mercredi 11 juin 2014

Qualités secondes

John Locke dans son "Essai sur l'entendement humain" de 1690  distingue qualités premières et qualités secondes d'un objet.
Les premières nous sont perceptibles par les sens et correspondent à la réalité: étendue, figure, mouvement, nombre.
Les secondes , couleur, odeur, saveur, chaleur, nous viennent par la même voie des sens mais ne correspondent pas à la réalité de l'objet, plutôt à la sensibilité du sujet.
Quels arguments présente Locke pour établir cette distinction ?
Un flux de particules, de "grains" minuscules de matières nous parviennent depuis l'objet regardé/senti/touché. Ces "grains" (on dirait aujourd'hui les molécules, les atomes ou les ondes) sont insensibles, la sensibilité est en nous.
L'odeur d'une violette, n'est qu'une odeur pour un organe olfactif, c'est à dire un recepteur sensible qui "interprète" ces molécules et leur donne une traduction physiologique. Si je me bouche le nez, la violette existe toujours pense Locke alors que l'odeur n'est plus.
La physique moderne semble donner raison à Locke pour son analyse des qualités "secondes", l'odeur n'est pas "dans" objet, mais l'objet possède la "puissance" de déclencher en nous l'odeur. Les qualités ressenties par le sujet restent incommensurables au flux de molécules.

Qu'en est il des qualités "premières", en particulier "l' étendue", "la figure". Sont elles en l'objet ou bien en nous ? l'étendue provient elle de notre perception visuelle, comme la figure ? Ou bien est-ce aussi une puissance que possède l'objet de les produire en nous ? Si je ferme les yeux, la figure n'existe plus, si je ne touche plus l'objet l'étendue n'est plus. Comment peut on dire alors que l'étendue continue d'exister malgré mon absence de perception, qu'elle reste dans l'objet ?
Il faut revenir au langage : le mot "objet", employé ici pour désigner la matière" inclut dans sa définition la notion d' "étendue". La langue découpe le réel en unités intelligibles. Ces unités ont en commun de laisser à percevoir de la matière, d'une certaine taille, qui persiste  : c'est ce qu'on appelle objet.
Dire que l'étendue appartient aux propriétés premières d'un objet constitue une tautologie, il s'agit plutôt d'un commun dénominateur à ce que nous voulons appeler "objet".
Mais en quoi son "étendue" serait-elle plus réelle que son odeur ?







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