lundi 20 avril 2020

Que va devenir le baiser?

L'expression "Prendre langue" signifie s'informer. Chaque jour nous entendons se répéter cette supplique d'Antéchrist :   "éloignez vous les uns des autres". Mais "prendre langue" en pratique c'est aussi embrasser.
Alors qu'Avril inaugure les tenues légères et les regards furtifs, nous ne pensons qu'à nous éloigner de la forme qui s'avance vers vers nous que nous renonçons  à regarder, dont nous fuyons même le regard. Notre répulsion inconsciente de l'être qui passe ne permet à aucun désir de s'immiscer. L'Autre se résume à une silhouette évanescente qu'il faut éviter. Fermer les narines, les humains ne peuvent plus se sentir...  
Heureux, dans cette période incertaine, les couples installés... Même avec le VIH nous n'avions connu une telle défiance des corps. D'embrassades de rue il n'est évidemment plus question. Après l'hiver, l'amant se trouva fort dépourvu quand la bise eut disparu, mais consterné quand le baiser a fini par déserter.  Pour celles et ceux  avides de découvertes et de nouvelles aventures, il n'est plus question de baisers langoureux. Se protéger du VIH n'empêchait pas de s'aimer, il suffisait de se protéger. Mais comment pourra-t-on se rencontrer et s'aimer au temps du Sars-Co-V2 après le déconfinement? 
Comment se rencontrer sans tests généralisés? Et s'il y a des tests faudra-t-il exiger de l'autre son passeport santé?  Comment s'embrasser sans risque?
Faudra-t-il faire l'amour avec un masque et un préservatif? Outre le ridicule de la scène, cela ne permettrait sûrement pas d'éviter toute contamination dans le feu de l'action. Ou si l'on se débarrasse du masque, faudra-t-il éviter le contact des bouches, des langues et des yeux? Situation qui impliquerait de supprimer du Kamasutra la plupart des positions, sans garantie pour les figures restantes que les souffles ne contaminent tout de même les partenaires.
Alors il restera tout simplement la prise de risque et la peur, ou l'abstinence. La période des années 1968 au début 1980 restera comme la parenthèse enchantée de l'amour, où l'on a vu la généralisation de la contraception et la présence de traitement pour toutes  les MST.
Mars 2020 inaugure une année noire pour les rencontres. Même si le virus entraîne statistiquement moins de conséquence graves pour les moins de 50 ans, le Covid-19 n'est pas une partie de plaisir et le contracter ne s'envisage pas sans une certaine frayeur, sans compter la crainte ensuite de contaminer ses parents, ses amis.  Et si les conquérants avides malgré tout  prennent des risques, nous verrons  avant le vaccin plusieurs vagues de re-contamination, alimentant cet état d'esprit mêlant désir et appréhension.   
Le décompte quotidien mortifère chaque soir oublie manifestement une statistique importante: le nombre de baiser qui n'ont pu être échangés.

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