Je maîtrise mon corps. Je peux décider de sa position, grossir, maigrir, courir. Mais mon corps pareillement me maîtrise. Le cœur bat , les poumons respirent, les fluides se fabriquent sans que je le décide. Je décide de mes pensées, enchaîne les raisonnements logiques. Mais je ne décide pas de mes rêves ni de pourquoi une pensée me vient à l'esprit. Comme dit Spinoza "Les hommes se croient libres car ils sont conscients de leurs désirs mais ignorant des causes qui les déterminent". Des composants sont à l’œuvre en moi qui me constituent comme un tout.
Mon corps compose un autre corps : la société à laquelle j'appartiens. La nation impose ses lois, culturelles, juridiques, morales. Et tous ses éléments réagissent ensemble, tel un "corps" d'armée dans une guerre, où il faut faire "corps" contre l'ennemi. Si vous n'avez jamais défilé au pas, c'est une expérience remarquable, une éducation à ce nouveau corps collectif.
Et mon esprit participe d'un autre esprit, celui d'un groupe culturel, linguistique en l’occurrence l'esprit français.
L'individu par ses actes ou ses pensées peut apporter des inflexions sur sa conduite propre, sur le comportement du groupe ou de la société. L'inverse est pareillement vrai, dès son plus jeune âge, le petit d'homme voit ses pensées, sa conduite et son langue formatées par la culture, et l'adulte obéit aux lois et aux modes. On retrouve ces deux points de vue chez les sociologues entre le "holisme" et "l'individualisme". Deleuze traduit cette double influence en une maxime simpliste en forme de sens unique: "Être de gauche c’est d’abord penser le monde, puis son pays, puis ses proches, puis soi ; être de droite c’est l’inverse." Mais qu'est ce qu' être humain ? c'est faire partie de l'humanité.
Les nations, les peuples, les groupes constituent les éléments d'une entité plus vaste encore: l'humanité.
L'humanité agit , se nourrit, se reproduit, travaille, conquiert l'espace. A-t-elle un but? est-ce l' Esprit qui la conduit, comme le pensait Hegel, ou est-elle un corps soumis aux nécessité de sa nature comme le pense Spinoza?
Kant a lui coupé la poire en deux. Il estime que notre raison, suprasensible, libre et autonome, ne dépend pas des lois physiques alors que notre corps, sensible, est soumis aux lois de la nature, et donc il est empiriquement conditionné. Il exprime cette pensée dans une phrase très belle mais un peu complexe de la "Critique de la raison pratique", pur exemple de la langue Kantienne :
"La nature sensible d'êtres raisonnables en général est l'existence de ces être sous les lois empiriquement conditionnées, et elle est donc, pour la raison, hétéronomie. La nature suprasensible de ces mêmes êtres est au contraire leur existence d'après des lois indépendantes de toute condition empirique,partant, qui relèvent de l'autonomie de la raison pure."
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