Bonjour Monsieur, me dit-il en m'ouvrant la porte d'une main. Il porte ostensiblement , tenus de l'autre main, collés verticalement sur sa poitrine, une pile de journaux. Je franchis l'entrée du supermarché transformé en péage.
Cette politesse de bon aloi appartient au processus de vente, nous savons être engagés ensemble dans une comédie. Tous deux acteurs, nous nous donnons la réplique, bonjour Monsieur. Refuser ce ton affable démontrerait une hostilité incompréhensible. Après tout, c'est l'usage, tout commerçant vous crédite d'un salut lorsque vous entrez dans sa boutique... mais il n'a pas de boutique.
Le service, comme cirer des chaussures, garer une voiture, implique une relation policée. Mais la vente de journaux n'est pas un service.
Cette amabilité dévoyée, cette sollicitude excessive, cette vente servile me gènent car elles cachent une finalité commerciale mêlée de quête déguisée.
J'aimerais lui faire un don s'il mendiait ou lui acheter journal en valant la peine s'il le vendait dans la rue.
Au moins dire bonjour si je n'achète rien. L'évidente différence de statut social culpabilise, je pourrais au moins l'aider, lui faire l'aumone .
Justement, s'agit-il d'un travail ou d'une demande de charité ? Il n'y a aucune demande pour son journal, cela n'intéresse personne, sans doute n'est il pas dupe.
Au retour, le caddie opulent, la même porte ouverte par le même homme, au revoir Monsieur. Les mendiants ne quêtent plus à la sortie des églises mais vendent à la porte des temples de la consommation.
Se trouve condensée sur ce seuil toute l'injustice du monde, menant un être à se comporter en domestique pour vendre quelques journaux futiles.
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