"Personne n’a jusqu’à présent déterminé quel est le pouvoir du Corps" dit Spinoza dans l'Ethique, partie III, proposition 2. Nous ne savons pas ce que peut le corps. Mais nous savons mieux ce que peuvent aujourd'hui les corps que nous fabriquons, en particulier les robots que nous construisons. Nous sommes passés de l'idée d'ordinateur, simple unité centrale équipée de terminaux rudimentaires, écran et clavier, à celle de robots qui adjoignent à cette unité tout un ensemble d'organes et de capteurs perfectionnés qui dépasse l'humain dans nombre de tâches. Ont ils une âme ?
La sensation
Ces derniers ont la capacité de sentir, c'est à dire de reconnaître et d'évaluer des modifications extérieures et intérieures. Des capteurs leur permette de voir, de toucher, de goûter, de humer, et d'entendre. Quel usage déduisent ils des informations captées ? Celui qui est programmé dans leur cerveau de silicium, programme qui peut changer.
La pensée
Car une des différences fondamentales entre une machine classique et un automate ou un ordinateur, c'est la capacité de ces derniers à exécuter différents programmes, simultanément, et à être reprogrammé. Un ordinateur est une machine virtuelle, il est en puissance toutes les autres machines. En acte il peut devenir un champion d'échec, un calculateur mathématique, un peintre de voiture, un assistant chirurgien, un explorateur de tuyau ou encore reconnaître des adresses postales, des visages, des empreintes digitales, il peut aussi enregistrer et retrouver des milliards et des milliards de données en un temps record, enfin il peut apprendre. Et le même cerveau de silicium peut être programmé pour toutes ces tâches différentes et variées. Si l'être de homme se définit par le fait que son existence précède son essence, comme le dit Sartre, et que son être se résume à ses actes, alors l'être du robot ne contredit pas cette assertion. Le robot est une machine qu'on ne peut essentialiser, il peut devenir n'importe quoi. Il n'est pas matière et forme, rétif à l'hylémorphisme, sa forme est mouvante. Il n'est pas comme une matière attendant sa cause formelle, dont le plan réside dans le cerveau du sculpteur. Le plan des ses actions réside dans son propre cerveau, et il est capable lui même de changer ce plan en fonction des paramètres internes ou externes. D'une certaine façon donc, il pense même s'il ne crée pas encore de concepts. Il est capable d'inférence en logique des prédicats et sait enchaîner des syllogismes. Il peut envisager des fins et adapter des moyens pour y parvenir.
Le mouvement
Les robots sont également pourvus du mouvement. Équipés de bras articulés, de roues, de chenilles, de pattes, de carapace étanche, ou d'ailes dans le cas des drones, ils peuvent se rendre partout où va l'homme mais aussi là où il ne peut se rendre, endroits radioactifs, brûlants, acides etc...
La nutrition
L'homme se nourrit de ce qu'il trouve à l'extérieur de son corps et il respire. Son métabolisme fournit l'énergie dont il a besoin pour persévérer dans son être. Le robot tire son énergie directement de l'électricité d'une batterie, dont il se "nourrit", qu'il saura un jour fabriquer et recharger de façon autonome.
Comparaison
Si nous comparons ces capacités, sensation, mouvement, pensée, nutrition, aux humains, nous voyons que les différences s'amenuisent. Mais il est facile de constater que l'humain, d'une part nécessite un temps d'apprentissage et de formation incommensurable à celui que nécessite un robot qui n'exige que le temps du développement du programme , lequel peut être installé instantanément sans limite de nombre d'instances, c'est à dire sur des milliers de robots. D'autre part l'homme ne peut concourir avec l'ordinateur en rapidité. Ni en vitesse de traitement, ni en vitesse d’exécution de mouvements. L'humain est également battu dans le registre de la force, ses muscles ne rivalisent pas avec un ensemble de vérins surpuissants tels ceux que l'on trouve sur les exosquelettes. Sa mémoire atteint des capacités gigantesques, elle peut être répliquée en un clin d’œil. Dans les limites, étroites aujourd'hui, de sa pensée de robot, il infère des milliers de fois plus vite que l'homme, et peut exécuter ces inférences et ces calculs simultanément dans plusieurs processeurs. Mais alors dans quel registre l'homme se distingue-t-il ? L'humain s'auto-reproduit , mais nul doute que nous verrons bientôt des robots fabriquer d'autres robots. Considérons plutôt Descartes, qui par sa physique mécaniste réduite au mouvement, considérait que le corps de l'animal ou celui de l'homme pouvaient être comparés identiquement à des machines, mais pensait que seul l'homme possédait une âme. Les robots possèdent-ils une âme ?
L'âme
Aristote dans le traité de l'âme en 413
b 10 nous dit: "A présent contentons nous de
dire simplement que l'âme est la source des aptitudes dont nous
venons de parler et de la définir ainsi par l'aptitude nutritive,
sensitive, pensante et par le mouvement." Or si ce que nous dit Aristote est vrai, lui qui pensait l'âme comme la forme du corps, il faut bien convenir que les robots auraient comme une âme, car ils ont le mouvement, une forme de pensée, le sentir et une sorte de nutrition. Or nous voyons bien, la mort dans l'âme si l'on peut dire, qu'un robot ou un ordinateur, ne sont rien d'autre qu'un peu de silicium et d'électricité, matière et énergie. En retour vers Spinoza, il se pourrait bien que l'esprit, ou l'âme, ne soient qu'un fantasme de l'homme qui ne sait pas ce que peut le corps... Mais parallèlement il convient de voir dans le robot intelligent plus qu'un simple objet.
Un robot c'est comme un métier à tisser
On connaît la théorie du déversement d'Alfred Sauvy, ou celle de la destruction créatrice de Schumpeter selon laquelle les machines qui ont remplacé les hommes ont permis de créer de nouvelles activités et de nouveau métiers. On rappelle que chaque nouvelle invention technique majeure a généré une vague de terreur dans le monde du travail. Quand on plaque cet argument sur les automates, ordinateurs, et robots on se plonge dans le problème de l'induction qu'avait si bien décrit David Hume dans son "Enquête sur l'entendement humain". On croit, on espère, que des emplois nouveaux surgiront à la suite de ceux qui sont détruits par l'automatisation généralisée, tout comme on a surmonté l'invention du métier à tisser, exemple tarte à la crème. On identifie le métier à tisser à la robotique pour projeter la même adaptation, ce qui semble le signe d'un certain aveuglement: ils n'appartiennent absolument pas au même monde, seul le premier se réduit à n'être qu'un objet technique. On s'appuie même sur l'expérience, pour élaborer des théories vaseuses : "en Allemagne il y a plus de robots qu'en France et le chômage est plus bas". Et on conclut en comparant le nombre de robots et le nombre d'emplois pourvus en Allemagne, que les robots n'affectent pas le chômage, en généralisant à la planète toute entière, de nouveau par raisonnement inductif erroné. Mais seule cette économie principalement exportatrice, qui capte la demande européenne et mondiale, demande qui n'est pas extensible à l'infini, peut bénéficier de cet effet. Produire plus et plus rapidement n'est soutenable qu'avec une demande capable d'absorber la production. Si vous captez la demande, vous générez du chômage ailleurs. C'est un peu comme si on expliquait que construire des fermes automatisée à mille vaches en Allemagne serait un modèle vertueux pourvoyeur d'emploi dans l'agriculture. La progression des robots en Allemagne pourrait aussi être présentée, mais cela n'est pas fait, comme corrélée à la pauvreté dans ce pays.
On oublie également que le problème posé globalement à nos sociétés ne se cantonne pas aux robots industriels, mais à l'automatisation de la société toute entière. L’avènement de ce nouvel être, le robot, l'automate programmable, qui nous pose des questions métaphysiques, politiques et économiques mérite mieux qu’une pitoyable réflexion menée sur de fausses analogies.
Un robot c'est comme un métier à tisser
On connaît la théorie du déversement d'Alfred Sauvy, ou celle de la destruction créatrice de Schumpeter selon laquelle les machines qui ont remplacé les hommes ont permis de créer de nouvelles activités et de nouveau métiers. On rappelle que chaque nouvelle invention technique majeure a généré une vague de terreur dans le monde du travail. Quand on plaque cet argument sur les automates, ordinateurs, et robots on se plonge dans le problème de l'induction qu'avait si bien décrit David Hume dans son "Enquête sur l'entendement humain". On croit, on espère, que des emplois nouveaux surgiront à la suite de ceux qui sont détruits par l'automatisation généralisée, tout comme on a surmonté l'invention du métier à tisser, exemple tarte à la crème. On identifie le métier à tisser à la robotique pour projeter la même adaptation, ce qui semble le signe d'un certain aveuglement: ils n'appartiennent absolument pas au même monde, seul le premier se réduit à n'être qu'un objet technique. On s'appuie même sur l'expérience, pour élaborer des théories vaseuses : "en Allemagne il y a plus de robots qu'en France et le chômage est plus bas". Et on conclut en comparant le nombre de robots et le nombre d'emplois pourvus en Allemagne, que les robots n'affectent pas le chômage, en généralisant à la planète toute entière, de nouveau par raisonnement inductif erroné. Mais seule cette économie principalement exportatrice, qui capte la demande européenne et mondiale, demande qui n'est pas extensible à l'infini, peut bénéficier de cet effet. Produire plus et plus rapidement n'est soutenable qu'avec une demande capable d'absorber la production. Si vous captez la demande, vous générez du chômage ailleurs. C'est un peu comme si on expliquait que construire des fermes automatisée à mille vaches en Allemagne serait un modèle vertueux pourvoyeur d'emploi dans l'agriculture. La progression des robots en Allemagne pourrait aussi être présentée, mais cela n'est pas fait, comme corrélée à la pauvreté dans ce pays.
On oublie également que le problème posé globalement à nos sociétés ne se cantonne pas aux robots industriels, mais à l'automatisation de la société toute entière. L’avènement de ce nouvel être, le robot, l'automate programmable, qui nous pose des questions métaphysiques, politiques et économiques mérite mieux qu’une pitoyable réflexion menée sur de fausses analogies.
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