Après
le déconfinement la question du risque de contamination revient au
premier plan alors que les français reprennent bientôt le travail et que
leurs enfants peuvent reprendre l'école.
A cet égard, le bilan des professions de santé, le plus lourd, effraie. Comment pouvons nous estimer le risque de reprise d'activité par profession? Par quels critères ?
A cet égard, le bilan des professions de santé, le plus lourd, effraie. Comment pouvons nous estimer le risque de reprise d'activité par profession? Par quels critères ?
Les professions de santé
En France au 21 Avril, 9 médecins sont morts du coronavirus. Des infirmières, cadres de santé, aide-soignants et agents hospitaliers sont aussi décédés. Comme le relève le Monde
connaître le nombre de décès de soignants relève du "parcours du
combattant", à la date du 12 Avril l'APHP dénombre 3800 professionnels
de santé qui "ont été ou sont atteints" par la maladie. Il faut au moins
doubler ce nombre pour avoir une idée de la totalité : selon le Figaro du 10 Avril, Santé Publique France rapporte 6019 cas dans les professions de santé . A l'étranger les nombres sont tout aussi difficiles à trouver, selon le Huffington Post du 25 Mars, 24 médecins seraient morts en Italie.
Par
définition ce risque accru existe pour ces métiers par la confrontation
directe et proche avec les malades du Covid-19. Mais quels risques
doivent affronter les autres professions si elles reprennent le travail ?
La question du risque devient cruciale à un moment de bascule où les
conséquences du confinement sur l'économie dépassent celles de
l'atteinte du virus sur les corps. Le risque dépend de la létalité ( case-fatality ratio), de la sévérité de la maladie lorsqu'elle n'est pas létale, et du taux de reproduction de la maladie le R0, c'est à dire à quelle vitesse elle se propage.
La létalité
Celui
que nous voulons tous éviter, le risque mortel, reste très difficile à
évaluer. Il dépend du taux de létalité, résultat d'une division: au
numérateur le nombre de personnes décédées à cause du coronavirus et au dénominateur le nombre de personnes qui ont été infectées. Seuls
les experts, les épidémiologistes peuvent déterminer à bon droit la
létalité. Mais ni le numérateur, ni le dénominateur ne sont connus
aujourd'hui exactement. Nous connaissons en France assez bien le nombre
de morts par Covid-19,
mais pas le nombre de ceux qui ont été infectées: les personnes sans
symptômes ( toux, fièvre etc.) dites asymptomatiques ne sont pas testées
et ne sont pas dans leur grande majorité pas connues et donc pas
dénombrées. Le dénominateur, le nombre de personnes testées, est donc
sous-évalué ce qui augmente le taux apparent de létalité. Pour ceux qui
ont des difficultés avec les fractions, un exemple imaginaire chiffré le
fait comprendre:
- nombre de personnes décédées: 10
- nombre de personnes infectées( testées) : 100
- taux de létalité : 10/100 *100= 10%
Cela signifie donc que 10% des personnes infectées vont mourir.
Si
en réalité le nombre de personnes qui ont été infectées par le virus
est le double ( simple hypothèse), parce qu'on y ajoute les
asymptomatiques non testés qui ne meurent pas, alors le taux de létalité
est deux fois moindre :
- nombre de personnes décédées: 10
- nombre de personnes infectées
( testées+asymptomatiques) : 100+100 = 200
- taux de létalité : 10/200 * 100= 5%
Ainsi
plus il y a d'asymptomatiques non connus ( non testés) et plus le taux
de létalité diminue. Cela fait comprendre que dans les pays où le test
est répandu massivement le taux de létalité doit être plus faible ( à
démographie comparable), mais aussi qu'on ne connaîtra réellement ce
taux qu'à la fin de la pandémie. D'après l'université John Hopkins qui
agrège les statistiques du monde entier ce taux varie actuellement entre 0.5% et 15%, et variera encore.
Or la peur de ce virus est directement liée au taux de létalité. Si vous attrapez la maladie et que le taux de létalité monte à 100% vous pouvez être terrorisé par la mort certaine, mais s'il est de 0.1 % vous pouvez voir l'avenir avec plus de sérénité.
Or la peur de ce virus est directement liée au taux de létalité. Si vous attrapez la maladie et que le taux de létalité monte à 100% vous pouvez être terrorisé par la mort certaine, mais s'il est de 0.1 % vous pouvez voir l'avenir avec plus de sérénité.
D'autres critères interviennent qui augmentent ou diminuent le taux de létalité et le risque:
- le système de santé
- la pyramide des âges
Malgré
les critiques, il vaut mieux tomber malade en France qu'ailleurs, et
être hospitalisé dans notre pays ne conduit pas à un risque
supplémentaire comparé à d'autre pays. En revanche la létalité est
fonction de la démographie. Un pays plus âgé pourra donc présenter une létalité plus élevée.
Le Dr Fauci,
spécialiste des maladies infectieuses aux Etats-Unis, dans un article
du 26 Mars du "New England journal of medecine" estime la létalité
moyenne réelle dans le monde probablement entre 1 et 2% .
Considérons maintenant la mortalité due au Covid-19 par tranche d'âge.
La mortalité
La
définition du taux de mortalité par Covid-19 peut varier selon qu'on le
rapporte à la population d'un pays entier, à un sous-ensemble ( celui
des malades hospitalisé par exemple) ou bien qu'on le segmente par
tranche d'âge.
Considérons les tranches d'âges. Le taux de mortalité sera défini par
le nombre de morts dans une tranche d'âge divisé par le nombre de morts
total. La mortalité affecte considérablement plus les sujets les plus
âgés, 80% des victimes en France du Sars-Co V2 ont plus de 70 ans
. Il faut bien comprendre que le taux de mortalité défini ainsi est un
rapport où n'intervient que des morts au numérateur et au
dénominateur, alors que la létalité est caractérisée par une comparaison
entre les morts et les infectés.
La
tranche d'âge 60 à 69 ans représente 12% de la mortalité due au
coronavirus, les 50 à 59 comptent pour 5%, 40 à 49 pour 2%, le 20 à 39 à
2%. Les morts parmi la classe d'âge qui travaille (de 20 à 62 ans) représente environ 20% du total.
Il s'agit bien de pourcentage parmi tout ceux qui sont morts du Covid
et non de pourcentage rapporté à la population totale bien heureusement.
Si les séniors meurent plus, relativement, c'est que le virus est plus
dangereux pour leur organisme. Mais ils meurent plus aussi, en absolu,
car dans les EHPAD ils habitent ensemble et se contaminent.
Si
nous croisons la mortalité par âge avec la létalité, estimée à 2% par
Fauci, les morts des contaminés de la classe d'âge qui travaille, représenteraient donc relativement au nombre total
des contaminés , un taux de 2% x 20% soit 4/1000. Notons bien que ces
1000 ne sont pas ceux qui travaillent mais, parmi ceux qui travaillent,
ceux qui âgés de 20 à 62 ans sont contaminés, dont on ne peut en réalité
connaître le nombre absolu par avance.
Mais
là encore, il s'agit d'une approximation concernant le monde du travail
à partir de l'âge, le chiffre doit être apprécié en fonction de la
pyramide d'âge dans chaque profession et du risque de contagion
spécifique à chaque profession. Si l'on confine ensemble des gens du
même âge il est évident qu'il y a un effet de stratification, comme dans
les EHPAD.
Les enseignants
En France dans le premier et le second degré public les enseignants en 2017 sont au nombre de 736 997.
Dans le second degré en 2010 8% des enseignants ont plus de 60 ans et 19%
sont entre 50 et 60 ans. Nous focaliserons notre intérêt sur ces
populations les plus à risque. Soit pour ces deux groupes, si les
pourcentages n'ont pas changé depuis 2010, un total absolu de
736997 x (8+19) /100 = 198989
Comme
nous l'avons vu les plus de 60ans sont dans la tranche d'âge des 12% de
mortalité due au virus, alors que les 50-59 sont la tranche des 5%,
mais évidemment on ne meurt, possiblement, que si on est contaminé. Il
faut donc de nouveau croiser la mortalité avec la létalité. On suppose
que la létalité chez les enseignants est similaire au reste de la
population. La létalité nous donne le taux de morts potentiel, et parmi
celui-ci nous cherchons celui d'une catégorie d'âge spécifique. Chez les
enseignants, comme dans la population, pour ces deux tranches les plus
affectées (12+5=17% ) on obtient théoriquement alors: 2% x 17% =
3,4/1000. Ce qui rapporté au chiffre absolu, en assumant que tous dans
ces tranches soient contaminés, cela donne:
198989 x 3,4/1000 = 676
Un
chiffre énorme. Mais ce chiffre ne donne que le nombre de morts
potentiels si tous sont contaminés, sans protection particulière ni
gestes barrières, avec lesquels on peut diminuer justement drastiquement
la contamination . Si on ne contrôle pas la létalité du virus, tant
qu'on a pas de vaccins ni de médicaments efficaces, il est en revanche
possible de contrôler la contamination donc la mortalité.
A titre indicatif et arbitraire si on projette un ratio de contamination d'une classe sur trois, et une contamination dans ces classes de seulement un enseignant sur trois , grâce aux masques dans ces écoles atteintes, alors le taux précédemment calculé pour cette classe d'âge devient :
2%x17%x 1/3x 1/3 = 0.37 / 1000
soit en absolu
198989 x 0.56 / 1000 = 73
198989 x 0.56 / 1000 = 73
Evidemment si la létalité se révèle égale à 1% au lieu de 2 ce chiffre diminuera de moitié.
Ce
qui représente tout de même une quantité considérable de morts
potentiels, mais moins d' un par département, parmi les enseignants d'un
âge supérieur à 50 ans. Mais en même temps il révèle une probabilité
faible de décès par rapport au nombre d'enseignants.
La transmission à l'école
Il
reste une grande inconnue: alors qu'au début de l'épidémie les enfants
étaient réputés comme étants de grands transmetteurs de la maladie,
aujourd'hui cette analyse semble remise en question. En particulier par une étude du Lancet qui montre que les taux de contamination des 5-14 ans sont très faibles.
Préserver
Comment
alors préserver les populations d'enseignants dans cette incertitude?
Mettre de côté 17% des enseignants n'est pas envisageable dans le
système éducatif vu le nombre déjà élevé d'élèves par classe qu'il faut
de plus restreindre à cause de la distanciation. Il faut alors pouvoir
diminuer les chiffres des hypothèses ci-dessus et faire en sorte que
bien moins d'écoles voient un début de contamination survenir, et fermer
l'école dès la détection d'un positif. Cela implique de tester les
symptomatiques, puis de tester systématiquement tous les autres élèves
de l'école avant de réouvrir. Il faut aussi rendre très difficile la
possibilité de contamination d'un enseignant en classe. Non seulement
pour les préserver du décès mais aussi parce que cette maladie, encore
mal connue, peut laisser des séquelles. La fourniture de masques
efficaces, de visières transparentes et de gants semble un moyen
efficace de les préserver, ainsi que la distanciation physique en classe
ou dans les couloirs. Des plans de circulation, comme l'entrée et la
sortie des élèves séparément de l'enseignant devraient aussi être mis en
place. On comprend que dans cet environnement incertain une reprise
progressive, peut être par département pourrait être riche d'indications
utiles.