samedi 9 janvier 2016

l'aura du journaliste

Les journalistes sont-ils à la hauteur des enjeux ? Pour répondre à cette question il apparaît nécessaire de réfléchir auparavant à l'objet du journaliste : l'information et à ses enjeux.
En étant présente, sans la chercher, sur les réseaux sociaux et à la télévision avant tout autre canal , l'information perd son unicité et son aura tout comme l’œuvre d'art, tout d'abord sacrée, a cédé sa valeur cultuelle pour une valeur de représentation par sa reproductibilité technique, jusqu'à intégrer la reproduction elle même comme étant son essence, dans l'art photographique.
Walter Benjamin utilise les concepts d'aura et d'unicité pour montrer dans une analyse qui fait date comment l’œuvre d'art a changé de statut et de contenu par la modification des moyens techniques de sa production d'une part et ceux de sa reproduction de l'autre part.

On observe historiquement que l'information possède également tout d'abord une aura. Qu'elle soit transmise par le bouche à oreille, tel Philippidès annonçant la victoire contre les perses, ou via l'écrit reproductible manuellement. La transmission de l'information va se systématiser, grâce à l'imprimerie, dans le journal "papier". Il offre la possibilité de produire une information brute mais aussi d'élaborer une analyse au dessus des faits, ce qui même si elle est "objective", n'empêche pas les divergences d'appréciation dans chaque journal.
L'aura quitte l'information et se porte sur les grandes plumes, Zola , Hugo.
La fréquence est quotidienne ou hebdomadaire mais limitée par la technique de l'imprimerie. Puis l'invention de la radio change le rythme et la fréquence de l'information qui devient horaire . La radio peut également prendre du recul et du temps de réflexion dans des émissions hebdomadaires, mais sa spécificité technique détermine une tendance à délivrer l'information rapidement. Elle ne possède pas en revanche l'attrait visuel des photographies que l'on trouve dans un journal. Peu après la télévision apparaît qui englobe les caractéristiques de la radio et du papier: fréquence, attrait visuel démultiplié. Les chaînes elles mêmes, grâce à la technique du numérique vont être produites plus facilement, avec moins de moyens, se multiplient et se spécialisent. Certaines ne fournissent que de l'information à tout instant en 24x7. L'aura du journaliste ne fait que diminuer, au fur et à mesure que la disponibilité de l'information s'accentue .
Dans le même temps Internet se répand sur la planète et médiatise aussi bien le papier, que la radio, que la télévision. Il y  ajoute d'autres canaux de diffusions : les applications. Ainsi Instagram, twitter, facebook peuvent relayer des informations agrémentées de texte, de photos, de vidéos et de sons. Puis la technique démultiplie les récepteurs : après l'ordinateur fixe à la maison, ce sont les tablettes puis les téléphones mobiles qui relayent l'information en tout temps, en tout lieux, en toute situation. Les "podcast" éliminent l'avantage papier qui subsistait de la relecture possible. les nouveaux moyens: ordinateurs, smartphone sont utilisés par les nouveaux producteurs d'information qui se multiplient: politiques, artistes, associations, blog de particulier etc.  Dépassé techniquement le journal papier tente de devenir "gratuit", terrible aveu de faiblesse.

Le journaliste, qui trie, met en forme, vérifie, analyse l'information, n'est plus le seul maître à bord, le public croule sous l'information. L'aura du journaliste devient alors négative, elle se reporte sur les médias, on encense Facebook et Twitter. Le journaliste n'est plus ce magicien qui apporte "les nouvelles", comme "l'instituteur" n'est plus le seul à diffuser les connaissances. Les dépêches AFP ou Reuter sont visualisées en temps réel sur Twitter, ainsi que n'importe quelle autre source et sont reproduites ( retweet) à la vitesse du réseau. Dernière étape : les "nouvelles" multimédia sont agrégées dans des "journaux virtuels" par des programmes.

L'article d'un journaliste et ce genre d'informations pêchées sur les réseaux virtuels sont incommensurables. Il ne s'agit pas de la même "information". Ainsi les modes renouvelés de production d'information tel Twitter permettent à tout un chacun de réinventer la réalité, d'où le complotisme qui s'envole, ou de répéter une rumeur à des milliers ou millions d'exemplaires. L'analyse et la pensée sont absentes. Le journaliste qui fait la course au réseau a partie perdue. Seule la réflexion, le recul, le savoir, l'analyse, la pensée en bref l'information de qualité lui permettront de face à ces nouveaux enjeux.


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