Consultation prise avec le chirurgien, je me rends à l'Hôpital des Diaconesses à Paris. Je me présente à l'accueil, puis j'attends avant d'être admis dans un petit box où l'on me demande ma carte vitale, ma carte de mutuelle, ma carte d'identité. On me demande ensuite d'attendre en consultation un peu plus loin dans le couloir. Quelques minutes après une assistante me reçoit et me demande mes documents médicaux pour les scanner. Retour en salle d'attente pour quelques minutes, puis je vois le chirurgien, décision est prise d'une opération. J'attends de nouveau dans une autre salle, puis l'assistante m'explique alors que l'intervention aura lieu dans un autre hôpital, celui de la Croix Saint Simon avec lequel les Diaconesses forme maintenant un groupe hospitalier. Elle me donne les directives:
- se présenter à la consultation d'anesthésie dans quinze jours
- faire un bilan sanguin à l'hôpital après la consultation
- réserver la chambre après la consultation
Quinze jours après, debout à 6h30, transports, je me présente à la consultation anesthésiste à la Croix Saint Simon. "Bonjour Monsieur, asseyez vous en salle d'attente, j'allume mon ordinateur je vous appelle après". Puis après quelques minutes, "votre nom, votre convocation, voici un numéro, veuillez vous asseoir et répondre quand votre numéro s'affiche. Attente en salle, puis lorsque je reconnais mon numéro, je rejoins le box indiqué. "Bonjour Monsieur, carte vitale, carte de mutuelle, carte d'identité, donnez moi votre dossier". j'obtempère, puis après avoir tapé quelques données, "Veuillez vous asseoir en salle, on va vous rappeler.". J'attends de nouveau, puis mon numéro se réaffiche, je rentre dans un autre box.
- "Bonjour Monsieur, votre nom, votre date de naissance, s'il vous plait, et vos documents, vous n'avez pas amené votre électro cardiogramme ?"
- non
- "alors , veuillez patientez en salle ma collègue va vous faire un électro".
- bien
Quelques minutes plus tard on m'appelle, je m'allonge dans un autre box, en attendant que l'infirmière résolve les problèmes d'ordinateur , "je m'excuse mais le dossier du patient précédent est bloqué", j'attends... bon finalement elle parvient à faire l'examen. Veuillez patienter en salle s'il vous plait... quelque minutes plus tard, l'anesthésiste m'appelle enfin. Consultation classique, puis "faites votre bilan sanguin, allez dans la salle du bas au laboratoire, sans prendre de ticket numéroté".
Je me rends dans l'autre bâtiment demande la salle du labo à quelqu'un qui pousse un chariot, il me répond : "1er étage", ce qui m'étonne puisqu'on m'a indiqué "salle du bas". Au premier, j'attends au laboratoire derrière quelqu'un, puis la personne à l'accueil me dit, "non ce n'est pas ici, descendez au rez de chaussée en face la cafétariat". Effectivement celle ci est indiquée "Salle bas" :-). On m'indique alors le bureau "prélèvements". J'attends de nouveau quelques minutes. "Personne suivante", "carte vitale, carte mutuelle, carte d'identité ". Elle me donne un dossier numéroté : "Allez attendre devant la porte 16 svp. J'attends alors et m'aperçoit que mon numéro n'est pas prêt de passer , je profite de cette attente pour gagner du temps et aller à l'accueil pour réserver la chambre.
J'attends dans la file de l'accueil, puis on me répond "il faut aller aux admissions couloir de gauche , prenez un numéro". Je file aux admissions, là une jeune fille oriente les gens qui arrivent , je lui explique que je dois réserver une chambre mais que j'attends pour un prélèvement, "alors allez faire votre prélèvement vous reviendrez après". Mauvaise pioche.
Je retourne au prélèvement, j'attends encore 15mn, puis c'est mon tour.
-"Alors je vous fais un groupe sanguin et RIA".
- non le groupe sanguin je l'ai fait en labo il y a un mois.
- " ah non monsieur il faut le refaire pour le dossier de l’hôpital"
- mais alors pour chaque hôpital il faut le refaire ?
- "oui c'est comme ça"
Je comprends mieux maintenant les programmes de réduction de déficit de la sécurité sociale. Elle me pique de nouveau deux fois pour le groupe sanguin ( en fait trois fois puisqu'elle n'a pas pu réussir dans le bras gauche). En m'habillant je lui glisse:
- et maintenant encore attente pour la chambre
- "vous n'avez pas fait votre admission" ?
- heu, si enfin, je ne sais pas, je viens de la consultation d'anesthésie. (aux Diaconesses on m'avait dit de faire cette démarche de réservation après la consultation...)
-"alors vous avez vu une secrétaire, ils ont du vous donner une chambre"
- je ne sais on ne m'en a pas parlé...
-"si si retournez y alors"
- merci
Je retourne voir la secrétaire au visage fermé qui m'a reçu avant la consultation.
- rebonjour, on m'a dit qu'il fallait que je réserve une chambre
-" pourquoi, vous n'êtes pas en ambulatoire ?"
- non je dois rester 4 jours.
-" ah je ne peux pas le savoir, ce n'est pas marqué"
- et moi je ne peux pas savoir que vous ne le savez pas... ( elle me regarde de travers pour afficher tant d'impertinence ).
-"donc vous n'êtes pas en ambulatoire"
- non... ( elle tapote sur son clavier)
-"Bon ben voilà c'est fait"
- Mais on m'a dit que je pouvais demander une chambre individuelle
-" Alors il faut signer ce papier, et vous n'êtes pas sûr de l'avoir".
Je m'exécute et signe de bon gré devant tant d'amabilité et de gentillesse. Je reprend le RER en pensant qu'en France nous avons un très bon système de santé, et je plains alors nos voisins européens ou plus lointains qui doivent être plus mal lotis. J'arrive chez moi, il est midi.
lundi 27 février 2017
lundi 6 février 2017
être en forme, mais quelle forme ?
Pourquoi les manipulations génétiques, permises par une technique nommée Crispr-Cas9 posent elle un nouveau problème philosophique ? En quoi cela change-t-il fondamentalement l'idée de Nature ?
Lorsque nous admirons une statue, nous apprécions l'attitude générale, l'équilibre des masses, la finesse des découpes, le geste gracile, l'élancement majestueux, en bref sa forme. La matière qui constitue la Vénus de Milo ou celle de la Victoire de Samothrace pourrait être substituée, ces œuvres resteraient identifiable quel qu'en soit le nouveau substrat. Parallèlement, dans la nature, un pissenlit naissant surplombé de son bouton vert compact se reconnaît aisément. Quand il grandit puis épanouit son éclatante corolle jaune caractéristique pourtant déjà très différente, nous savons qu'il s'agit du même pissenlit dont nous avons observé la forme se développer lentement. L'objet inerte aussi bien que l'organisme vivant possèdent un principe commun qui gouverne leur détermination, quelque chose permettant de les reconnaître de façon certaine: leur forme. La matière seule, indéterminée, n'existe jamais, elle est toujours accompagnée d'une forme. Le bloc de marbre qui engendrera la statue d’Aphrodite, avant d'être taillé, a déjà une certaine forme. Il possède en lui le potentiel d'avoir sa forme modifiée, dans certaines limites. Aristote dans sa "physique" pose cette règle universelle que tout les êtres corporels sont composés de forme et de matière, règle que l'on nommera "hylémorphisme", du grec "hylè" matière et "morphè" forme.
Lorsque la graine de pissenlit sommeille, sa forme recèle en puissance tout son devenir. A la rencontre d'une humidité suffisante et des nutriments adéquats elle pourra générer cette plante, celle-ci et pas une autre, par l'action de la vie se déployant en elle. Toute substance est contrainte par sa forme qui détermine son être depuis la génération jusqu'à la corruption finale. Ainsi chez Aristote la forme n'est elle pas statique mais motrice du changement, du mouvement de la vie. Elle n'est pas seulement l'apparence physique de la chose mais sa structure, son principe de détermination interne.
Dans la nature, l'organisme avant de se développer existe "en puissance", puis prend corps "en acte" de façon immanente. Nous dirons que la plante "pousse", alors qu'on pourrait dire qu'elle "est poussée" par la vie. Ce mouvement de la puissance à l'acte est guidé par la forme. La "forme" aristotélicienne des organismes naturels pourrait aujourd'hui être assimilée à son ADN. Mais ce principe de séparation entre matière et forme s'applique aussi pour Aristote à la production artificielle, générée par l'homme à partir de l'inerte. L'homme produit la forme de la statue, il est moteur de son changement, auteur et cause du mouvement de la matière qui l'amène à la détermination finale de l’œuvre, tandis que pour les processus naturels comme celui de la génération du pissenlit, le moteur est inhérent à l'organisme même. Ainsi toute la physique d'Aristote est-elle gouvernée, de l'inerte jusqu'au vivant, par le couple forme-matière.
La forme qui se déploie, a dans la nature pour cause la vie, et dans le monde artificiel a pour cause l'homme. Mais lorsque l'homme modifie le génome des êtres vivants, il affecte la forme des organismes vivants dans la nature, il intervient lui même dans le processus causal de la nature vivante comme il le fait déjà dans le monde inerte par la chimie ou la physique nucléaire. Il ôte ainsi au concept de nature sa signification, issue d'une séparation fondamentale entre humain et non humain. Il bouleverse à la fois la forme et la matière, introduit dans le tréfonds de leur être de l'artifice. Que devient l'Autre si tout ce qui nous entoure porte trace d'action humaine ? Si toute évolution des espèces porte la marque d'une seule ? Si tout corps voit sa forme modifiée, non par la nature, mais par la culture ?
Nous vivrons dans un mode totalement artificiel, grouillant d'humains à la recherche d'altérité sur des "exo" planètes. L'idée de "milieu naturel" aura disparu, nous serons au centre, mais il n'y aura plus qu'un centre sans rien autour. Gouvernés par l'utile, nous aurons supprimé l'inutile. Fascinés par la croissance économique, nous mépriserons toute croissance biologique. Omnubilés par la maîtrise, "nous rendre comme maître et possesseurs de la nature" disait déjà Descartes dans le Discours de la Méthode, nous aurons éliminé la différence et la contemplation.
Nous y sommes presque.
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