lundi 25 avril 2022

Espèce invasive: il est temps d'enterrer Malthus

 
L'année dernière Futura Sciences publiait un dossier sur les espèces invasives. On y peut lire la définition suivante :

"Une espèce invasive est une espèce exotique qui devient nuisible à la biodiversité autochtone".

 Sur actu-environnement il est question d' "espèce envahissante" définie ainsi:

"Espèce exotique dont la population se maintient ou accroît son aire d'implantation en perturbant le fonctionnement des écosystèmes ou en nuisant aux espèces autochtones, par compétition ou par prédation."

Le gouvernement parle lui "d'espèce exotique envahissante" :

"Une espèce exotique envahissante (EEE) est une espèce introduite par l’homme volontairement ou involontairement sur un territoire hors de son aire de répartition naturelle, et qui menace les écosystèmes, les habitats naturels ou les espèces locales."  

Tout le monde se souvient de la Caulerpa Taxifolia , l'algue découverte en 1984 au pied de la principauté de Monaco qui menace aujourd'hui par son expansion très rapide toutes les espèces végétales en Méditerranées. Dans le règne animal, le phénomène de l'introduction du lapin en Australie est devenu l'exemple paradigmatique de l'espèce invasive. En effet en 1859 Thomas Austin un chasseur libère vingt quatre lapins pour diversifier le gibier. Dix ans plus tard deux millions de lapins sont tués chaque année sans effet notable sur le nombre total. Une clôture de 3000km de long érigé en 1901 n'empêcha par la propagation du rongeur. Aujourd'hui les lapins, qui ont pullulé,  résistent à toutes tentatives de contrôle de leur population. Ils ont considérablement transformé l'écosystème Australien par l'élimination de nombreux végétaux qu'ils dévorent, accentuant l'érosion des sols. Beaucoup d'autres exemples existent, comme celui récemment en France du frelon asiatique qui attaque les ruches et tue les abeilles.

  Futura explique que, comme pour le lapin, dans beaucoup de cas ces invasions sont provoquées par l'homme ( L'antonyme d'autochtone est "allochtone"):

"Le processus actuel d'invasion par des populations allochtones, induites par l'Homme implique une brutale - ou discrète mais durable - mise en compétition avec des espèces qui ont constitué les équilibres écologiques."

 Il n'y a pas que sur terre que l'homme disperse les espèces lors de ses déplacements, ses navigations sur les océans ont le même résultat que ses pérégrinations sur les continents, comme l'écrit Futura:

"Les espèces envahissantes représentent la deuxième cause d'extinction des espèces et de perte de la biodiversité dans les milieux aquatiques du monde [...] Plus des deux tiers des dernières introductions d'espèces dans les zones marines côtières sont dus au transport de l'eau de ballast."

Nul doute que les espèces invasives détruisent les écosystèmes par un mécanisme bien connu et énoncé par Charles Darwin: la compétition pour les ressources limitées. Lorsqu'une espèce en s'adaptant parfaitement à son nouveau milieu  colonise et capte les ressources qui permettaient aux autochtones d'en vivre s'en suit une diminution de la nourriture et du milieu vital de ces derniers et finalement leur extinction. Les nouveaux venus en pillant les richesses naturelles prolifèrent, accroissent leur territoire et augmentent le phénomène de raréfaction des espèces avec lesquelles ils partagent le même espace.

L'espèce la plus invasive

Quelle est l'espèce qui en se répandant et pullulant depuis des millénaires a colonisé le plus la planète,  pris possession des terres, des océans, du ciel et de la stratosphère? Une espèce vorace qui dévore les autres espèces végétales et animales, qui a éradiqué les espèces sauvages et pris leur place? Une espèce qui comptait 1000000 d'individus il y a 100000 ans 1 656 000 000 individus en 1900, 6 987 000 000 en 2011 et 7 600 778 340 aujourd'hui, bientôt 8 milliards. Une espèce invasive qui introduit des espèces invasives, une espèce invasive au carré en quelque sorte, qui colmate les sols avec du sable, des cailloux, du bitume et du béton, rejette ses déchets empoisonnés dans les fleuves et la mer, transforme les paysages par la culture intensive, les carrières, les gravières, les barrages, la coupe des arbres, les structures de transports et d'habitation, épuise les sous-sols et les matériaux organiques ou minéraux, et par son activité change rapidement le climat?

Si l'on accepte l'idée qu'un humain est un vivant d'origine naturelle, alors il va de soi qu'il gagne la compétition des espèces invasives ( peut être avec les rats). Nous commençons à nous apercevoir que les ressources de la planète ont des limites, bien que des éclaireurs l'ait claironné il y a 50 ans ( "The limit to growth", par le couple D.Meadows , le rapport du club de Rome). Notre espèce a tellement bien colonisé son milieu qu'elle arrive a raréfier ou polluer les éléments qui la font vivre. Mais alors qu'une réflexion raisonnable sur les espèces invasives pose comme problème primordial le nombre des individus, nous sommes incapables de raisonner de la même manière pour les humains.

Le point aveugle

Depuis que Malthus et son "Essai sur le principe de population" a tenu un raisonnement faux et proposé des solutions inacceptables et immorales sur la question démographique, le match est plié. Depuis que Paul R.Ehrlich et son livre "The Population Bomb" a tenu des prédictions qui se sont révélées fausses, la question démographique reste une sorte d'impensé. Celui qui tente de la poser est immédiatement renvoyé dans le camp de l'immoralité, du malthusianisme, de l'eugénisme. Il y a une sorte de gêne à réfléchir à ce sujet, comme commettre une mauvaise action. "Mais que veux tu faire ? éliminer les pauvres ? les noirs, les arabes, les chinois?" : voilà l'état de la réflexion.

Pourtant tout comme l’œuvre peut être dissociée de l'auteur, le constat et l'analyse scientifique des effets de la démographie croissante humaine sur son milieu, le problème qu'elle pose, peuvent être séparées de la question du remède et des solutions. Jusqu'ici la réflexion est surtout posée en terme de "que faire pour que les humains présents ou à venir sur terre survivent ou vivent mieux"? Tout se passe comme si un axiome était posé qui bloque la réflexion, un 11e commandement de Dieu  qui énonce "Tu ne contrôleras pas ta descendance ni ton expansion ". Les individus sont disposés à accepter l'idée de contraception, qui apparaît comme une liberté, mais refusent de réfléchir au problème global posé par cette même liberté de se reproduire ou non.   Pourtant comment trouver la solution d'un problème dont l'énoncé est tronqué? Analyser la situation en expliquant que nous rejetons trop de gaz à effet de serre dans l'atmosphère sans prendre en compte que cette quantité est directement proportionnelle au nombre d'humains démontre bien l'impensé dans cette équation.

Certains acceptent de considérer le paramètre "nombre d'humains" mais aussitôt font des projections, expliquent que la transition démographique qui affecte les pays riches va atteindre la Chine ( 1,4 milliard aujourd'hui), l'Inde qui verront alors leur population vieillir et diminuer, là sera le vrai problème: celui du nombre d'actif moindre qui devra nourrir une population vieillissante, ce qui est déjà le cas du japon. Par conséquent nous n'avons pas à nous soucier d'une expansion infinie des humains, le problème est réglé, CQFD.

La Chine, le pays le plus peuplé, a effectivement mené une politique malthusienne via la politique de l'enfant unique. Mais depuis mai 2021 les couples peuvent avoir jusqu'à trois enfants. Cependant l'indice de fécondité a chuté à 1,7 enfants par couple, ce qui signifie que la population finira effectivement par diminuer. 

Pourtant pour l'ONU la population mondiale attendue en 2100 se chiffre à 10 874 950 000 ( près de 11 milliards) , plus de 40% de plus qu'aujourd'hui alors que la situation est déjà très critique du point de vue environnemental ( climat, ressources).


La saturation

Beaucoup de scientifiques réfléchissent aux solutions qui permettraient aux hommes de coloniser Mars ou bien recherchent des exoplanètes qui présentent des conditions proches de la vie terrestre. Ceux là ont déjà baissé les bras, comme ceux qui s'arrêtent pour un pique-nique, répandent leur détritus et souillent la place, et réfléchissent déjà au prochain endroit où manger puisque celui-ci est trop sale.

Qui veut d'un monde avec des zones urbaines de 42 millions d'habitants , ce qui est le cas de Tokyo aujourd'hui? Les humains doivent-il habiter comme des termites dans une proximité telle, et alors que plus aucune parcelle de leur zone de vie n'est naturelle? Doit on se résoudre à ne voir plus voir des animaux en liberté? à n'observer les animaux sauvages que dans les zoos ou les parcs? A vivre les uns sur les autres? A sortir avec des masques? A manger des insectes? A raser l'Amazonie? Augmenter la surface des déserts? Inonder de plastiques les océans? Densifier les habitats, n'est ce pas considérer que l'humain doit vivre à l'image des fourmis, des abeilles, dans des cases? N'y a-t-il pas de relation directe entre la structure urbanistique et le nombre d'humains? Entre l'urbanisme et la relation au monde? La progression du saccage est-elle inéluctable?


La téléologie

 Dans "Idée d'une histoire universelle", Emmanuel Kant questionne l'idée selon laquelle la nature aurait un plan et l'histoire un sens : celui de mener notre espèce à son développement ultime. Depuis la barbarie, en passant par les monarchies, jusqu’aux états avec une Constitution garantissant les libertés, une ruse de l'histoire garantirait aux hommes à travers les générations une évolution vers des états vivant en paix grâce à une "cosmopolitique". Beaucoup ont vus dans ce texte qui évoque "une société des nations" l'idée de l'ONU. 

  Nous pourrions imaginer que  le comportement de chaque pays, uniquement focalisé dans un premier temps sur son développement et son extension territoriale soit, grâce à la raison qui progresse dans l'espèce, consciente des enjeux posés par la limite des ressources. Enjeux dont Kant n'avait pas connaissance. Mais  nous ne pouvons pas appliquer son raisonnement, étayé sur les méfaits de la guerre entre états, aux méfaits de la surpopulation. Puisqu'en cette matière tous les états ne sont pas ennemis mais collaborent pour que la population augmente. Pourquoi la Chine a-t-elle voulu freiner sa croissance démographique ? parce qu'elle courait à la famine non pas parce la qualité de vie aurait été moindre. L'homme est en train de changer pour devenir une micro machine à consommer dupliquée dans un univers grouillant de plus en plus artificiel et réducteur.

  Le débat sur le climat masque donc une autre réalité, démographique. La quantité globale de population influe sur la qualité de vie individuelle. Même si nous gardions le même climat la planète deviendrait invivable par la pullulation des humains. Ce qu'il nous manque c'est l'idée même du besoin humain d'espace vierge, de solitude parfois, de liberté d'aller et venir, de silence, d'obscurité nocturne, de contact et d'affrontement avec les éléments naturels, de confrontation avec le non humain.  Il faudrait, pour garder l'idée de l'homme intacte, définir une sorte de charte du droit humain de vivre dans un environnement non artificiel, une reconnaissance de la naturalité de l'homme, de la nécessité de rester en contact permanent avec la vie, les espèces vivantes. Le nombre d'humain ne peut rester en progression alors que l'environnement pour chacun diminue. Il faut au moins être d'accord sur le constat pour envisager des solutions.







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