mercredi 9 mars 2016

Le code de la route et le code du travail

Certains ont pu, il y a des années, conduire une voiture sans aucune règle : ce sentiment de liberté n' a pu être ressenti très longtemps car peu après l'invention de l'automobile, en fin du 19e siècle , une police du roulage et des messageries publiques est crée et un certificat de capacité de conduite est mis en place. Qu'adviendrait-il sans code de la route ? Chacun pourrait prendre son automobile et rouler comme bon lui semble, à la vitesse qu'il choisit, ne s'arrêter que lorsqu'il le désire, et prendre toutes les rues ou routes que lui dicte sa destination ou son humeur, on peut supposer que par habitude seul un côté de la route serait réservé pour chaque sens, comme le font naturellement les piétons dans les couloirs du métro. En cas de faible circulation ou de nuit  le passage des carrefours serait rendu beaucoup plus fluide mais, revers de la médaille, occasionnerait des accidents. Sans feux rouges ou panneaux stop, surtout avec une conformation des lieux défavorables, les conducteurs soit verraient trop tard un véhicule se rapprocher, soit voudraient de toute force passer avant l'autre. Dans ces conditions la fluidité du trafic se renforcerait au détriment de la sécurité des usagers de la route. Au contraire en cas de circulation très importante, les carrefours seraient totalement bloqués puisque les accidents nombreux ne pourraient être évités.
Le code de la route impose donc une régulation du trafic par des obligations et des droits. Le feu rouge oblige à s'arrêter, le feu vert donne le droit de passer. Le but du code ne consiste pas à défendre tel ou tel conducteur contre tel autre, puisque les rôles peuvent être intervertis relativement à couleur du feu que chacun rencontre, mais à faire en sorte que leur activité combinée permette un déplacement optimal pour chacun et dans de bonnes conditions de sécurité. Le déplacement optimal par la fluidité du trafic autorise ainsi l'automobile à remplir son rôle d'outil pour le déplacement individuel ou collectif, et facilite le développement de l'industrie automobile. La sécurité doit s'imposer pour deux raisons : pour préserver la vie et l'intégrité des conducteurs d'une part, et d'autre part parce qu'elle rentre en compte dans l'objectif d'optimisation du trafic : un accident peut perturber la circulation. Certes, certains véhicules bénéficient de droits supplémentaires, par exemple un autobus est prioritaire lorsqu'il quitte son arrêt, puisqu'il serait inéquitable que cinquante personnes dans un bus n'aient pas priorité sur une seule dans une voiture, mais le code de la route n'offre pas beaucoup d’exemple de dissymétrie, puisque chacun dans sa voiture joue le même rôle, celui de conducteur.

Aucune analogie n'est possible entre le Code de la route et le Code du travail. Le Code du travail n'a pas pour but de fluidifier le travail ni d’accroître sa finalité à savoir la production. Que se passait-il sans Code du travail ? croit-on qu'une main invisible au 19e arrangeait au mieux les intérêts des entreprises et ceux des salariés ? non car les enfants travaillaient, de jour comme de nuit, et le statut des ouvriers ressemblait à celui d'esclave. Dans l'établissement d'un contrat de travail les protagonistes portent des intérêts convergents, sinon il n'y aurait pas contrat, mais aussi divergents. La vie de celui qui propose et rédige le contrat ne dépend pas de l'acceptation ou du refus du salarié, alors que très souvent l'inverse est vrai. Par cette dissymétrie, l'employé, le salarié présente le flanc et devra accepter des conditions qu'il peut estimer par ailleurs désavantageuses.
Le Code du travail résulte donc dans l'histoire d'un affrontement, ce sont les luttes collectives des salariés qui ont permis un rééquilibrage de cette dissymétrie fondamentale entre employeur et employés. Faciliter la fluidité du marché du travail, pour embaucher puis débaucher des salariés plus facilement, comme des voitures entrent et sortent plus ou moins facilement d'un carrefour, ne peut être directement décrété par la puissance publique.  Les entreprises ne sont pas des routes qu'on quitte ou qu'on emprunte et les salariés ne sont pas des conducteurs qui choisissent leurs destinations. Lorsque l'emploi se fait rare, tendance structurelle, l'employeur tend à bénéficier de cette dissymétrie accrue et peut réclamer plus de fluidité. Mais les entreprises ne sont pas non plus des êtres qui grandissent imperturbablement, et voguent sur un long fleuve tranquille, elles tendent difficilement à persévérer dans leur être, comme dirait Spinoza. La logique de concurrence les amène à ajuster au mieux les facteurs internes, et comme elles ne peuvent peser en externe sur les concurrent elles tendent naturellement à modifier les salaires, le temps de travail, la productivité. Gardons nous de considérer d'un point de vue moral cette situation comme opposant les méchants et les gentils, il s'agit d'une opposition de deux logiques.

Ce triangle, entreprises, salariés, Code du travail ne permet pas de résorber le chômage car nous sommes pris dans un contexte mondial de baisse de la demande. Si l'état peut agir en régulateur, c'est en proposant de nouvelles solutions : favoriser l'économie sociale et solidaire qui malgré tout ne peut ignorer la concurrence, diminuer le temps de travail hebdomadaire, et proposer un revenu social pour tous.






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