mardi 22 décembre 2015
La cause des attentats
Sujet actuel qui revient souvent dans la presse ou les réseaux sociaux : il y a-t-il des "excuses", que l'on pourrait déduire d'arguments provenant de la sociologie, aux attaques terroristes? Un article du journaliste Xavier Molénat tente d'éclaircir ce débat opposant déterminisme social à libre arbitre. Sachant que les deux camps semblent d'accord pour ne pas évacuer la notion de responsabilité du criminel/terroriste, la finalité du débat serait, du côté du camp "sociologue", d'éviter la reproductibilité de tels phénomènes.
D'un côté, le camp du gouvernement qui se veut responsable de la sécurité des citoyens. Pour lui la question du substrat social n'offre pas de pertinence pour l'action présente dans la mesure où l'urgence porte à nous défendre contre un ennemi qui prend des vies aujourd'hui et maintenant. De l'autre côté, le camp du sociologue pour qui l'engagement de jeunes radicalisés dans les banlieues constitue un fait social et le comprendre donne des indications pour tenter d'infléchir cette situation par la politique.
Nous ne sommes manifestement pas dans le même temps. Il n' y a aucune incompatibilité de vue : la politique doit prendre en charge à la fois la défense des citoyens et leur égalité, mais incompatibilité de calendrier et de moyens. Pour les sociologues la situation des descendants de l'immigration est en question, mais convenons qu'elle ne pourra s'améliorer dans les jours ou semaines à venir, et la recette pour résoudre rapidement tous les problèmes constatés, échec scolaire, ghettoïsation , délinquance, montée de l'islamisme radical, antisémitisme, ne tombe pas du chapeau.
Le problème vient plutôt du vocabulaire et des arguments employés par les sociologues. Dans l'article interviennent des citations du sociologue Bernard Lahire comme : "comprendre est de l'ordre de la connaissance, juger et sanctionner de l'ordre de l'action normative". Nous ne pouvons qu' acquiescer. Puis:
"Dans ces conditions, ceux qui invoquent le libre arbitre face aux déterminismes sociaux « sont un peu comme ceux qui, apprenant l’existence de la loi de la gravitation, feraient reproche aux savants de leur ôter tout espoir de voler en se jetant du sommet d’une montagne…»
Et enfin "en expliquant comment cela peut faire naître des frustrations et du ressentiment qui les rendent sensibles aux discours de haine, les sciences sociales n'absolvent pas les terroristes : elles décrivent des causes."
Placer la sociologie sur le même plan que la physique, identifier la cause "gravitation" à la cause "pauvreté" comme appartenant toutes deux à des lois de la nature qui ont des effets nécessaires, voilà où le bât blesse. Mettez deux individus dans le même milieu, la pauvreté, qui partagent la même culture et la même histoire, ils n'auront pas nécessairement les mêmes choix. Jetez deux pierres en haut d'une tour, elle tomberont, nécessairement. La pierre n'a pas de responsabilité dans sa chute, mais il y a une cause nécessaire : la gravitation et cette expérience est reproductible. En introduisant la nécessité, Bernard Lahire, nous livre une version de déterminisme absolu qui contredit sa volonté de compréhension par le déterminisme social qui doit inclure la contingence . Pour comprendre il faut également différencier et étudier les trajectoires, bien plus nombreuses, des jeunes issues de milieux identiques qui ne passent pas à l'acte. Xavier Molénat qui titre son dernier chapitre "la haine des causes", procède de même en identifiant "cause" et "cause nécessaire". La pauvreté constitue le milieu favorable dans lequel se propage l'islamisme radical. Mais dans le même milieu on constate aussi l'inverse, des jeunes qui s'en sortent : parler de cause est tout simplement faux.
Dans l'ordre juridique et normatif, l'être irresponsable, le fou ou l'enfant, n'est pas jugé coupable. Si la sociologie appelle "cause" la pauvreté alors elle rend irresponsable les tueurs.
lundi 21 décembre 2015
Star Wars, la gloire des ethers ou la guerre des étoiles ?
Ce qui me gène dans Star wars, c'est le réflexe collectif a priori. Tout le monde sait que le film fera un succès avant même qu'il ne sorte. Autrement dit peu importe le contenu du nouvel épisode à partir du moment où il est conforme au précédent, où il utilise les mêmes ingrédients : l'éther chloro-forme le sens critique. Peu importe même la chronologie de la narration puisque la saga est présentée dans le désordre.
Tout d'abord la guerre. Elle est refoulée au delà des étoiles, dans l'espace, et repoussée dans le temps, dans un lointain futur. Chacun adhère à cette expulsion hors de la terre, hors de l'actualité.
Puis le Mal, sombre, qui sourd dans cet espace parsemé de trous noirs au dessus de nos têtes, annonciateur de dangers hyberboliques. Le Mal est défait systématiquement, par la force du Bien toujours supérieure. Des forces mystérieuses qui peuvent être acquises ésotériquement se (télé)portent soit vers le Bien soit vers le Mal, combat moral dans lequel peuvent se reconnaitre facilement tous les humains.
Nous sommes à cheval entre l'état métaphysique et l'état positif d' Auguste Comte, entre les forces et la science, entre la psychokinèse et le laser. Du côté du Mal(e), que des hommes et des êtres étranges, forcément étranges puisqu'ils veulent le Mal. Du côté du Bien, les mêmes en plus sympa, plus les femmes, car elles n'engendrent pas les guerres.
Du merveilleux, de la morale intergalactique, de la science et un affrontement inter-civilationnel loin de chez nous, recette infaillible pour des millions de dollars.
samedi 19 décembre 2015
ceux qui font des actions honteuses et mauvaises...
... le font involontairement. C'est ce qui dit Platon par la bouche de Socrate dans le "Protagoras". Dans l’émission "Le monde selon Michel Onfray" du 19 décembre 2015, on notera l'humilité nécessaire pour accepter un tel titre, le sus-nommé acquiesce à cette thèse de Platon.
"Nous sommes dans une configuration judéo-chrétienne [...] le pêché
originel procède de cette liberté, de ce libre arbitre qu'a postulé le
judéo-christianisme, puis d'un seul coup on a quelqu'un qui nous dit :
mais pas du tout nous ne sommes pas libre[...]" Platon serait donc le premier des philosophes déterministes. Avec ses successeurs, on peut donc en déduire "on ne choisit ni de faire le mal volontairement ni de faire le bien volontairement". Pourtant détracteur du père de la psychanalyse, il va citer à la rescousse Freud et l'inconscient pour appuyer la citation platonicienne
"Il y a un beau texte de Freud qui répond à un juriste[...] qui dit mais alors les délinquants ne sont pas responsables ? [...] Freud qui dit effectivement il y a des circonstances atténuantes. " oubliant la moitié de son cerveau contemptrice de Freud qui déclarait auparavant :
"Or cet inconscient est présenté comme une découverte majeure par Freud,
mais elle n'est jamais susceptible d'une définition digne de ce nom dans
les 6000 pages de l'oeuvre complète... Dès que la raison s'avance,
l'inconscient recule."
Un jour Freud a tort, le lendemain il a raison...
"Pendant très longtemps la gauche nous disait si on se retrouve à la barre du tribunal il faut expliquer pourquoi[...]on ne nait pas pédophile on le devient..."
"[...] alors expliquer c'est comprendre et comprendre ce n'est pas justifier"
Pourtant Dilthey montre bien qu'expliquer s'attache à la nature et aux phénomènes physiques, "Nous expliquons la nature, nous comprenons les phénomènes psychiques". Si nous pouvons expliquer, par les causes et les effets "comment" le criminel a commis son acte, cela ne nous donne pas les clefs de la compréhension de ce qui s'est passé dans son esprit, le "pourquoi". Expliquer dépend des sciences de la nature et comprendre dépend des sciences de l'esprit. Expliquer établit une relation objective, comprendre une relation subjective.
Pour expliquer pourquoi un criminel agit il faut d'abord comprendre.
Pour expliquer pourquoi un criminel agit il faut d'abord comprendre.
On retient donc qu'Onfray pense qu'on peut expliquer pourquoi on "devient" pédophile, avant de comprendre ce qui se passe dans l'esprit, et sans nous dire par quelle théorie scientifique, peut être peut-il expliquer comment on devient hétérosexuel ou homosexuel, amoureux ou philosophe, tout cela bien sûr sans l'aide de la psychanalyse qui, comme il le dit, n'est pas une science, ni avec celle de la théorie fumeuse de l’inconscient.
De nouveau Onfray reprend :
"Non le philosophe n'excuse pas tous les actes mais il les explique". Puis appel à Nietzsche et la généalogie : "pourquoi les gens font ce qu'ils font ? pourquoi nous appelons le bien Bien et pourquoi nous appelons le mal , Mal? [...] Le philosophe est par delà le bien et le mal il est sur la description[...] Sur le concept de barbarie il faudrait s'entendre, les français aussi ont été barbares, tous les peuples l'ont été à un moment donné"
"Non le philosophe n'excuse pas tous les actes mais il les explique". Puis appel à Nietzsche et la généalogie : "pourquoi les gens font ce qu'ils font ? pourquoi nous appelons le bien Bien et pourquoi nous appelons le mal , Mal? [...] Le philosophe est par delà le bien et le mal il est sur la description[...] Sur le concept de barbarie il faudrait s'entendre, les français aussi ont été barbares, tous les peuples l'ont été à un moment donné"
On note qu'effectivement Onfray se positionne en surplomb, utilise sa raison , méprise les passions, et par un écrasement du temps et de l'espace égalise tous les barbares dans une grande confraternité universelle.
En effet puisque les français ont été barbares auraient-ils maintenant une raison de se plaindre d'autres barbares ?
"Pour les actes terroristes on peut tomber dans la morale et dire c'est de la barbarie on peut aussi chercher pourquoi les choses ont lieu, comment elle se sont enchainées."
On note que subrepticement nous avons maintenant le pourquoi avant le comment...
"Bergson pendant la guerre disait que les allemands étaient des barbares et que nous étions la civilisation. Je pense que c'est le degré zéro de la pensée".
Un jour écrira-t-il un livre pour déboulonner Bergson, auteur de pensées nulles, qui sait ?
Un jour écrira-t-il un livre pour déboulonner Bergson, auteur de pensées nulles, qui sait ?
Puisqu'il nous faut raisonner analogiquement pour comprendre Onfray, il établit donc un lien implicite entre Allemagne et Etat Islamique. Nous les appelons barbares simplement parce que ce sont nos ennemis, nous sommes au degré zéro de la pensée si nous affirmons que ce sont des barbares. Si nous ne tombons pas dans la morale et que nous expliquons leur geste, d'après Onfray, alors tout deviendra lumineux: s' ils égorgent, décapitent, brulent vif, violent des femmes esclavagisées, coupent des pieds et des mains, tuent aveuglement des civils attablés ou au concert, ceinturent des enfants d'explosifs, veulent imposer le califat au monde, cela ne s'appelle pas barbarie, cela s'explique et donc il y a des circonstances atténuantes. En fait on connait sa thèse : la france islamophobe bombarde les musulmans qui en retour tuent des français, voilà où mène son effort d'explication. ( cf http://billetgratuit.blogspot.com/2015/11/lemission-salut-les-terriens-ete.html )
Puisqu' Onfray, qui n'a jamais un mot pour les victimes des attentats de Paris, cite Nietzche, il devrait relire "Le Gai Savoir" (333), où ce dernier cite la fameuse phrase de Spinoza
"non ridere, non lugere, neque detestari, sed intelligere ..." pour problématiser ce qu'est la connaissance. Selon Nietzsche
"Intelligere", comprendre, ne peut surgir sans une lutte au tréfond de
soi où se mène la bataille des passions. A trop se détacher des passions, on ne comprend plus rien. Il suffit pourtant pour comprendre les attentats de Paris de lire la revendication : "Paris capitale des abominations et de la perversion, celle qui porte la bannière de la croix".
vendredi 18 décembre 2015
Pourquoi la justice ?
Pourquoi avons nous besoin de justice ? Avant d'essayer de définir ce qu'elle est, tentons d'identifier dans quelles occurrences intervient le concept de justice.
La notion de justice apparaît de concert avec celle de désaccord, de conflit. On demande justice à partir d'une insatisfaction, d'un affront, d'un sentiment de rancoeur. Ce besoin de justice attend en retour une restitution à un état antérieur, une correction qui mette fin au conflit. Nous assistons aujourd'hui à des questions conflictuelles comme accueillir ou ne pas accueillir des réfugiés, augmenter ou non les impôts, interdire ou non le voile, et chacun pense avoir la justice pour soi.
Mais comment la définir ? Pour Aristote dans "Aristote à Nicomaque" la justice est une vertu naturelle et comme toute vertu, doit suivre une progression vers le Bien. Il distingue justice distributive, basée sur le mérite, des charges et postes dans la cité, et justice commutative, des biens et des compensations, basée sur l'équité. Mais Pascal, constatant que l'expression de la justice en différent lieux et différentes époques exprime tellement de différences, pense qu'elle ne peut être vertu partagée naturellement. Aussi dit il dans les "Pensées" :
On la
verrait plantée par tous les États du monde et dans tous les temps,
au lieu qu’on ne voit rien de juste ou d’injuste qui ne change de
qualité en changeant de climat, trois degrés d’élévation du pôle
renversent toute la jurisprudence. Un méridien décide de la vérité, en
peu d’années de possession les lois fondamentales changent. Le droit a
ses époques, l’entrée de Saturne au Lion nous marque l’origine d’un
tel crime. Plaisante justice qu’une rivière borne ! Vérité au‑deçà des
Pyrénées, erreur au‑delà.
Il pense plutôt qu'une chose "juste" se trouve être simplement un état de fait imposé devenu une coutume. Rien n'est juste en soi, l'assentiment vient de la considération habituelle portée sur l'objet. Par exemple pendant des siècles a été considérée comme juste la dissymétrie des tâches dans le couple, alors que nous l'estimons aujourd'hui injuste. Il distingue trois "ordres" de justice, qui n'interfèrent pas, l'ordre du corps, l'ordre de l'esprit, et l'ordre de la charité ( ou de Dieu). Ne pas respecter ces ordres c'est commettre une injustice. C'est soit de la tyrannie , comme vouloir se faire aimer par force, ou du ridicule, comme accepter une théorie scientifique par amour du chercheur.
Pour d'autres la justice est une convention. Thomas Hobbes dans "Le Leviathan" explique qu'il n'y a pas de justice dans la nature, que tout est permis par le droit naturel qui est la liberté de tout faire pour sa propre conservation. Seule la loi délimite ce qu'on doit faire et ce qu'on ne doit pas faire, et ce qui est juste et injuste. Il faut donc un accord contractuel pour délimiter l'obligation. C'est aussi bien plus tard la position de John Rawls dans "Theory of justice", qui considère que l'on doit d'abord s'accorder par contrat sur ce qui est juste, avant de pouvoir connaître ce qui est bien ou mal, en d'autres termes c'est la justice qui fonde la morale. Car comment pouvons nous dire que nous allons vers le Bien si nous ne savons pas ce qui est juste ? ou que nous faisons le bien si nous commettons des injustices ?
S'opposent donc les théories naturelles et artificielles ou contractuelles de la justice.
Mais d'autres oppositions créent des tensions dans l'idée de justice. Chez les contractualistes pour certains les lois sont portées par la raison, pour d'autres elles sont le fruit d'un affrontement des intérêts, une négociation. Dans les théories naturelles de la justice on trouve les religions. Les religions révélées sont porteuses d'une morale, et définissent à la fois ce qui est bien et ce qui est juste. Elles viennent par l'autorité d'un Dieu, donc par la force. "Et ainsi ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste." dit Pascal. Elles prescrivent donc par la coutume, non par la loi civile ou pénale comme fruit d'un vote. Face à une situation donnée qui le questionne sur la justice, le croyant a donc un corpus de règles religieuses, les lois de Dieu, qui lui permet de subsumer les faits sous la bonne règle, ce qui lui donnera la réponse juste. En particulier tout ce qui ira à l'encontre de sa coutume religieuse apparaîtra comme injuste, indépendamment de la raison invoquée. Le contractualiste pourra se reposer à la fois sur sa raison, sur la loi et sur la jurisprudence, qui sont évolutives contrairement aux textes révélés.
Nous connaissons donc des tensions inévitables entre ceux pour qui la justice provient de la coutume, qu'ils doivent respecter, et ceux pour qui elle provient de la loi, assise sur la raison ou sur une négociation des intérêts, ou encore entre ceux pour qui c'est une vertu naturelle, basée sur l'équité. Ainsi la justice censée résoudre les conflits en suscite-t-elle aussi sur son essence.
jeudi 17 décembre 2015
L'intégrisme catholique
La religion catholique, poursuivant les hérétiques, fut responsable de l'Inquisition, tribunaux qui poursuivaient et condamnaient à mort ceux qui ne respectaient pas le dogme ou dont les conduites n'étaient pas admises. Le catholicisme a engendré les croisades et voulu convertir par la force. On voit le chemin parcouru puisque l'église catholique admet maintenant la laïcité, c'est à dire la liberté de conscience et la séparation de l'église et de l'état.
Cependant un retour de cet esprit dogmatique réapparaît via la politique puisque qu'un parti véhicule la parole des catholiques traditionalistes : le front national. Marion Le Pen, si elle est élue un jour supprimera les subventions au planning familial, par conséquent rajoutera un peu plus de malheur à ceux qui sont dans le malheur et un peu plus d'obscurantisme pour ceux qui cherchent une information sur la sexualité. Les plannings familiaux sont des espaces d'information sur la sexualité. L'information permet au libre arbitre de s'exercer, inversement supprimer ce droit affaiblit les libertés. La philosophie des Lumières, qui éclaire les consciences, permet à chacun d'utiliser sa raison pour déterminer sa vie. "Sapere aude" , ose savoir, sera la maxime qu'en déduira Kant dans "Qu'est ce que les lumières". Ose savoir s'oppose à la conception rigide des traditionalistes qui revendiquent une messe en latin, bien obscure, et justement ne préfèrent rien savoir. Ils contestent la science qui remet en question leur dogme, comme la théorie de l'évolution de Charles Darwin.
On ne sait pas si la famille Le Pen interdira un jour la vente des préservatifs, ce qui aurait pour conséquence une élévation du nombre des grossesses non désirées, des IST et du sida, mais nous savons que les traditionalistes, et nombre de catholiques non traditionalistes, sont contre l'usage du préservatif.
Son but consiste donc bien à vouloir changer nos mœurs et prescrire des conduites à l'opposé des conquêtes sociales du siècle précédent, en particulier la libéralisation des corps et de leurs désirs et l'éveil des consciences individuelles.
"Qui n'a pas vibré au sacre de Reims ?" déclare-t-elle, nostalgique d'un passé où le pouvoir spirituel se mêlait au pouvoir temporel. J'avoue que cela n'enclenche pas le plus petit soupçon de vibration chez moi. Voudrait-elle que l'église catholique l'adoube présidente de la région PACA ? Voudrait-elle supprimer la loi de 1905 sur la laïcité pour imposer la religion catholique à l'école ?
"Chez nous on ne vit pas en djellaba": Elle a pourtant fait des études de droit. Chez nous il est permis de vivre en djellaba et de porter le voile, sauf à l'école pour des raisons très précises ( http://billetgratuit.blogspot.fr/2015/12/le-voile-islamique.html ). Elle prend ses désirs pour des réalités, elle utilise le sentiment d'insécurité culturel grandissant pour rejeter complètement une culture. S'il est vrai que nos valeurs sont remises en question par l'islamisme intégriste, il est aussi vrai que le catholicisme intégriste les menace. Nous devons lutter contre l'un et contre l'autre.
mercredi 16 décembre 2015
Le voile islamique
Claude Lévi-Strauss est perçu comme l'un des auteurs fondamentaux du structuralisme et comme l'ethnologue père d'ouvrages aussi connus que "Tristes tropiques", "La pensée sauvage", ou "Race et histoire" dans lequel il vide purement et simplement de concept de race de toute pertinence. Il apparait comme un protecteur des cultures primitives par rapport à l'universalisme revendiqué de la culture scientifique occidentale. Pourtant, à le lire de plus près, il ne défend aucunement un relativisme culturel total.
"La plupart des peuples primitifs se désignent eux mêmes d'un nom qui signifie 'les vrais', 'les bons', 'les excellents', ou bien tout simplement les 'hommes' ; et ils appliquent aux autres des qualificatifs qui leur dénient la condition humaine , comme 'singe de terre' ou 'oeufs de pou' [...] Mais on connait aussi une autre attitude qui est complémentaire de la précédente plutôt qu'elle ne la contredit, et selon laquelle l'étranger jouit du prestige de l'exotisme et incarne la chance, offerte par sa présence, d'élargir ses liens sociaux."
Les deux attitudes primitives décrites par Levi-Strauss dans "Race et culture" en 1971 pour une conférence de l'Unesco n'ont pas disparu à notre époque et nous constatons en France aujourd'hui un moyen terme entre un rejet complet de l'étranger et une volonté affirmée d'accueil. Serait ce du à la crainte de la fin annoncée d'un monde ?
"j'ai souligné à plusieurs reprises que la fusion progressive de populations jusqu'alors séparées par la distance géographique, ainsi que les barrières linguistiques et culturelles, marquait la fin d'un monde qui fut celui des hommes pendant des centaines de millénaires quand ils vivaient en petit groupes séparés durablement séparés les uns des autres et qui évoluaient chacun de façon différentes[...]"
Face à la marche vers une civilisation mondiale, il lance une mise en garde :
"Sans doute nous berçons nous du rêve que l'égalité et la fraternité règneront un jour entre les hommes sans que soit compromise leur diversité. Mais si l'humanité ne se résigne pas à devenir la consommatrice stérile des seules valeurs qu'elle a su créer dans le passé, capable seulement de donner le jour à des ouvrages bâtards, à des inventions grossières et puériles, elle devra réapprendre que toute création véritable implique une certaine surdité à l'appel d'autres valeurs, pouvant aller jusqu'à leur refus sinon même à leur négation [...] La voie où les hommes sont présentement engagés accumule des tensions telles que les haines raciales offrent un bien pauvre image du régime d'intolérance exacerbé qui risque de de s'instaurer demain, sans même que les différences ethniques doivent lui servir de prétexte".
Levy-Strauss est encore plus explicite dans "Le regard éloigné" rédigé en 1983, dans lequel il affirme qu'il ne faut pas confondre racisme et l'établissement de valeurs entre cultures.
"En second lieu je m'insurgeais contre l'abus de langage par lequel, de plus en plus, on en vient à confondre le racisme défini au sens strict et des attitudes normales, légitimes mêmes, et en tout cas inévitables. Le racisme est une doctrine qui prétend voir dans les caractères intellectuels et moraux attribués à un ensemble d'individus, de quelque façon dont on le définisse, l'effet nécessaire d'un commun patrimoine nécessaire. On ne saurait ranger sous la même rubrique ou imputer automatiquement au même préjugé l'attitude d'individus ou de groupes que leur fidélité à certaines valeurs rend partiellement insensibles à d'autres valeurs. Il n'est nullement coupable de placer une manière de vivre et de penser au dessus de toutes les autres , et d'éprouver peu d'attirance envers tels ou tels dont le genre de vie, respectable en lui même, s'éloigne par trop de celui auquel on est traditionnellement attaché. Cette incommunicabilité relative n'autorise certes pas à opprimer ou détruire les valeurs qu'on rejette ou leurs représentants, mais, maintenue dans ces limites, elle n'a rien de révoltant. Elle peut même représenter le prix à payer pour que les systèmes de valeurs de chaque famille spirituelle ou de chaque communauté se conservent, et trouvent dans leur propre fonds les ressources nécessaires à leur renouvellement
"
Ainsi on peut légitimement préférer sa culture à celle des talibans où la femme reste recluse dans un costume dans lequel elle est prisonnière, ou de l'inde dans laquelle les castes doivent respecter l'endogamie, ce n'est pas racisme mais incompatibilité culturelle.
Dans notre culture traditionnelle, les femmes portaient un couvre-chef ou étaient voilées, dans les champs, à l'église, ou au cimetière. Puis la femme, libérant son visage et ses cheveux devint aussi libre que l'homme et pu montrer sa chevelure, puis ses bras et ses jambes. C'est ainsi que nous élevons nos enfants, perpétuant cette évolution. La beauté du visage et des cheveux féminins ou masculins restent ainsi à la vue de tous et toutes. Dans d'autres culture, les cheveux ou le visage des femmes doivent être cachés à la concupiscence des mâles par un voile, comme chez certains musulmans et comme chez tous les musulmans intégristes. Les femmes, vues uniquement sous l'angle de la convoitise sexuelle, sont séparées du monde des hommes. Le voile porte donc symboliquement et effectivement la marque de ce qu'on peut considérer à l'aune de notre culture comme une oppression des hommes sur les femmes ou en tout cas d'une conception des rapports homme/homme que nous contestons, opposée à nos valeurs d'égalité et de fraternité, et de relations homme femme ouvertes, que nous devons transmettre. Je me souviens avoir du couvrir mon short par un pantalon, en Grèce, lors de la visite d'un monastère orthodoxe, ou bien d'ôter mes chaussures lors de l'entrée dans une mosquée, la simple réciproque doit s'appliquer quand on entre à l'école: enlever les symboles religieux.
Les états unis, qui ont fortement réagi négativement lors du vote de la loi de 2004 sur l'interdiction du voile, de la kippa et de la croix à l'école, signes ostensibles pouvant être assimilés à du prosélytisme, sont en passe de sélectionner le candidat républicain Donald Trump, milliardaire demandant d'interdire purement et simplement l'entrée des mulsulmans sur le sol américain. Les pourcentages de vote pour Trump ont augmenté après ses déclarations.
L'interdiction du voile à l'école primaire et secondaire, qui n'a rien à voir avec le racisme, se base sur une affirmation de nos valeurs républicaines tout en ne refusant à aucun membre d'aucun culte d'entrer dans l'école. Interdire l'entrée du territoire à la totalité des membres d'une religion est incommensurable et procède d'une déclaration de guerre à une civilisation.
"La plupart des peuples primitifs se désignent eux mêmes d'un nom qui signifie 'les vrais', 'les bons', 'les excellents', ou bien tout simplement les 'hommes' ; et ils appliquent aux autres des qualificatifs qui leur dénient la condition humaine , comme 'singe de terre' ou 'oeufs de pou' [...] Mais on connait aussi une autre attitude qui est complémentaire de la précédente plutôt qu'elle ne la contredit, et selon laquelle l'étranger jouit du prestige de l'exotisme et incarne la chance, offerte par sa présence, d'élargir ses liens sociaux."
Les deux attitudes primitives décrites par Levi-Strauss dans "Race et culture" en 1971 pour une conférence de l'Unesco n'ont pas disparu à notre époque et nous constatons en France aujourd'hui un moyen terme entre un rejet complet de l'étranger et une volonté affirmée d'accueil. Serait ce du à la crainte de la fin annoncée d'un monde ?
"j'ai souligné à plusieurs reprises que la fusion progressive de populations jusqu'alors séparées par la distance géographique, ainsi que les barrières linguistiques et culturelles, marquait la fin d'un monde qui fut celui des hommes pendant des centaines de millénaires quand ils vivaient en petit groupes séparés durablement séparés les uns des autres et qui évoluaient chacun de façon différentes[...]"
Face à la marche vers une civilisation mondiale, il lance une mise en garde :
"Sans doute nous berçons nous du rêve que l'égalité et la fraternité règneront un jour entre les hommes sans que soit compromise leur diversité. Mais si l'humanité ne se résigne pas à devenir la consommatrice stérile des seules valeurs qu'elle a su créer dans le passé, capable seulement de donner le jour à des ouvrages bâtards, à des inventions grossières et puériles, elle devra réapprendre que toute création véritable implique une certaine surdité à l'appel d'autres valeurs, pouvant aller jusqu'à leur refus sinon même à leur négation [...] La voie où les hommes sont présentement engagés accumule des tensions telles que les haines raciales offrent un bien pauvre image du régime d'intolérance exacerbé qui risque de de s'instaurer demain, sans même que les différences ethniques doivent lui servir de prétexte".
Levy-Strauss est encore plus explicite dans "Le regard éloigné" rédigé en 1983, dans lequel il affirme qu'il ne faut pas confondre racisme et l'établissement de valeurs entre cultures.
"En second lieu je m'insurgeais contre l'abus de langage par lequel, de plus en plus, on en vient à confondre le racisme défini au sens strict et des attitudes normales, légitimes mêmes, et en tout cas inévitables. Le racisme est une doctrine qui prétend voir dans les caractères intellectuels et moraux attribués à un ensemble d'individus, de quelque façon dont on le définisse, l'effet nécessaire d'un commun patrimoine nécessaire. On ne saurait ranger sous la même rubrique ou imputer automatiquement au même préjugé l'attitude d'individus ou de groupes que leur fidélité à certaines valeurs rend partiellement insensibles à d'autres valeurs. Il n'est nullement coupable de placer une manière de vivre et de penser au dessus de toutes les autres , et d'éprouver peu d'attirance envers tels ou tels dont le genre de vie, respectable en lui même, s'éloigne par trop de celui auquel on est traditionnellement attaché. Cette incommunicabilité relative n'autorise certes pas à opprimer ou détruire les valeurs qu'on rejette ou leurs représentants, mais, maintenue dans ces limites, elle n'a rien de révoltant. Elle peut même représenter le prix à payer pour que les systèmes de valeurs de chaque famille spirituelle ou de chaque communauté se conservent, et trouvent dans leur propre fonds les ressources nécessaires à leur renouvellement
"
Ainsi on peut légitimement préférer sa culture à celle des talibans où la femme reste recluse dans un costume dans lequel elle est prisonnière, ou de l'inde dans laquelle les castes doivent respecter l'endogamie, ce n'est pas racisme mais incompatibilité culturelle.
Dans notre culture traditionnelle, les femmes portaient un couvre-chef ou étaient voilées, dans les champs, à l'église, ou au cimetière. Puis la femme, libérant son visage et ses cheveux devint aussi libre que l'homme et pu montrer sa chevelure, puis ses bras et ses jambes. C'est ainsi que nous élevons nos enfants, perpétuant cette évolution. La beauté du visage et des cheveux féminins ou masculins restent ainsi à la vue de tous et toutes. Dans d'autres culture, les cheveux ou le visage des femmes doivent être cachés à la concupiscence des mâles par un voile, comme chez certains musulmans et comme chez tous les musulmans intégristes. Les femmes, vues uniquement sous l'angle de la convoitise sexuelle, sont séparées du monde des hommes. Le voile porte donc symboliquement et effectivement la marque de ce qu'on peut considérer à l'aune de notre culture comme une oppression des hommes sur les femmes ou en tout cas d'une conception des rapports homme/homme que nous contestons, opposée à nos valeurs d'égalité et de fraternité, et de relations homme femme ouvertes, que nous devons transmettre. Je me souviens avoir du couvrir mon short par un pantalon, en Grèce, lors de la visite d'un monastère orthodoxe, ou bien d'ôter mes chaussures lors de l'entrée dans une mosquée, la simple réciproque doit s'appliquer quand on entre à l'école: enlever les symboles religieux.
Les états unis, qui ont fortement réagi négativement lors du vote de la loi de 2004 sur l'interdiction du voile, de la kippa et de la croix à l'école, signes ostensibles pouvant être assimilés à du prosélytisme, sont en passe de sélectionner le candidat républicain Donald Trump, milliardaire demandant d'interdire purement et simplement l'entrée des mulsulmans sur le sol américain. Les pourcentages de vote pour Trump ont augmenté après ses déclarations.
L'interdiction du voile à l'école primaire et secondaire, qui n'a rien à voir avec le racisme, se base sur une affirmation de nos valeurs républicaines tout en ne refusant à aucun membre d'aucun culte d'entrer dans l'école. Interdire l'entrée du territoire à la totalité des membres d'une religion est incommensurable et procède d'une déclaration de guerre à une civilisation.
mardi 15 décembre 2015
La main invisible aujourd'hui
Auteur de la "Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations" en 1776, Adam Smith écrit dans le chapitre II intitulé "Du principe qui donne lieu à la division du travail":
"Donnez moi ce dont j'ai besoin et vous aurez de moi ce dont vous aurez besoin vous même".
"Ce n'est pas de la bienveillance du boucher du marchand de bière et du boulanger, que nous attendons notre dîner, mais bien du soin qu'ils portent à leur intérêt".
Chaque individu poursuit son intérêt, augmentant par là la richesse globale et le bonheur de tous, comme si une "main invisible", un principe caché, transformait l'intérêt individuel en intérêt collectif. De nos jours cette main invisible a des doigts paralysés par la faiblesse de la demande.
Aujourd'hui une deuxième "main invisible" porte un nouveau principe. En poursuivant son intérêt, le consommateur qui achète son article au meilleur prix ne dépend pas de la bienveillance du fabricant à lui proposer des coûts les plus bas possibles, mais de l'intérêt que celui-ci porte à vendre plus en augmentant la productivité face à la concurrence. Cette loi d'airain s'applique de plus en plus universellement. La nouvelle main invisible, vêtue d'un gant d'acier , remplace les emplois humains par des machines qui fabriquent souvent mieux, plus vite et moins cher, elle partitionne notre société : ceux qui ont un emploi et ceux qui n'en ont pas. Ceux qui peuvent acheter sont placés devant un impératif catégorique : tu n'es que si tu as. Le marketing se charge de déployer de nouveaux "besoins" pour ceux qui ont déjà tout. Les autres ne peuvent qu'espérer retrouver cette consommation effrénée pour "être", le bonheur ne consistant, pour une part, qu'à l'accroissement des richesses, comme l'explique Daniel Cohen dans "La prospérité du vice".
Jeremy Rifkin a écrit "La fin du travail" il y a 19 ans, en 1996. Il y énonce l'hypothèse que nous vivons un bouleversement fondamental : la destruction inexorable du travail productif humain, le corps et le cerveau étant remplacés par des machines. Dans la préface, Michel Rocard suggère de dépasser la démonstration inductive de Rifkin constituée de quantité d'exemples, pour une démarche plus scientifique à l'aide d'un programme de recueil de statistiques par branche sous l'égide de l'INSEE. Pourtant Rocard avoue que "Le problème est moins ici de confirmer le diagnostic pour les experts qui s'y sont largement ralliés que de le rendre irréfutable pour en convaincre enfin les puissances publiques et l'opinion toute entière...". Il rappelle que Keynes entrevoyait lui aussi la fin du travail.
Si Alfred Sauvy avait mis en évidence après guerre le phénomène de "déversement", par lequel les travailleurs privés d'emploi dans une branche vieillissante retrouvaient une activité dans une nouvelle branche, comme les agriculteurs éliminés par la mécanisation en retrouvèrent dans les industries naissantes, il est certain pour Rocard et Rifkin que ce déversement n'opère plus.
Par ailleurs la demande reste et restera structurellement insuffisante, pour l'instant surtout en occident, pour absorber la production démultipliée par l'automatisation. Le volume de sans emploi augmentant, la demande s'infléchit d'avantage, induisant un cercle vicieux de production de chômage.
Aujourd'hui si certains pays s'en tirent mieux que d'autres : l'Asie, l'Angleterre, l'Allemagne c'est parce qu'il bénéficient au détriment des autres d'un meilleur ratio de productivité, soit par de très bas salaires, soit par une très grande flexibilité mais une précarité accrue, soit qu'ils fabriquent les machines pour le reste du monde. La Chine commence à voir sa croissance diminuer à cause d'une demande mondiale insuffisante.
Ne reste pour Rifkin que deux possibilités : la réduction massive du temps de travail d'une part dans une période transitoire et d'autre part un nouveau contrat social fondé sur la vie associative et l'économie solidaire en complément du marché.
Pour Rocard il y a une relation certaine et directe entre chômage et délinquance, celui ci met donc en péril nos sociétés par un délitement du lien social.
La seule réponse des politiques, gauche et droite, au chômage endémique, consiste à vouloir "retrouver" la croissance, généralement en relançant l'offre, donc la production automatisée, j'oublie volontairement les dinosaures qui pensent au grand soir ou au retour au franc et à la préférence nationale. Nous voyons donc bien qu'aujourd'hui le clivage politique fondamental s'énonce moins entre droite et gauche, qu'entre ceux qui pensent qu'on peut "déverser", au sens de Sauvy, les chômeurs sur de nouveaux emplois au moyen d'une nouvelle croissance et ceux qui imaginent de nouvelles formes sociales en dehors de la sphère marchande, prenant acte de cette nouvelle main invisible implacable qui provoque l'exclusion et la délinquance. Cette nouvelle société pose des questions fondamentales énoncées par Rocard, qu'on aimerait voir 19 ans après réapparaitre dans le débat public, une fois qu'on aura admis le chômage comme structurel :
Faut il lier les les revenus de substitution à la pratique d'une activité sociale non marchande ? Faut il conditionner ces revenus à la pratique d'activités socialement utiles ? Peut on financer ces revenus par un prélèvement sur la production automatisée qui ne nuise pas au dynamisme du système productif lui-même ?
Cette idée de Keynes puis de Rifkin commence à faire son chemin. Daniel Cohen, économiste pose lui aussi la question d'une vie sans la croissance dans "Le monde est clos et le désir infini".
Michel
mardi 15 décembre 2015
http://www.blogblog.com/dots/bg_post_title.gif
Main Invisible
lundi 14 décembre 2015
Le choucas Tchok
Konrad Lorenz, fameux éthologue , a mis en évidence le phénomène d'imprégnation ou "empreinte". Lorsque des oiseaux sont élevés non pas par leurs congénères mais par une autre espèce, ils effectuent un transfert et leurs instincts relationnels s'applique à cette espèce. Il raconte par exemple en 1927 l'histoire de la femelle choucas "Tchok" qui était tombé amoureuse de la femme de ménage de Lorenz et la prenait pour un choucas mâle. Lorenz lui était l'objet de l'affection d'un choucas mâle qui essayait de le faire rentrer dans un nid de 20cm, ce que l'on peut trouver risible, les animaux sont si stupides !
Si l'on pouvait lire un livre écrit par un éthologue choucas, on y trouverait que l'homme se distingue dans le règne animal comme une espèce étrange. Très souvent il invite un animal à partager sa vie, comme un chien, à loger dans sa maison ou son appartement. Il lui fournit sa nourriture, ses jouets, le soigne avec des médicaments, l'emmène chez le docteur ou chez le coiffeur, l'embrasse , quelquefois dort dans le même lit, lui met des vêtements et lui parle comme à un humain. Ses sentiments d'amour sont tels pour son animal que s'il meure il lui élève une sépulture. Bref il le traite comme un véritable humain. Notre éthologue choucas trouvera une mine d'information le confortant dans cette hypothèse, par exemple le site du chihuahua où il pourra lire cette formule fusionnelle : "Si vous avez froid, votre chihuahua aura froid, si vous avez chaud, il aura chaud".
Notre éthologue choucas aura des éléments pour développer une théorie sur l'imprégnation...
Le vote peut il etre moral ?
Le
Mercredi 9 décembre 2015, Mélenchon déclarait à France-Info: "le vote
front national est un vote immoral", à la suite de Sarkozy qui lui
annonçait précédemment que le "vote front national n'a rien d'immoral".
De la politique nous avons glissé vers la morale, le bien et le mal.
Pour
Kant ces domaines sont essentiellement différents: le politique marque
l'hétéronomie de la raison, la morale son autonomie. Le politique
caractérise le social et ses règles donc ce qui s'impose, la morale la
liberté de l'individu à choisir les lois morales qu'il s'applique. Nous
pourrions donc dans une première approche penser que la morale n'a rien
à voir avec le politique.
Mais
cela n'empêche pas pour Kant l'Etat, dans la définition des lois, de
viser le bien des citoyens, puisque les lois s'imposent aux individus,
donc d'agir comme être moral. Inversement pour Machiavel le Prince peut
être amené parfois à user, pour affirmer son pouvoir, sans lequel il
n'est pas de politique durable, des moyens que nous qualifions
d'immoraux: violence, mensonge. Donc la morale intervient finalement
dans le politique.
Mais
pour les utilitaristes comme Jeremy Bentham, le Bien n'est pas un
objectif statique, mais dynamique, il résulte du calcul d'utilité de
chacun: cette action doit elle m'apporter du bonheur ou du malheur ? Il
découle de l'addition de ces choix individuels qu'une action est morale
lorsqu'elle apporte en conséquence le plus grand bonheur au plus grand
nombre, quitte à sacrifier des minorités.
Celui
qui vote en fonction de ce qu'il pense être l'intérêt maximisé de la
société, en bon utilitariste, ne fait pas obligatoirement le même choix
que celui qui vote conformément à la volonté générale (pour Rousseau
l'idée de volonté générale se confond avec celle d'intérêt commun),
possiblement contre son intérêt particulier. Ni le même choix que celui
qui suit un impératif catégorique Kantien par exemple éliminer le
candidat en faveur de l'IVG, parce que c'est conforme à son idée de la
vie.
Chaque organisation poursuit pourtant un objectif moral de son point de vue.
Chaque
parti politique véhicule une vision du bien et du mal, des moyens
d'arriver au premier en rejetant le second. La divergence entre ces
visions ou ces moyens inaugure précisément l'existence de partis
politiques. Connaissons nous un parti ou une organisation politique qui
déclare: "nous voulons faire le mal" ? Chaque parti se fonde sur l'une
ou l'autre de ces idées : "nous n'avons pas la même vision du bien commun
que vous" ou bien "vous n'arriverez pas au bien commun par ces moyens".
Qui peut décider s'il détient la définition absolue du bien commun ?
L'amérique a combattu "l'axe du mal" affirmant agir pour le bien, en
dehors de toute autorisation de l'ONU. Il n'y a pas unanimité sur la
définition du "mal" et du "bien" au niveau international et nous
retrouvons cette fracture à l'intérieur des états. La loi n'est-elle pas
l'émanation de la convergence face à cette divergence sur la définition
du bien commun ?
Voter exprime par définition un acte légal. La loi ne prescrit pas de voter pour le bien ou le mal, mais de choisir parmi une liste de représentants. Les partis qui se présentent sont par définition autorisés et légaux. Il est vrai qu' un acte légal peut être immoral mais le syllogisme : je vote pour untel , untel commet une action immorale donc j'ai commis un vote immoral, est faux. Si effectivement, comme l'explique Hobbes dans "le Leviathan", chacun est "auteur" des actes de la personne qui le représente, alors le votant en tant que personne est auteur d'une action immorale, celle du représentant. Ce n'est pas le vote, acte formel et légal, qui est immoral, c'est l'action exécutée par le représentant et son "auteur". Par ailleurs l'action ne sera immorale que pour le point de vue moral de son adversaire, car nous avons vu que les utilitaristes n'ont pas la même morale que les Kantiens par exemple. Si je considère que le vote de mon voisin est immoral, alors c'est une action morale de l'empêcher d'effectuer cette action immorale: le vote. Si son parti remporte les élections, alors c'est une action morale de ne pas reconnaitre l'élection comme valide. Nous voyons bien que si nous mêlons morale et vote nous pouvons aller jusqu'à remettre en cause la démocratie et la loi.
Le vote repose très souvent sur des critères non raisonnables mais passionnels. L'électeur agit légalement souvent en égoïste, en suiveur de tradition familiales, ou plus généralement affectivement: par amour pour un candidat ou pour voter comme son(sa) conjoint(e). Il ignore très souvent les propositions des candidats.
En
ce sens il est totalement immoral de faire dépendre la vie des autres,
qui sera influencée par le choix du vote, de son ignorance, de ses
sentiments pour des proches, ou du visage des candidats. Sera aussi
immoral celui qui vote pour son strict intérêt sans considérer l'intérêt
commun, en égoïste pur, ceci pour toute morale.
Nous
sommes en direction de ce que Condorcet appelait "la dictature des
imbéciles", d'une démocratie dévoyée où la moitié des électeurs ne se
déplacent pas, et beaucoup dans l'autre moitié sont des moutons de
Panurge.
Oui l'électeur est souvent immoral parce qu'il n'utilise pas sa raison mais vote passionnellement.
samedi 5 décembre 2015
non ridere, non lugere, neque desterari, sed intelligere
Spinoza dans le paragraphe IV de l'introduction du "tractatus politicus", traité politique paru en 1677, se propose , en s'intéressant à la politique de déduire certains principes du genre humain en accord avec l'expérience. Il se garde de vouloir inventer de nouvelles formes de gouvernement, sa démarche serait plutôt d'analyser les faits, les comportements, les différentes sortes de gouvernement pour en découvrir les lois. Pour cela il s'engage à considérer les actions des hommes d'une façon distanciée, neutre, comme on regarde les expressions mathématiques : littéralement sans rire, sans pleurer, sans haïr, mais avec la volonté de comprendre avant tout. Autrement dit en se détachant des passions qui brouillent la vue et faussent l'observation.
Spinoza avait lu le "Leviathan" publié en 1651 dans lequel Thomas Hobbes avait initié cette démarche d'appliquer à la politique les principes de démonstration géométrique. Pour Hobbes un raisonnement est un calcul et la science la connaissance des conséquences ou la recherche des causes. il faut tout d'abord découvrir les propriétés de l'objet étudié, pour pouvoir comprendre comment l'engendrer. Par exemple un cercle possède un rayon et un centre, pour engendrer un cercle tourner autour du centre avec le rayon, pour comprendre comment s'engendre l'état il faut donc découvrir ses propriétés. Spinoza reprend cette démarche "mathématique" appliquée à la philosophie dans l'Ethique, qu'il présente à l'aide de théorèmes et de scolies. Mais avant Hobbes c'est Galilée , qu'il avait rencontré, qui prétendait dans l'Essayeur ( 1623) que l'univers est un livre écrit en langage mathématique, avec des caractères composés de figures géométriques.
Beaucoup plus tard, Nietzsche dans "Le Gai Savoir" (333), cite Spinoza "non ridere ..." pour problématiser ce qu'est la connaissance. Selon lui "Intelligere", comprendre, ne peut surgir sans une lutte au tréfond de soi où se mène la bataille des passions.
Nietzsche préfigure un inconscient déterminant pour le processus qui amène à connaitre, la "raison" étant elle-même influencée par l'inconscient.
Freud confirmera l'influence de l'inconscient dans les processus psychiques.
Il n'empêche que prendre de la distance, ne pas pleurer, ne pas haïr, reste nécessaire par rapport à l'actualité pour essayer de comprendre les phénomènes politiques. Cette nécessité échappe de fait aux dirigeants qui doivent réagir vite pour protéger les populations, et ne vivent pas dans un temps propice à l'analyse.
Michel mercredi 5 décembre 2015 http://www.blogblog.com/dots/bg_post_title.gif non ridere, non lugere, neque detestari, sed intelligere
vendredi 4 décembre 2015
Radicalité
Le terme "nihiliste" , popularisé dans "Père et fils" de Tourgueniev en 1862, est porté par le personnage de Bazarov. L'horizon du nihiliste ( de nihil en latin qui signifie : "rien") se limite à la destruction de tout. Rien ne doit être conservé des valeurs pourries de ce monde sauf la science. Ce radicalisme n'est pas inspiré de la religion, qu'il rejette comme le reste. "Un nihiliste, c’est un homme qui ne s’incline devant aucune autorité, qui ne fait d’aucun principe un article de foi, quel que soit le respect dont ce principe est auréolé"... "A l’époque actuelle, ce qu’il y a de plus utile c’est la négation."
Héritier de ce courant, Nicolas Netchaiev, auteur du " Catéchisme du révolutionnaire" en 1868, est un nihiliste russe adepte du terrorisme comme moyen d'arriver à la révolution, l'horizon du nihiliste se déplace puisqu'il poursuit un but constructif: l'avènement d'une société nouvelle. L'organisation Narodnaïa Volia, organisation qui mettra plus tard les idées de Netchaïev en pratique, assassinera le tsar Alexandre II en 1881.
Sans doute ont ils lu Nicolaï Tchernychevski, auteur du roman "Que faire" en 1862, roman féministe, qui met en scène un "homme nouveau". Un atelier de couture appliquant l'idée coopérative de Robert Owen 1 est crée par Vera Pavlovna, préfigure un avenir transformé et lumineux. Sa lecture chamboulera Lénine qui voudra appliquer les idées communistes au monde entier par une révolution mondiale.
Peut on trouver des points communs entre les djihadistes de 2015 de Daesh et les nihilistes de 1860 ou les bolchéviks de 1912 ? Certainement assez peu, hormis le désir de changer de société par des moyens ultra violents, la religion portant les uns et abhorrée par les autres. Cependant ils expriment tous la permanence dans toute société d'une certaine radicalité portée par l'espoir d'un monde nouveau, d'un changement de condition. Le meurtre barbare: décapiter sa victime, la brûler vive, lapider, n'était pas prôné par les activistes russes. En revanche, le monde religieux, par l'inquisition, s'est rendu coupable de crimes semblables, contre ceux qu'elle estimait renier la foi catholique : bûchers, supplices etc. Accéder à ces crimes permis par le discours religieux constitue une sorte de vanne ouverte pour tout réservoir de haine.
La radicalité, telle le torrent gonflé par l'orage, emprunte tous les chemins par où elle se déverse le plus furieusement. L’effondrement des idéologies politiques matérialistes libératrices du début du siècle, l'absence de spiritualité d'une vie consumériste, remettent en selle, en réaction, le sentiment religieux comme horizon pour changer sa vie.
Michel mardi 4 décembre 2015 http://www.blogblog.com/dots/bg_post_title.gif Radicalité
Déchéance de nationalité
Etat des lieux complet sur les lois de déchéance de nationalité pour les pays de l'ONU:
http://legal.un.org/ilc/documentation/french/a_cn4_66.pdf
Michel mardi 1 décembre 2015 http://www.blogblog.com/dots/bg_post_title.gif Pourquoi la guerre
Michel mardi 1 décembre 2015 http://www.blogblog.com/dots/bg_post_title.gif Pourquoi la guerre
mardi 1 décembre 2015
Pourquoi la guerre ?
Partout dans le monde s'est imposé l'Etat, comme institution qui règle la vie en communauté et garantit la sécurité intérieure et extérieure. La naissance de l'Etat n'a pas éliminé les conflits entre les hommes, elle a rendu ces conflits entre états plus puissants, plus meurtriers. La puissance de l'Etat est constitutive pour Hobbes et Max Weber lui attribue le monopole de la violence légale. Comment s'étonner de retrouver cette violence à l'extérieur de l'Etat quand l'homme est considéré violent par nature, comme chez Plaute: "l'homme est un loup pour l'homme", chez Hobbes : "c'est la guerre de tous contre tous" ou chez Pascal: "tous les hommes se haissent naturellement l'un l'autre", chez Spinoza "les hommes sont donc ennemis par nature". Même si l'homme n'est pas mauvais par nature chez Rousseau, il le devient en société qui altère sa perfection naturelle et le rend esclave de ses désirs et son amour propre qui attisent les conflits.
Le désir de puissance supplémentaire donc de conquête a fondé l'histoire des guerres bien avant l'existence de l'état moderne. Il se traduit aujourd'hui par le partage des terres de la planète: aucun territoire n'est plus en possession d' un état, seul l'océan reste à partager, et le cosmos. On assiste malgré tout encore à quelques soubressauts : Palestine, ex Yougoslavie, Soudan, Crimée. Dans cette histoire du partage, des alliances ont vu le jour: de même que la puissance de l'Etat démultiplie la puissance de chacun, s'allier militairement à d'autres états permet d'être plus puissant encore. Ainsi se sont crées pendant la seconde guerre mondiale, les forces de l'axe ou celle des alliés, puis l'OTAN ou les forces du pacte de varsovie. Les alliances économiques déterminent aujourd'hui largement les alliances militaires. Ainsi la coalition qui défendit le Koweit pendant la guerre du golfe se rassembla sur des bases légales du droit international, qui garantit les frontières reconnues, mais avec une motivation économique claire : personne ne voulait voir déstabilisé le commerce du pétrole mondial
Appartenir à une alliance militaire ou économique implique des devoirs envers ses alliés mais pas une obéissance absolue. Ne pas la respecter attire des conséquences : lorsque la France refusa de rejoindre la coalition lors de la seconde guerre d'Irak suite aux mensonges des Etats Unis devant l'ONU elle fut la victime d'un "french bashing" dans les pays anglo saxons qui altéra ses revenus à l'export ou dans le tourisme intérieur et détériora ses relations avec eux pour longtemps. Il s'agit donc en s'alliant : d'une part de garantir le commerce et la paix - garante du commerce - mais d'autre part de ne pas perdre son âme en s'inféodant à la politique d'autres états poursuivant leurs intérêts propres.
Chaque état n'intervient pas dans chaque conflit de la planète, mais favorise ses intérêts. Les menaces pour le commerce sont un déterminant majeur mais pas le seul. Affirmer sa puissance en cas de menace, défendre ses ressortissants à l'étranger, protéger les civils d'un génocide sont des motivations qui peuvent amener un état à des interventions militaires, sans oublier les motifs religieux, la mégalomanie d'un dictateur ou l'armée agissant pour son propre compte. Parfois plusieurs de ces intérêts sont mêlés comme pour l'intervention de la France au Mali qui appelait à l'aide.
Pour réduire la possibilité de guerre, chacun état suivant ses intérêts, des organisations internationales ont vu le jour : la société des nations puis l'ONU.
Le droit international constitue donc la seule barrière et le seul moyen d'éviter ou de tempérer les conflits, puisqu'il se base sur un accord de ses membres pour prendre ses décisions( Il est vrai qu'il est contestable de confier à cinq pays le rôle de membre permanent) Ainsi il n'est pas plus de justice dans l'état de nature, comme l'affirme Hobbes dans le Leviathan, qu'il n'est de guerre juste hors du champ du droit international. La justice n'apparait que par la loi, et la liberté dans le silence de la loi. Carl Schmitt remarque à propos un retour à la notion de "guerre juste" par l'avènement d'institutions inter-étatique. Pour autant n'il y a t il pas de notion de Bien ou du Mal qui détermine l'action des états ? Chaque état affirme agir dans le cadre de ses valeurs, qu'il estime universelles, mais souvent les valeurs, comme les intérêts, sont contradictoires. Le Bien pour la France, n'est pas le Bien pour Daesh ( qui n'est qu'un proto état), ou le Bien pour la Russie, "l'axe du mal" pour les Etats-unis n'est pas celui de la France. Il y a donc une morale qui s'applique à chaque individu et chaque culture, que chaque état ne peut ignorer, mais pas de morale universelle. La seule référence qui établi le juste est donc la loi, internationale en l'occurence.
Le monde devient un champ de Lego ou faire tomber une pièce engendre de nombreuses conséquence pour le village mondial il est clair que la destruction de l'Irak par les Etats-unis a entrainé la destabilisation de toute la région, la chute du Mali aurait engendré un retour au moyen âge pour toute cette région, une menace sur l'approvisionnement d'uranium et de nouveaux conflits. Un homme libre doit pouvoir agir pour maîtriser sa vie, de même doit se comporter un état à l'international pour gérer au mieux ses intérêts. Ne rien faire pour empêcher Daesh d'établir un califat en Irak et en Syrie serait une erreur lourde qui pourrait mettre à feu et à sang tout le moyen Orient et déclencher une guerre mondiale. Il ne s'agit pas d'une guerre "juste" mais d'une guerre motivée par des raisons d'ordre géopolitique. Tenter de négocier diplomatiquement avec Daesh serait une stupidité dans laquelle aucun état s'est lancé.
Michel mardi 1 décembre 2015 http://www.blogblog.com/dots/bg_post_title.gif Pourquoi la guerre
Le désir de puissance supplémentaire donc de conquête a fondé l'histoire des guerres bien avant l'existence de l'état moderne. Il se traduit aujourd'hui par le partage des terres de la planète: aucun territoire n'est plus en possession d' un état, seul l'océan reste à partager, et le cosmos. On assiste malgré tout encore à quelques soubressauts : Palestine, ex Yougoslavie, Soudan, Crimée. Dans cette histoire du partage, des alliances ont vu le jour: de même que la puissance de l'Etat démultiplie la puissance de chacun, s'allier militairement à d'autres états permet d'être plus puissant encore. Ainsi se sont crées pendant la seconde guerre mondiale, les forces de l'axe ou celle des alliés, puis l'OTAN ou les forces du pacte de varsovie. Les alliances économiques déterminent aujourd'hui largement les alliances militaires. Ainsi la coalition qui défendit le Koweit pendant la guerre du golfe se rassembla sur des bases légales du droit international, qui garantit les frontières reconnues, mais avec une motivation économique claire : personne ne voulait voir déstabilisé le commerce du pétrole mondial
Appartenir à une alliance militaire ou économique implique des devoirs envers ses alliés mais pas une obéissance absolue. Ne pas la respecter attire des conséquences : lorsque la France refusa de rejoindre la coalition lors de la seconde guerre d'Irak suite aux mensonges des Etats Unis devant l'ONU elle fut la victime d'un "french bashing" dans les pays anglo saxons qui altéra ses revenus à l'export ou dans le tourisme intérieur et détériora ses relations avec eux pour longtemps. Il s'agit donc en s'alliant : d'une part de garantir le commerce et la paix - garante du commerce - mais d'autre part de ne pas perdre son âme en s'inféodant à la politique d'autres états poursuivant leurs intérêts propres.
Chaque état n'intervient pas dans chaque conflit de la planète, mais favorise ses intérêts. Les menaces pour le commerce sont un déterminant majeur mais pas le seul. Affirmer sa puissance en cas de menace, défendre ses ressortissants à l'étranger, protéger les civils d'un génocide sont des motivations qui peuvent amener un état à des interventions militaires, sans oublier les motifs religieux, la mégalomanie d'un dictateur ou l'armée agissant pour son propre compte. Parfois plusieurs de ces intérêts sont mêlés comme pour l'intervention de la France au Mali qui appelait à l'aide.
Pour réduire la possibilité de guerre, chacun état suivant ses intérêts, des organisations internationales ont vu le jour : la société des nations puis l'ONU.
Le droit international constitue donc la seule barrière et le seul moyen d'éviter ou de tempérer les conflits, puisqu'il se base sur un accord de ses membres pour prendre ses décisions( Il est vrai qu'il est contestable de confier à cinq pays le rôle de membre permanent) Ainsi il n'est pas plus de justice dans l'état de nature, comme l'affirme Hobbes dans le Leviathan, qu'il n'est de guerre juste hors du champ du droit international. La justice n'apparait que par la loi, et la liberté dans le silence de la loi. Carl Schmitt remarque à propos un retour à la notion de "guerre juste" par l'avènement d'institutions inter-étatique. Pour autant n'il y a t il pas de notion de Bien ou du Mal qui détermine l'action des états ? Chaque état affirme agir dans le cadre de ses valeurs, qu'il estime universelles, mais souvent les valeurs, comme les intérêts, sont contradictoires. Le Bien pour la France, n'est pas le Bien pour Daesh ( qui n'est qu'un proto état), ou le Bien pour la Russie, "l'axe du mal" pour les Etats-unis n'est pas celui de la France. Il y a donc une morale qui s'applique à chaque individu et chaque culture, que chaque état ne peut ignorer, mais pas de morale universelle. La seule référence qui établi le juste est donc la loi, internationale en l'occurence.
Le monde devient un champ de Lego ou faire tomber une pièce engendre de nombreuses conséquence pour le village mondial il est clair que la destruction de l'Irak par les Etats-unis a entrainé la destabilisation de toute la région, la chute du Mali aurait engendré un retour au moyen âge pour toute cette région, une menace sur l'approvisionnement d'uranium et de nouveaux conflits. Un homme libre doit pouvoir agir pour maîtriser sa vie, de même doit se comporter un état à l'international pour gérer au mieux ses intérêts. Ne rien faire pour empêcher Daesh d'établir un califat en Irak et en Syrie serait une erreur lourde qui pourrait mettre à feu et à sang tout le moyen Orient et déclencher une guerre mondiale. Il ne s'agit pas d'une guerre "juste" mais d'une guerre motivée par des raisons d'ordre géopolitique. Tenter de négocier diplomatiquement avec Daesh serait une stupidité dans laquelle aucun état s'est lancé.
Michel mardi 1 décembre 2015 http://www.blogblog.com/dots/bg_post_title.gif Pourquoi la guerre
Inscription à :
Articles (Atom)