Le vote peut il être moral ?


Le Mercredi 9 décembre 2015, Mélenchon déclarait à France-Info: "le vote front national est un vote immoral", à la suite de Sarkozy qui lui annonçait précédemment que le "vote front national n'a rien d'immoral".
De la politique nous avons glissé vers la morale, le bien et le mal.
Pour Kant ces domaines sont essentiellement différents: le politique marque l'hétéronomie de la raison, la morale son autonomie. Le politique caractérise le social et ses règles donc ce qui s'impose, la morale la liberté de l'individu à choisir les lois morales qu'il s'applique.  Nous pourrions donc dans une première approche penser que la morale n'a rien à voir avec le politique.
Mais cela n'empêche pas pour Kant l'Etat, dans la définition des lois, de viser le bien des citoyens, puisque les lois s'imposent aux individus, donc d'agir comme être moral. Inversement pour Machiavel le Prince peut être amené parfois à user, pour affirmer son pouvoir, sans lequel il n'est pas de politique durable, des moyens que nous qualifions d'immoraux: violence, mensonge. Donc la morale intervient finalement dans le politique.
Mais pour les utilitaristes comme Jeremy Bentham, le Bien n'est pas un objectif statique, mais dynamique, il résulte du calcul d'utilité de chacun: cette action doit elle m'apporter du bonheur ou du malheur? Il découle de l'addition de ces choix individuels qu'une action est morale lorsqu'elle apporte en conséquence le plus grand bonheur au plus grand nombre, quitte à sacrifier des minorités.
Celui qui vote en fonction de ce qu'il pense être l'intérêt maximisé de la société, en bon utilitariste, ne fait pas obligatoirement le même choix que celui qui vote conformément à la volonté générale (pour Rousseau l'idée de volonté générale se confond avec celle d'intérêt commun), possiblement contre son intérêt particulier. Ni le même choix que celui qui suit un impératif catégorique Kantien par exemple éliminer le candidat en faveur de l'IVG, parce que c'est conforme à son idée de la vie.
Chaque organisation poursuit pourtant un objectif moral de son point de vue.
Chaque parti politique véhicule une vision du bien et du mal, des moyens d'arriver au premier en rejetant le second. La divergence entre ces visions ou ces moyens inaugure précisément l'existence de partis politiques. Connaissons nous un parti ou une organisation politique qui déclare: "nous voulons faire le mal" ? Chaque parti se fonde sur l'une ou l'autre de ces idées: "nous n'avons pas la même vision du bien commun que vous" ou bien "vous n'arriverez pas au bien commun par ces moyens". Qui peut décider s'il détient la définition absolue du bien commun ? L'amérique a combattu "l'axe du mal" affirmant agir pour le bien, en dehors de toute autorisation de l'ONU. Il n'y a pas unanimité sur la définition du "mal" et du "bien" au niveau international et nous retrouvons cette fracture à l'intérieur des états. La loi n'est-elle pas l'émanation de la convergence face à cette divergence sur la définition du bien commun?

Voter exprime par définition un acte légal. La loi ne prescrit pas de voter pour le bien ou le mal, mais de choisir parmi une liste de représentants. Les partis qui se présentent sont par définition autorisés et légaux. Il est vrai qu' un acte légal peut être immoral mais le syllogisme : je vote pour untel , untel commet une action immorale donc j'ai commis un vote immoral, est faux. Si effectivement, comme l'explique Hobbes dans "le Leviathan", chacun est "auteur" des actes de la personne qui le représente, alors le votant en tant que personne est auteur d'une action immorale, celle du représentant. Ce n'est pas le vote, acte formel et légal, qui est immoral, c'est l'action exécutée par le représentant et son "auteur". Par ailleurs l'action ne sera immorale que pour le point de vue moral de son adversaire, car nous avons vu que les utilitaristes n'ont pas la même morale que les Kantiens par exemple. Si je considère que le vote de mon voisin est immoral, alors c'est une action morale de l'empêcher d'effectuer cette action immorale: le vote. Si son parti remporte les élections, alors c'est une action morale de ne pas reconnaître l'élection comme valide. Nous voyons bien que si nous mêlons morale et vote nous pouvons aller jusqu'à remettre en cause la démocratie et la loi.

Le vote repose très souvent sur des critères non raisonnables mais passionnels. L'électeur agit légalement souvent en égoïste, en suiveur de tradition familiales, ou plus généralement affectivement: par amour pour un candidat ou pour voter comme son(sa) conjoint(e). Il ignore très souvent les propositions des candidats.
En ce sens il est totalement immoral de faire dépendre la vie des autres, qui sera influencée par le choix du vote, de son ignorance, de ses sentiments pour des proches, ou du visage des candidats. Sera aussi immoral celui qui vote pour son strict intérêt sans considérer l'intérêt commun, en égoïste pur, ceci pour toute morale.
Nous sommes en direction d'une démocratie dévoyée où la moitié des électeurs ne se déplacent pas, et beaucoup dans l'autre moitié sont des moutons de Panurge.
Oui l'électeur est souvent immoral parce qu'il n'utilise pas sa raison mais vote passionnellement.






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