jeudi 15 janvier 2015

Charlie et Pascal

Alors que deux points de vues opposés s'affrontent, les avis deviennent de plus en plus affirmés. L'un pose que toute expression publique n'est limitée que par la loi, et la loi n'empêche pas le blasphème, avec ou sans humour. L'autre que l'humour ne peut légitimer le dénigrement du sacré, même si la loi l'autorise. Dans cet affrontement la légalité s'oppose à la légitimité. Est-il légal de caricaturer Mahomet en france ? la justice a répondu par l'affirmative au procès intenté à Charlie Hebdo en 2007 par plusieurs organisations mulsulmanes. La question du droit est close.

Est ce légitime d'utiliser l'humour pour caricaturer Mahomet et il y a t-il d'autres limites à l'expression que celles de la loi?

Blaise Pascal a décrit dans "Les Pensées" la notion d'"ordres" comme des domaines homogènes et qui ne s'interpénètrent pas: l'ordre de la chair, l'ordre de l'esprit, l'ordre de la charité ( ou de l'amour). Ils sont incommensurables et hiérarchisés :  Il n'y a aucune commune mesure entre eux, ils sont hétérogènes par nature. L'esprit est supérieur au corps, l'amour seul fait entrevoir à l'esprit la vérité.
Le philosophe André Comte-Sponville a remis aux goût du jour cette classification et distingue plusieurs ordres dans la société qui sont autant de structures étanches l'une à l'autre : l'ordre technico-scientifique dans lequel se classent par exemple les manipulations génétiques, qui doivent être encadrées par la loi, sous peine de laisser par exemple se développer le clonage humain sans contrôle. Cet ordre technico-scientifique est donc limité par l'ordre juridico-polique, celui qui détermine les lois et les applique. Cet ordre juridico-politique doit-il être limité à son tour ?
Si le peuple est souverain il peut décider que son pouvoir est sans limite : la majorité peut donc imposer une dictature aux minorités, ce qui est loin de l'idéal de liberté. On peut également concevoir un "salaud" légaliste qui appliquerait à la lettre la loi mais qui par ailleurs serait dans la vie méchant, égoïste et présenterait tous les défauts. Cet ordre politico-juridique doit donc être limité à son tour par la morale.
La morale défini ce que chacun DOIT faire, il s'agit donc de devoirs édictés par la société qui séparent le bien du mal , les bonnes actions des mauvaises, ainsi même si la loi vous laisse libre de ne pas aider un aveugle à traverser la rue, la morale vous indique que vous devez l'aider. Mais il existe un autre domaine qui guide l'agir : l'amour. L'ordre de la morale se complète par l'ordre de l'amour, qui pour Comte-Sponville amène l'éthique, morale dirigée par l'amour.
Ces ordres ne doivent pas être mêlés : un physicien qui travaille sur l'atome ne peut être qualifié d'immoral sous prétexte qu'il y a eu tchernobyl, un neurologue qui étudie l'influence de l'électricité dans le cerveau ne peut endosser la responsabilité de ceux qui tortureront par chocs électriques dans une dictature.
Une loi ne peut décider si une équation est exacte, ni obliger les gens à s'aimer.
La limite que chaque ordre implique sur l'autre établit une hiérarchie.

La confusion des ordres, selon Pascal, entraine l'injustice.
La tyrannie consiste au désir de domination universel et hors de son ordre (…) La tyrannie est de vouloir avoir par une voie ce qu’on ne peut avoir que par une autre.
Le tyran veut être aimé (ordre de la charité) par la force ( ordre du corps), et veut forcer les esprit à penser comme lui.
Pour Comte-Sponville, la confusion des genres entraine la barbarie. Il distingue quatre barbaries dans la hiérarchie des ordres :
- la barbarie libérale qui soumet le politique à l'économie
- la barbarie politique qui soumet la morale au politique
- la barbarie moralisatrice qui soumet l'amour à la morale
- la barbarie éthique qui soumet l'amour à l'ordre divin
D'où l'il conclut que le capitalisme n'est pas moral, économie et morale étant dans deux ordres différents.

Dans quel ordre se situe l'expression publique, la presse ?  un ordre d'expression artistique, littéraire, musical, cinématographique peut être délimité comme un domaine propre. Qui est manifestement limité par l'ordre politico-juridique. On ne peut par exemple mettre à l'affiche ou en ligne des films pornographiques avec des enfants, la loi l'interdit. Mais pourquoi l'interdit-elle ? parce que l'ordre de la morale est supérieur à l'ordre juridique, c'est la morale qui fonde les lois et non l'inverse. La société grecque antique d'Aristote admettait l'esclavagisme et les lois s'appuyaient sur cette morale. Ayant admis que l'ordre juridico-politique autorisait les caricatures de Charlie Hebdo, notre débat devient donc est il moral de rire de Mahomet ? ou encore l'éthique du journaliste est elle compatible avec l'expression de ce que certains considèrent comme un blasphème ?
Il nous faut ici examiner deux types de morales : la morale Kantienne, et la morale conséquentialiste des utilitaristes. La morale formelle de Kant pose le principe de l'impératif catégorique : "Agis seulement d'après la maxime grâce à laquelle tu peux vouloir en même temps qu'elle devienne une loi universelle". Dans cette optique, l'action des dessinateurs de Charlie ne peut qu'être cataloguée de leur point de vue que comme morale, puisqu'ils ont repris des dessins d'un autre journal tout en espérant généraliser leur parution. Mais tenter d'interdire cette parution peut être classé également comme une action morale puisque les mulsulmans, en grande majorité, ne veulent pas voir des caricatures qu'ils jugent insultantes donc immorales.
Du point de vue utilitariste, une action est moralement bonne ou mauvaise selon ses conséquences heureuses ou malheureuses , l'intérêt induit chez le plus grand nombre, selon qu'elle accroit ou non le bonheur public. Pour les dessinateurs de Charlie, la conséquence de cette parution a été dans un premier temps la reconnaissance de leur droit à caricaturer, et l'affirmation du libre droit d'expression en france qui concerne toute la population française. Pour les lecteurs de Charlie, le bonheur de lire ses auteurs favoris est certainement atteint.  Pour les musulmans de france (minoritaires dans la population) qui sont en majorité choqués par ces dessins les conséquences sont, de leur point de vue, moins positives puisqu'ils n'étaient pas d'accord avec la parution, tout au moins leurs représentants, et que les caricatures ont continué.
Si on élargit le raisonnement en dehors de la france, alors  l'utilité de cette parution parait plus discutable, le 1,6 milliard de mulsulman qui désapprouve la parution doit être au moins équivalent à ceux à qui elle apporte du bonheur, mais personne ne peut vraiment l'affirmer. Donc la morale, vu de Kant, ou de Bentham ne nous donne pas les clefs pour juger cette affaire.

L'ordre de l'éthique ou de l'amour ne serait-il pas notre dernier recours ? Dans le calcul utilitariste il nous faudrait ajouter la mort de 17 personnes, cette immense tragédie de Janvier 2015, sans compter les réactions twitter favorables aux tueurs et celles des écoles de banlieue qui refusent la minute de silence. Banlieues dans lesquelles on observe déjà des vendeurs de journaux fermés, résultat de la force qui veut dompter les esprits.  Serait-il imaginable que Charlie Hebdo, sans renoncer à sa liberté d'expression, change de sujet pendant quelque temps, pas par peur mais par amour de l' Autre ?







vendredi 9 janvier 2015

Charlie Hebdo

En tentant de dépasser le très grand chagrin qui m'étreint suite à l'assassinat de dessinateurs qui ont rythmé, par leur dessin, toute ma vie, je me posais la question du pourquoi.
En cherchant la réponse, je me heurte rapidement à une aporie.
La loi des hommes reconnait une limite à l'expression, en particulier il est répréhensible d'éditer des contenus qui incitent à la haine raciale ou bien de se promener nu dans la rue, ce qui est aussi une forme d'expression. Pourtant un des biens des plus précieux de l'homme c'est sa liberté de penser et d'expression, qu'on pourrait donc concevoir sans limite.
Dans ce cas pourquoi le législateur limite-t-il l'expression ? Est ce un point de vue purement moral à priori ? Serait-il purement "mal" de stigmatiser une population , donc de désigner certaines caractéristiques comme inférieures, et nous aurions alors une législation qui départagerait le Bien du Mal ? ou bien serait-ce , en adoptant une morale conséquentialiste, parce que cela pourrait provoquer des conflits entre communautés dans la population ou bien faire souffrir ceux qui sont stigmatisés? La justice se fonde sur l'existence de conflits, comme le dit Aristote "Quand les hommes sont amis il n'y a plus besoin de justice...", donc cette seconde proposition conséquentialiste parait plus plausible. Mais il est également possible que le Mal ne soit appelé tel que parce qu'il identifie les situations qui mettent en péril la société ou provoquent la souffrance, auquel cas la liberté serait limitée à la fois pour éviter l'expression du Mal et ses conséquences. En résumé le législateur reconnait qu'une "expression" peut faire souffrir, créer du danger pour la cohésion de la société et peut donc être interdite.
Mais de quelle "expression" s'agit-il ?
Aujourd'hui les "médias" sont enrichis d'une gigantesque toile de milliards de page : Internet. L'expression publique n'est plus seulement le fait d'artistes ou de professionnels de la communication. Elle est trans-nationale, trans-juridictionnelle, individuelle, presque anonymisée, presque incontrolable sauf par les dictatures. Seule la langue limite son audience. Un seul type de contenu franchit aisément les frontières et s'affranchit de la langue: l'image. Image artificielle et manuscrite, le dessin se voit propagé électroniquement comme un contenu compréhensible par la planète entière, instantanément diffusé. Condensé de pensées, il raconte, depuis des millénaires, par fresques, hyéroglyphes, papier , aujourd'hui jpeg. Son influence est directement en rapport avec sa diffusion. Plus qu'un discours, sa réception est soumise à la subjectivité: le test de Rorschach le démontre, si tant est qu'on puisse assimiler une tâche à un dessin. La représentation par image est d'abord cultuelle, comme l'évoque Walter Benjamin, puis avec la reproduction automatisée, devenant dématérialisée par l'électronique, l'aura de l'oeuvre se déplace sur l'Auteur, ce qu'on peut vérifier avec le statut iconique de Cabu ou Wolinski.
"Ce n'était que des dessins", peut on entendre.
Cette perception ignore ce qui est en jeu. Une force terrible se propage d'un dessin, déclencheur d'émotion, le dessin se déporte loin de la raison, de la réflexion, ils est pensée précoce, primaire, pré-langagière. C'est d'ailleurs pour cela qu'il provoque sentiments de haine ou de rire. Puissance critique, il délimite le sacré, le tabou, l'interdit, et le désacralise et l'autorise. Il met en scène une autre réalité, proche du rêve, où tout est possible parce que virtuel, idéel.
Un dessin peut faire rire, il peut faire souffrir.
Le problème vient du fait qu'il fait rire des personnes qui ne ressentent pas du tout la souffrance d'autres personnes et qu'il fait souffrir des personnes qui ne comprennent pas du tout qu'on en puisse rire. Pour un non mulsuman, non croyant, il est difficile d'avoir l'empathie nécessaire pour comprendre ce que provoque des caricatures de Mahomet. Pour un mulsuman il est difficile de comprendre pourquoi caricaturer Mahomet peut être drôle. Les mêmes phrases s'appliquent aux catholiques et au Christ. A quelle distance se situe un croyant d'un non croyant, leur substance est elle si différente ? Ne peuvent-ils s'imaginer ce qu'est l'Autre? Difficilement car celui qui voit une réalité différente de la mienne représente un danger, l'histoire fourmille de preuves, de la Saint Barthélémy à la controverse dessein intelligent contre Darwinisme.
Comment de cette souffrance, vécue comme humiliation, peut on aller jusqu'à tuer abjectement? Comment, se motivant par des raisons religieuses peut on aller contre sa religion, en pleine contradiction ?
 Si j'ai perdu le sens de toute chose, que ma vie morose tout à coup s'éclaircit par une autre explication du monde portée par un des mes semblables, qu'une valorisation de moi-même et de ma communauté en découle, alors je suis prêt à croire en Dieu , y compris à me convertir. Du sens est donné à ma vie, je suis de nouveau dans une communauté d'hommes. Je vais réinterpréter les écritures  avec mon nouveau groupe, les Autres sont des mécréants puis qu'ils sont celui que j'étais. Quiconque ne pense pas comme nous sera soumis. Quiconque veut m'humilier sera tué. Voilà le système de pensée du fanatique. Il est perdu pour la société car il ignore l'Autre, et il mourra un jour d'une rafale.

Dans un monde idéal, il n'y aurait pas de ghettos dans la société française ni de ségrégation, ni de Darwinisme social, chaque peuple aurait sa terre et personne ne pourrait s'identifier avec un peuple sacrifié. Il n'y aurait pas non plus de croyance dans une liberté d'expression sans limite déconnectée des conséquences. Durcir les positions, marquer les différences culturelles serait aller à la catastrophe. Cherchons à diminuer ce sentiment d'humiliation sans renier la laïcité, mais sans ferveur religieuse dans la liberté d'expression, qui ne s'oppose justement pas à la liberté de croire.







mercredi 11 juin 2014

Qualités secondes

John Locke dans son "Essai sur l'entendement humain" de 1690  distingue qualités premières et qualités secondes d'un objet.
Les premières nous sont perceptibles par les sens et correspondent à la réalité: étendue, figure, mouvement, nombre.
Les secondes , couleur, odeur, saveur, chaleur, nous viennent par la même voie des sens mais ne correspondent pas à la réalité de l'objet, plutôt à la sensibilité du sujet.
Quels arguments présente Locke pour établir cette distinction ?
Un flux de particules, de "grains" minuscules de matières nous parviennent depuis l'objet regardé/senti/touché. Ces "grains" (on dirait aujourd'hui les molécules, les atomes ou les ondes) sont insensibles, la sensibilité est en nous.
L'odeur d'une violette, n'est qu'une odeur pour un organe olfactif, c'est à dire un recepteur sensible qui "interprète" ces molécules et leur donne une traduction physiologique. Si je me bouche le nez, la violette existe toujours pense Locke alors que l'odeur n'est plus.
La physique moderne semble donner raison à Locke pour son analyse des qualités "secondes", l'odeur n'est pas "dans" objet, mais l'objet possède la "puissance" de déclencher en nous l'odeur. Les qualités ressenties par le sujet restent incommensurables au flux de molécules.

Qu'en est il des qualités "premières", en particulier "l' étendue", "la figure". Sont elles en l'objet ou bien en nous ? l'étendue provient elle de notre perception visuelle, comme la figure ? Ou bien est-ce aussi une puissance que possède l'objet de les produire en nous ? Si je ferme les yeux, la figure n'existe plus, si je ne touche plus l'objet l'étendue n'est plus. Comment peut on dire alors que l'étendue continue d'exister malgré mon absence de perception, qu'elle reste dans l'objet ?
Il faut revenir au langage : le mot "objet", employé ici pour désigner la matière" inclut dans sa définition la notion d' "étendue". La langue découpe le réel en unités intelligibles. Ces unités ont en commun de laisser à percevoir de la matière, d'une certaine taille, qui persiste  : c'est ce qu'on appelle objet.
Dire que l'étendue appartient aux propriétés premières d'un objet constitue une tautologie, il s'agit plutôt d'un commun dénominateur à ce que nous voulons appeler "objet".
Mais en quoi son "étendue" serait-elle plus réelle que son odeur ?







mercredi 4 juin 2014

j'en ai plein le dos

Si l'esprit n'est qu'une construction du langage, quelle serait la métaphore de l'inconscient pour le corps ? Quelque chose de toujours caché, insoupçonnable, derrière le visible, l'autre face côté pile, mais qui resurgit, rarement ?
Le dos.
Métaphore limitée par autrui : car si l'on ne voit pas l'inconscient des autres, on peut voir leur dos...

lundi 2 juin 2014

esprit es tu là ?

Pourquoi a-t-on inventé l'esprit ?
Forme de notre sens externe, selon Kant, l'espace nous permet de ressentir les objets "comme hors de nous". Forme de notre sens interne, le temps nous sert à ordonner le divers sensible et nous le rend intelligible. Personne n'a jamais trouvé de l'espace dans l'expérience, ni du temps. Ce sont des constructions du sujet.
Qu'en est il de l'esprit ? Quelqu'un a-t-il déjà vu ou senti un esprit ? une âme ?
L'action de penser nécessite-t-elle un esprit ? Pourquoi ne pas considérer l'évidence : le corps pense au même titre qu'il digère, au même titre qu'il bouge. Et tout le monde sent, voit, touche la réalité des corps. Parce que je pense, parce que je parle, parce que je décris ce qui se passe en moi par l'intermédiaire du langage je suis amené à nommer le gouverneur de ceci : "l'esprit".

Aristote affirmait la réalité des universaux, le nominalisme réfute que les noms soient le calque du réel.
L'esprit ne serait-il qu'un nom ?
Que pourrait-il alors recouvrir ? Ce que je ne sens pas pas mes cinq sens et qui se passe en moi.Mais alors , la douleur que je ressens en moi serait de l'esprit ? Elle sera plutôt apparentée au sens du toucher. L'esprit manifeste plutôt la conscience de ce qui advient en moi indépendemment de mes sens ou en relation avec eux. En quoi alors "esprit" diffère de conscience interne? On peut opposer à cette réduction esprit/conscience l'inconscient : des pensées se formeraient cachées de notre conscience, l'esprit serait alors se qui se passe dans et hors notre conscience, activement, hors de la passivité des sens.
Mais alors qu'est ce nom : "inconscient" ? désigne-t-il un réservoir d'idées  provenant de pulsions refoulées? Mais si j'admets la notion d'idées, elle présuppose celle d'esprit. Mais qu'est ce que donc que l'inconscient si l'esprit n'est qu'un nom ?
Pour Locke les idées proviennent du monde sensible, de la sensation, d'une part et de la réflexion, qui compose les idées d'autre part. Stricto-sensus cette description pourrait se passer fort bien du langage. La mémoire physiologique viendrait engranger les expériences sensibles, mais pour cela seul un corps est suffisant. La raison, nous permettrait de combiner des idées simples, récupérées en mémoire pour en élaborer de plus complexes. Il nous faut donc un opérateur désigné pour cette tâche : l'esprit. Mais pourquoi admet-on que l'opérateur de mémorisation soit le corps et qu'il soit incompétent pour mener à bien des opérations qui font appel à la raison ? La raison, l'esprit , l'inconscient sont des concepts, des noms, qui décrivent la vie des corps vivants matériels, qui n'ont de réalité que dans le langage, lequel n'est un ensemble de signes matériels éveillant des significations, donc des réactions physiologiques.
L'esprit serait-il la forme qui rend possible le langage ?
Il est impossible de regarder un interlocuteur qui s'adresse à vous comme un corps qui parle.
Pourtant un enregistrement de voix, une page écrite peuvent véhiculer une "pensée", une "idée". Ce ne sont pas des corps, mais ce ne sont pas non plus des esprits. Ces signes capturés depuis un corps sont restitués à d'autres corps.







mercredi 28 mai 2014

Le corps

Mon corps peut-il provoquer des réactions sur un autre corps que le mien , à distance, sans le toucher ? Je parle ici d'un autre corps humain.
Quelle sorte de réactions ? Par exemple le faire mouvoir, marcher, le faire tressauter, le faire exécuter telle où telle tâche.
Par quelle magie cela deviendrait-il possible ?
Ce corps automatisé, obéissant, ne pourrait-il alors être assimilé à une machine ?
Si aucun contact matériel n'existe entre les deux corps, comment l'information peut-elle passer ? Qui est capable d'un tel prodige ?
Réponse : tous les êtres équipés du langage.

dimanche 16 février 2014

nature et culture

Considère t on que l'homme fait partie de la nature où représente t il une vie spécifique à part du reste du monde vivant? Parler de culture revient à évoquer des productions, des croyances, des représentations, des imaginaires spécifiques à certains groupes humains. En quoi ces ensembles se dissocient-ils de la nature ? plutôt qu'opposer nature et culture, opposons culture et culture, comme différences entre les peuples humains.
Ce que nous ne maitrisons pas nous l'appelons nature.  Mais ce que nous maitrisons, n'est ce plus la nature? Les produits que nous élaborons ne sont ils pas constitués des mêmes atomes que ceux qu'il nous entourent ? De leur provenance humaine nous concluons qu'il ne sont pas naturels. Pour un être hypothétique venu d'une autre planète, toutes les cultures humaines ne seraient que des cultures animales.
Nous pensons avoir le contrôle : la physique permet de prévoir le mouvement des corps et des atômes, la chimie, la biologie, la médecine contiennent les maladies. Cette assurance prométhéenne nous empêche de voir que nous sommes nous mêmes une production naturelle, notre liberté n'est que l'ignorance de ce qui nous détermine comme le dit Spinoza dans l'Ethique.
Contraception et fécondation in vitro sont les premiers pas pour prolonger notre espèce d'une autre façon, ne manque plus que la croissance extra-utérine que nous donnera bientôt la science. La sexualité abandonnera alors son rôle de besoin vital pour l'espèce. Ce choix n'est pas le notre, mais il s'impose. La confusion des genres ne constitue qu'une conséquence de cette évolution qu'on prétend choisir.

dimanche 9 février 2014

stéréotype

Stéréotype signifie cliché. Il manifeste donc un point de vue, plus exactement une opinion, dans un cadre donné. Par exemple pour les français "les anglaises sont rousses". Pour les anglais "les français sont sales", pour les américains "les français sont de chauds lapins".
L'opinion  peut être combattue  par des démonstrations scientifiques, mais quand elle concerne un groupe, voire la population d'un pays, la chose n'est pas aisée. Un stéréotype peut également être remis en cause plus simplement au moyen de l'éducation. Dans les écoles on peut ainsi expliquer que les filles peuvent assurer les mêmes fonctions que les garçons : pilote de ligne ou président de la République.
Mais la méthode sera la même : il s'agira de construire un nouveau stéréotype, non fondé sur la tradition, dans ce cas le stéréotype se reproduit "automatiquement", mais fondé sur une idée de l'avenir, sur un pari. Sur l'idée qu'une égalité de droit peut devenir une réalité dans les faits, simplement en changeant les mentalités, sur l'idée que les différences entre masculin et féminin ne sont pas justifiées par la biologie.
Ainsi la lutte s'engage entre courant contraires dans la société. Un courant traditionnel qui perpétue les stéréotypes, un autre qui tente d'en apporter de nouveaux au moyen de l'école et d'une vision nouvelle de la société. En fait il s'agit à la fois d'une lutte politique, qui concerne la distribution des postes, la violence faite aux femmes et d'une lutte qui concerne le privé par exemple la distribution des tâches dans le ménage.
Voir les rôles féminins et masculins comme pouvant devenir égaux, et par la même identiques peut passer pour un stéréotype : c'est à dire comme une projection imaginaire très loin des influences biologiques sur la définition du genre. Voir les rôles féminins et masculins comme inamovibles et définis pour l'éternité en est un autre comme si le genre était mécaniquement déduit de la biologie.
Autrement dit "stéréotype" n'est pas le bon concept pour ce débat.



mercredi 5 février 2014

Voici les idées communiquées sur le site du CNDP, qui sert de base aux expériences pédagogiques du ministère de l'éducation dans une série d'établissements.
Le genre est une construction sociale et non naturelle s'appuyant sur la différence des sexes.  Par conséquent si l'on veut lutter contre les inégalités sociales dues au genre il faut rétablir dès l'école l'égalité entre fille et garçon. Cela implique de lutter contre les préjugés "sociaux", les stéréotypes comme: les garçons ne pleurent pas et sont violents, et les filles sont douces et plus refléchies. Ou bien les garçons doivent mettre des pantalons et les filles des robes.
Pour lutter contre ces "préjugés", générateurs par la suite "d'inégalités" le CNDP propose sur son site l'ABCD de l'égalité un ensemble de formations et de matériels pédagogiques. Il faut donc par exemple faire admettre aux enfants que jouer au rugby pour les filles est aussi naturel que pour les garçons, et mettre en situation de mixité les enfants pour leur faire pratiquer la lutte. Il faut leur faire lire des livres tels que "Marcel la mauviette" ou "swimming poule mouillée" qui mettent en scène des garçons timides, pour montrer que le sport n'est pas plus naturel aux garçons qu'aux filles.
Ce raisonnement repose sur les prémisses suivantes :

A- des inégalités sociales sont fonction du genre
B- le genre se construit par la tradition et par les préjugés véhiculés dans l'école, la famille ou les médias
C- les activités définissant ou associées à chaque genre peuvent être changées par l'école

La conclusion déduite par le CNDP est la suivante:

D- Les inégalités sociales fonction du genre vont diminuer

Examinons ce raisonnement.
Tout d'abord constatons que les femmes sont moins bien payées que les hommes à compétences égales. Constatons aussi que les postes de direction, les fonctions politiques, sont monopolisés par les hommes, sans doute parce que la tradition impute aux femmes le rôle d'élever les enfants. Donc indubitablement la prémisse A est vraie.

Les enfants masculins et féminins se voient très tôt prescrire des attitudes correspondant à leur sexe: faire du sport, se battre pour les garçons, séduire et jouer à la poupée pour les filles. Les vêtements sont différents, les filières d'éducation  également, etc... Impossible de ne pas constater que la société joue un rôle de définition des genres masculin et féminin, donc la prémisse B est sans aucun doute vraie, puisque rien n'empêche naturellement, biologiquement les filles de se battre, de faire du sport ou d'être ingénieures.

Si l'école incite les filles à jouer au rugby, à faire de la lutte, à faire des études d'ingénieures, à diriger des entreprises, à faire de la politique, à ne pas compter sur la séduction, à laisser leur futur mari garder les enfants  si elle laisse les garçons s'intéresser à la danse, les autorise à pleurer si ils ont mal, les incite à montrer leur faiblesse, à s'intéresser à la couture, à la mode, aux tricots, pourquoi pas au maquillage, à élever les enfants à la maison, si on désavoue les regroupements par sexe, nul doute que les genres masculin et féminins seront redéfinis, comme le postule la prémisse C.


 Pour le CNDP il parait possible d'élever exactement de la même façon filles et garçons, la nature leur offre les mêmes possibilités, il faut laisser chacun aller vers l'activité qu'il souhaite sans préjuger de son sexe, que ce soit sport, art ou technique. Il faut également encourager la mixité dès le plus jeune âge, y compris dans la lutte.

Surgit alors la question fondamentale : que restera-t-il de la masculinité et de la féminité ? Si le masculin et féminin sont des caractères culturels, et que sous prétexte de diminuer les inégalités nous gommons les différences, ne resteront plus que les caractères biologiques. Masculin et Féminin se réduiront aux gènes et aux aux différences physiques, des seins pour les filles , de la barbe pour des garçons, des voix aigues et des voix graves, des tailles différentes. Quelle place pour les activités spécifiquement féminines ou masculines?
Verra-t-on les hommes continuer de chasser, ou de faire la guerre ? Mais si réellement nous atteignons un objectif d'éducation égalitaire, toutes les activités deviendront réellement mixtes à moyen ou long terme, l'inverse signifierait un échec éducatif et reconnaitre que le genre ne repose pas uniquement sur la culture, hypothèse qui rendrait alors caduque une recherche de l'égalité par l'éducation identique chez les filles et les garçons.
Qu'en sera-t-il de la maternité? N'est ce pas là une inégalité criante qui subsisterait comme pénalité pour une carrière professionnelle ou politique? La femme doit s'arrêter de long mois, handicap insurmontable par rapport à ses concurrents masculins. L'école n'y peut rien.  la GPA n'est pas une solution généralisable car on ne peut alors se réclamer de l'égalité, puisque s'établit alors un rapport de domination: une autre sera immobilisée neuf mois. Ce qui reste de la féminité pourrait dans ce cas pourrait bien disparaitre un jour grâce à un utérus artificiel, sans doute à l'étude dans les labo. Enfin l'égalité entre homme et femme. Quel progrès.

N'y a-t-il pas une erreur dans ce raisonnement? Effacer les inégalités due au genre impose t il de redéfinir le genre ? Ne peut-on ré-examiner d'où viennent les stéréotypes constitutifs du genre ?

Filles et garçons sont dotés par la nature d'hormones différentes. La testostérone renforce l'agressivité et les muscles. L'homme, naturellement, dépasse la femme dans les activités qui nécessitent la force physique.
Dans l'apprentissage des fonctions du corps, vitesse, force, les garçons se regroupent naturellement. Les disciplines sportives subissent une ségrégation naturelle et regroupent les meilleurs qui proviennent du même sexe : les records d'athlétismes ou de natation sont établis par des hommes, les hommes sont les plus forts en boxe, en tennis, en karaté, en judo, en football, en handball, en volleyball, bref .
L'idéal sportif reflète les valeurs sociales : la société tend naturellement à sélectionner les meilleurs, pour le bénéfice de tous. Mettre les filles au rugby, ou proposer du football mixte à l'école revient à ignorer la construction des stéréotypes sur des bases biologiques. Comme le disait François Jacob, dans "la souris la mouche et l'homme", c'est confondre deux ordres : l'ordre du social et l'ordre du biologique. Redéfinir le genre à l'école, décider de l'agressivité des filles ou de la douceur des garçons serait donc une illusion, une aberration anthropologique. Vouloir rendre les populations mixtes dans le sport ignore qu'il est une école de la performance.
Les communautés de filles et de garçons se constituent également sur la base d'une expérience commune du corps et du désir. Les filles auront toutes l'expérience de la menstruation, les garçons de l'érection matinale. La peur et le mystère de l'autre sexe fonde les regroupements par sexe, les sujets de discussion, les jeux, bref une culture de genre. Oui il faut apprendre aux garçons que c'est un crime et même un tabou que de frapper ou maltraiter une femme, mais sans inventer une égalité biologique factice.
La véritable question relative aux inégalités futures n'est-t-elle pas pourquoi ne favorise-t-on pas l'intelligence pour distribuer les postes?

Les filles réussissent mieux que les garçons à l'école. Peut être justement parce qu'elles sont moins obnubilées par la force et la compétition naturelle chez les mâles au même âge. Les hommes maintiennent une domination patriarcale construite sur l'immobilité de la femme en couche, laquelle est raréfiée aujourd'hui par l'utilisation de la contraception. Mais ils n'ont aucun privilège biologique pour l'intelligence. La perpétuation de cette domination peut être combattue par une politique de quotas, dans l'entreprise, le social ou dans les instances politiques pour les postes ou rien ne justifie une différence basée sur le genre dans l'attribution des postes.




dimanche 12 janvier 2014


Retenue à la source.
A la source tarie d'un citoyen qui ne peut même plus exercer sa volonté d'adhésion à l'Etat, un citoyen manchot décervelé qui ratifie le contrat social sans ses mains, un citoyen prélevé de sa volonté et de sa liberté par un automate qui paye l'impot à sa place.

vendredi 10 janvier 2014



Entendu à la radio hier : après avoir donné des statistiques éclairantes sur la disparition de dizaines de milliers de petites exploitations agricoles, le journaliste se félicitait de la concentration en France de nombreuses usines de fabrication de matériel agricole : Massey Ferguson, Kubota etc...
Rapprocher les deux faits parait savoureux.
Pour quelle raison les petites entreprises agricoles disparaissent-elle ?
Comment rend-on une entreprise agricole rentable ?
N'y a t-il pas un rapport entre la taille des surfaces cultivées, et la rentabilité ? N'y a t-il pas un rapport entre la rentabilité et la mécanisation ?
Les quelques emplois créés par Massey Ferguson ou Kubota ne peuvent malheureusement pas remplacer les emplois détruits indirectement par leurs machines. La destruction créatrice de Schumpeter, reste surtout destructrice.
Ne s'agit il pas d'un paradigme qu'on peut généraliser à la société toute entière ?
Il suffit d'examiner la pêche, la disparition des petites unités pour les grosses à filets immenses, ou bien la production de volailles ou de cochons dans des hangars  de plus en plus énormes, ou le nombre de voitures croissant construites avec de moins en moins d'ouvriers.
Cette production de plus en plus importante ne trouve plus de demande locale et inonde donc d'autres pays, dont on assèche la production par les mêmes motifs de mécanisation et d'accumulation.

jeudi 1 novembre 2012

Karl Raimund Popper a écrit "La Logique de la découverte scientifique". La psychanalyse y est décrite comme irréfutable, c'est à dire qu'on ne peut trouver d'énoncés pour la falsifier, elle n'est donc pas une science.
Mais difficile de trouver des énoncés universels, donc valables en tous lieux et tous temps, pour ce qui concerne l'homme, ou plus généralement pour la biologie, étant donné l'évolution du vivant.
Une théorie qui permet des prédictions vérifiés, même s'il elle n'est pas cataloguée comme science, peut être utile aux humains.
La prédiction de l'analyse c'est d'annoncer aux analysants qu'ils vivront mieux après avoir parlé pendant un certain nombre de séances à un analyste de ce qui leur vient à l'esprit, ce dernier guidant les recherches et supportant le transfert.
Pour savoir si la psychanalyse réussit cette prédiction  il faudrait collecter des faits auprès des patients qui ont vécu une analyse.
Cette tâche présente des difficultés : peu de gens sont prêts à témoigner de ce qu'il leur apparaît comme parfaitement privé et qui met en jeux des secrets de leur vie intime.
Même si des milliers de gens révélaient que l'analyse a changé leur vie, ce ne serait que par induction qu'il faudrait juger bénéfique l'analyse, on connaît le problème de l'induction, elle ne peut logiquement servir de preuve de la véracité.
Si certains établissaient que leur vie actuelle génère plus de souffrance qu'avant la cure, l'induction serait contraire , mais sans plus de valeur.
La vrai question n'est donc pas de savoir si la psychanalyse est une science, mais si elle soulage plus qu'elle ne fait du mal.

lundi 7 mai 2012

dette française

2011 : Dette publique ( INSEE ) 1 646,1 milliards d'euros, soit environ 84,5 % du PIB
2011: déficit budgétaire 95,3 milliards d'euros
2010 : charges d’intérêt de la dette 47,2 Md€
PIB prévisionnel 2012 : 2000 milliards d'euros