lundi 18 décembre 2017

musique et répétition

La musique met en évidence un quadruple usage de la répétition.
L’usage des sept notes de la gamme en constitue le premier. Tel un alphabet, la suite des notes interprétées puise nécessairement plusieurs fois dans cet ensemble réduit.
Le second se trouve à l’intérieur même du morceau où se répètent des motifs, causes de jouissance renouvelées. Refrain dans la musique populaire, ou thème dans la musique classique ou le jazz, les séquences identiques ou ressemblantes structurent toute partition. Répétition qui identifient le morceau, le refrain ou le thème sont attendus par l’auditeur, comme un moment de vie radoté, et se répète sans surprise lui renouvelant la jouissance d’une habitude dont la monotonie même constitue la recette du plaisir.
Puis vient le le rythme, le tempo, à chaque fois particulier, reproduction perpétuelle d’une séquence courte identifiable, qui est donné comme l’essence même de la répétition . Toute répétition possède un rythme, et tout rythme est fondé par la répétition. Nous aimons tel ou tel style musical simplement sur la base du rythme. Valse, rock, salsa, tango etc. s’identifient immédiatement par leur tempo spécifique.
Le quatrième prend forme à l’occasion des rencontres successives avec le même morceau de musique. Nous prenons plus de plaisir à répéter son écoute, la seconde puis les fois suivantes, qu’à l’entendre pour la première fois. Malgré tout, dès la première rencontre, lorsqu’un air capte notre attention, quelque chose se passe, qui se réitère avec plus de puissance et plus d’émotion lors des occurrences suivantes. Lors de la répétition de chaque écoute, Il y a le plaisir des notes et du rythme qui font vibrer le corps, et donnent du plaisir, mais aussi la joie de retrouver avec certitude une séquence connue, et de mieux en mieux connue au fur et à mesure des répétitions. La séquence musicale, prévisible, se double d’une séquence de réactions internes, prévisible également, appariée aux variations acoustiques, un peu comme si nous prenions le rôle du violon sous l’archet de l’interprétation. Comme la madeleine de Proust, les notes rejouées, comme une éponge qui aspire l’eau que l’on presse plus tard, nous restituent l’indicible état interne qui fut le nôtre lors des premières écoutes.
Ces quatre « pattern » de répétition forment un rituel indéfectible dans tout morceau de musique, uniquement pris en défaut lors d’une improvisation, qui casse le flux des notes attendues. Mais même les plus grands improvisateurs sont incapables d’aligner des suites de notes sans qu’on y découvre des schémas, des modèles répétés, et leurs créations s’insèrent toujours dans un rythme et un thème donnés. Il est d’ailleurs fréquent, lors d’une improvisation, de jouer un court rappel d’un standard très connu. Cette référence à une œuvre fameuse à l’intérieur même de l’inspiration improvisatrice n’a rien à voir avec du plagiat, elle prend la valeur d’ un salut, d’une révérence admirative, et témoigne, elle aussi, d’ un amour de la répétition. L’enregistrement, qui a permis de rendre asynchrone le jeu musical initial et son écoute, ôte à l’improvisation son caractère unique. Par sa reproductibilité technique, le morceau improvisé est recyclé comme une séquence à écouter maintes fois, donc prédictible, qui possédera toutes les caractéristiques décrites plus haut.
Il faut rappeler enfin que lorsque des musiciens s’apprêtent à se produire en concert, ils se réunissent auparavant pour le préparer, ce qu’ils nomment « une répétition ».



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