Quelles sont les prérogatives de l'Etat ? Ses fonctions régaliennes se résument à minima historiquement à assurer la sécurité des citoyens, rendre la justice, et à percevoir l'impôt. Par extension l'Etat doit également avoir pour but la prospérité. Mais tous les Etats moderne se mêlent, plus ou moins, de la question sociale. Dans aucun Etat libéral l'Etat ne se désengage totalement du problème de la pauvreté et de la redistribution. Il y a cependant de forte différences entre "l'Etat providence" et un Etat purement néo-libéral. Car ils ne poursuivent pas la même fin, l'Etat qui repose sur un libéralisme économique "pur" doit être réduit à ses fonctions régaliennes et laisser l'économie soumise à la main invisible. L'Etat providence a pour fin de diminuer les inégalités en même temps qu'il assure les fonctions régaliennes. L'idée d'un revenu universel ne se retrouve pas sous le même concept dans les deux formes d'Etat.
Le revenu universellement versé à la population parait naturellement souhaitable à l'Etat providence pour assurer une rente minimale à tout le monde. Les moins nantis verront leur vie changer beaucoup plus que ceux qui ont déjà une forme de rente ou un patrimoine, donc les inégalités diminuent. Si nous versons dans l'utopie complète, cette rente minimale pourrait devenir un revenu confortable pour tous. Ainsi de multiples tensions sociales pourraient s'effacer et nous pourrions vivre dans une société apaisée, d'où disparaîtraient les problèmes liés au chômage, aux inégalités géographiques de logement, d'éducation, de santé, de transport etc. Mais le budget de l'Etat devrait être renforcé en conséquence, il faudrait bien prendre à Pierre ce qu'on donne à Paul. Dans ce mode de pensée, le problème du financement vient comme une conséquence de l'aspiration à une mesure sociale. La réduction des inégalités est posée comme prémisse et le financement comme conclusion logique.
Pour l'Etat purement libéral, qui souhaite redistribuer le minimum et garantir une liberté individuelle maximale, il s'agit d'estimer comment il est possible de stimuler l'économie dont la demande est atone face à la surproduction. Il faut amorcer la pompe d'une consommation à venir, et estimer si l'enjeu en vaut la chandelle pour l'économie par rapport à la paupérisation comme risque économique et social. Donc le financement de la demande vient comme prémisse et la conclusion doit être une économie vivifiée et le renforcement de la liberté individuelle par une diminution des contraintes de nécessité. Il faut se rappeler le fordisme des années 1950 dans lequel l'enrichissement, relatif, des ouvriers a permis une consommation plus forte, mais par le travail
Mais pour les deux types d'Etat, la question se pose de ce qui fait alors société. Comme Durkheim l'a montré, la division du travail social crée une "solidarité organique" d'où découle un fort lien social. La morale chrétienne, le marxisme, le libéralisme ont tous placé le travail au centre de la vie humaine. Dans notre culture l'oisiveté est immorale : "l'oisiveté est la mère de tous les vices". John Rawls dans sa "théorie de la justice" ne conçoit pas que le surfeur de Malibu puisse recevoir des fonds public. Est ce que constater que le voisin, nourri par la collectivité, rêve sur sa chaise toute la journée alors que vous travaillez dur ne crée par un sentiment d'inégalité ? contribuer d'une manière ou d'une autre à l'utilité collective, lorsqu'on n'y est pas empêché, n'est-il pas la seule façon d'appartenir à une communauté ? N'est ce pas un fantasme totalement individualiste et égoïste de recevoir de tous sans rien donner en retour ? de placer l'individu au centre, quitte à nier ce qui fait une part du social ?
Pour concilier la nécessité de la solidarité organique qui repose sur la division du travail, cause essentielle du lien social, avec l'exigence morale d'assurer un revenu décent pour tous nous devons assurer pour tous un emploi. Ce qu'il nous faut donc définir c'est la notion d'emploi universel. Un emploi garanti quelque part pour tous à tout moment de la vie, qui remplace le chômage, pour les licenciés où les premiers emplois.
Les entreprises existantes depuis un certain laps de temps, suivant leur taille et leurs revenus, devraient assumer un quota de postes pour l'emploi universel, en retour elles seraient exonérées de cotisations chômage. Ainsi au lieu de verser ces cotisations, elles emploieraient ces montants à payer des salariés auxquels il faudrait trouver de nouvelles tâches dont l'utilité compenserait la dépense. Si ces tâches sont impossibles à trouver dans l'entreprise, alors elle devrait prendre en charge la formation du recruté . Les salariés en "emploi universel" devraient jouer le jeu et exécuter les tâches sous peine de se retrouver sans assistance d'Etat. L'orientation du placement devrait être accomplie en fonction des compétences et du secteur d'activité. Le temps de travail devrait être proportionnel au revenu versé et ce dernier fonction du salaire précédent. Personne n'aurait intérêt à prolonger la situation telle quelle, ni l'entreprise parce qu'elle n'a pas demandé ces emplois, ni l'employé parce qu'il espère plus pour vivre. Mais rien n'empêche que ces emplois forcés ne deviennent une forme d'apprentissage ou une façon de mettre le pied à l'étrier et soient transformés en emplois durables.
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