontré, qui prétendait dans l'Essayeur ( 1623) que l'univers est un livre écrit en langage mathématique, avec des caractères composés de figures géométriques.
Beaucoup plus tard, Nietzsche dans "Le Gai Savoir" (333), cite Spinoza "non ridere ..." pour problématiser ce qu'est la connaissance. Selon lui "Intelligere", comprendre, ne peut surgir sans une lutte au tréfond de soi où se mène la bataille des passions.
Nietzsche préfigure un inconscient déterminant pour le processus qui amène à connaitre, la "raison" étant elle-même influencée par l'inconscient.
Freud confirmera l'influence de l'inconscient dans les processus psychiques.
Il n'empêche que prendre de la distance, ne pas pleurer, ne pas haïr,  reste nécessaire par rapport à l'actualité pour essayer de comprendre les phénomènes politiques. Cette nécessité échappe de fait aux dirigeants qui doivent réagir vite pour protéger les populations, et ne vivent pas dans un temps propice à l'analyse.

Michel http://www.blogblog.com/dots/bg_post_title.gif non ridere, non lugere, neque detestari, sed intelligere

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